< Tous les articles Théâtre Les Possédés d’Illfurth de Lionel Lingelser au CCAM Par Joshua Thomassin 5 décembre 2023 On s’est rendus au CCAM, Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, pour voir la dernière création du Munstrum Théâtre. Les Possédés d’Illfurth est le voyage initiatique de Lionel Lingelser, co-auteur, metteur en scène et acteur. Un seul en scène saisissant où il invoque ses démons pour lier son parcours de comédien à ses traumatismes. La force du spectacle s’impose dès les premières minutes. Lionel Lingelser laisse une scène vide, dénuée de décor et de coulisses. Il apparait, couronne sur la tête, tambour à la main, en haut de la salle. Puis il descend sur chaque marche en courant, tel un héraut grec avant une déclamation. Ici il jouera les trois : celui qui tambourine, celui qui déclame et celui qui agit. Il l’annonce sans le dire : il n’aura besoin que de lui-même pour traverser ce qui suit. C’est une chorégraphie millimétrée tenue pendant 1h15, sans bluffer. Les Possédés d’Illfurth, c’est un conte sur sa vie. Comme point de départ : ses difficultés de comédien une fois devenu acteur professionnel, avec dans les mains un rôle titre sous les ordres d’un grand metteur scène. Son travail d’acteur l’amène à traverser ses étapes fondatrices, pour relier 3 histoires de possession en une. Tout d’abord l’histoire tragique de deux jeunes enfants d’Illfurth, Théobald et Joseph, diagnostiqués possédés en 1864 par l’Eglise, puis exorcisés en place publique. Ensuite, la possession que doit trouver l’acteur pour incarner un personnage, qu’on lui demande pour évoluer en tant que comédien. Enfin, la possession par les autres, de la cellule familiale au traumatisme qu’il a subi durant toute son enfance. © Claudius Pan On suit Lionel Lingelser à travers ces différents récits, enfin suivre n’est pas adéquat. Il nous emporte vers ces récits, par une force d’interprétation difficilement égalable. L’alternance entre tous les personnages qu’il incarne requiert une précision d’orfèvre. C’est une chorégraphie millimétrée tenue pendant 1h15, sans bluffer. Il arrive même à faire croire à toute une salle qu’il a vraiment oublié son texte, alors qu’il n’y a que son personnage qui subit la situation. Lui, bien évidemment, maitrise parfaitement sa partition. Il ne s’agit pas seulement d’incarner tous les différents personnages d’une seule pièce, ce que subissent en ce moment nombre de grands classiques. Lionel Lingelser s’incarne lui-même puis ses proches, puis lui-même, puis des fantasmes, puis des traumatismes, puis tout ce qui l’a un jour traversé. C’est un voyage intérieur, où rien n’est omis. © Claudius Pan Lors de cette aventure, c’est les connexions entre les trames narratives qui apportent toute la saveur de la performance. La patte dramaturgique de Yann Verburgh, co-auteur, permet de dépasser le récit et les récits. On rentre dans ce que le théâtre peut apporter de magique. Lorsque l’acteur sur scène joue lui-même l’acteur, il y a 15 ans, se replongeant dans son enfance pour débloquer son jeu, arracher ses masques, terrasser ses chaînes, on touche des sensibilités variées, sur 3 plans différents qui s’assemblent. Dans le corps de l’acteur, sur le plateau, on ressent les 3 plans en même temps, on aperçoit le tracé des chronologies. L’aventure d’un héros grec qui s’affranchit des temples établis. On est happés par la puissance du jeu de Lionel Lingelser, qui à chaque incursion dans un nouveau corps, dans une nouvelle temporalité, arrive à saisir des bribes de réel. Il dynamise constamment son spectacle, en ajoutant de la force au fur et à mesure. Pas de la force vocale ou émotionnelle, mais de la force dramaturgique, faisant prendre de plus en plus de sens au récit global sans jamais faire retomber l’instant. Il creuse constamment en lui. Comme le lui dit le metteur en scène Omar Porras à son lui d’il y a 15 ans, « l’efficacité est le pire des défauts« . Alors Lingelser ne sera jamais efficace, il sera vrai. Il tisse des liens entre toutes ses intimités, les fait interagir, pour qu’elles finissent par se compléter et ne former qu’un seul grand récit initiatique. Ce spectacle est un nouvel exorcisme public, une revanche pour Théobald et Joseph, où chasser les démons n’a ici rien de religieux, mais est devenu une réalité, de force. C’est un pamphlet sensible contre les drames qui se sont ancrés dans nos mœurs. L’aventure d’un héros grec qui s’affranchit des temples établis. © Claudius Pan En tournée : 20 au 22 décembre 2023 – Le Havre, Théâtre des Bains Douches 21 au 23 février 2024 – Bruxelles, Théâtre Varia 5 et 6 mars 2024 – Niort, Le Moulin du Roc 12 mars 2024 – Uccle, Centre culturel d’Uccle 14 et 15 mars 2024 – Genève, Forum Meyrin 20 au 30 mars 2024 – Lyon, Théâtre des Célestins 5 et 6 avril 2024 – Chalon-sur-Saône, Espace des arts 16 avril 2024 – Guise, Familistère de Guise 14 mai au 1er juin 2024 – Paris, Théâtre du Rond-Point __ Mise en scène et interprétation Lionel Lingelser Texte Yann Verburgh, en collaboration avec Lionel LingelserCollaboration artistique Louis Arène Création lumières Victor Arancio Création sonore Claudius PanRégie Valentin PaulProduction Munstrum ThéâtreDurée 1h15 __ Josh À lire aussi critique Théâtre Le temps des fins de Guillaume Cayet — Critique 04 Déc 2024 Le temps des fins est une pièce qui ne traite pas de la fin des temps mais de la fin de l’infini. Jusqu’au 06 décembre au Théâtre de la Manufacture, puis en tournée, l’écrivain dramaturge livre une œuvre écologiquement engagée poignante. L’histoire se déroule en trois actes : Le deuil, Le monde impossible et La critique Théâtre Le Ring de Katharsy d’Alice Laloy — Critique 26 Nov 2024 On a découvert Le Ring de Katharsy au Théâtre national de Strasbourg. Métaphore sociale, dystopie ou simple fantaisie, Alice Laloy créé un spectacle dantesque, inédit en son genre. Le jeu vidéo rencontre la scène et s’impose au théâtre comme une évidence dramatique. La grille s’élève et le show commence. On découvre Katharsy, figure mystico-lyrique qui critique Théâtre Antigone de Laurence Cordier — Critique 14 Nov 2024 Laurence Cordier adapte Antigone de Sophocle au Théâtre de la Manufacture à Nancy. Face à ce texte antique mais toujours actuel, elle opte pour une mise en scène funèbre et statique. Le propos incandescent ne parvient pas à résonner, faute de rythme et de choix scéniques. Antigone est la fille d’Œdipe et Jocaste. Ses deux À la loupeCartes postalesDossiersHoroscopeInterviewsPlaylists