Pauline Bayle présente Écrire sa vie au TDB

Créé pour le Festival d’Avignon 2023, le spectacle Écrire sa vie suit sa tournée et pose ses valises au Théâtre Dijon Bourgogne. Pauline Bayle a réuni des textes de l’autrice anglaise Virginia Woolf, pour proposer une pièce qui confronte les illusions d’enfance et les désenchantements adultes. La puissance de la langue se frotte à la beauté des corps. Du 13 au 16 février au TDB. Dernières places ici.

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Critique écrite lors du Festival d’Avignon, le 21 juillet 2023.

6 ami·es d’enfance se réunissent pour préparer une fête d’accueil à leur ami commun, qui rentre de la guerre. Le public est invité à cette fête qui s’annonce pleine de joie. Mais ce n’est qu’un prétexte. Pauline Bayle l’utilise pour confronter ses personnages. À leurs souvenirs passés et à ce qu’ils sont devenus. Tous sont à la croisée des chemins, à peine adultes, ils commencent seulement à écrire leur vie. “Comment écrire quand le futur n’existe pas ?“, s’interrogeait Virginia Woolf avant de se tuer. La pièce est en continuelle confrontation avec cette question.

« COMMENT ÉCRIRE QUAND LE FUTUR N’EXISTE PAS ?“

Virginia Woolf

Le personnage qui arrive le moins à y répondre, mais aussi le plus passionnant, c’est Georges, la sœur de Jacob, celui qu’on attend. Parfaitement interprétée par Jenna Thiam, elle est la plus perdue face à l’activité du monde : elle est celle qui est restée dans l’imaginaire de l’enfance, celle qui se réfugie dans les histoires, elle prend note de tout mais n’en produit rien, elle vogue de vers en vers sans réussir à en écrire un.

Cet attrait pour le langage, il est particulier à l’écriture de Woolf. Elle attachait une grande importance aux mots, à leur beauté et leur puissance, et Pauline Bayle lui rend justice. La pièce est exigeante, s’endormir ou se perdre est peu permis pour suivre le fil. Sans jamais être dans le trop poétique, chaque personnage déballe sa parole comme si sa vie en dépendait, chaque mot à sa place. Leurs vies en dépendent peut-être. C’est là où la metteuse en scène s’illustre. Ce texte dense, elle le rythme d’une main de maître, elle l’appuie avec force et le fait taire par le jeu, par la vie qui s’est créée entre les 6 sur scène.

On ressent les rancœurs, les souvenirs, les amours, les amitiés, les déconnexions, les pertes, les avenirs qui s’effilent. Chaque personnage s’efforce du début à la fin d’être soi, de se chercher, fidèle à une ligne qu’il ne maitrise pas. Et d’une amitié enfantine sont nés des chocs de valeurs, des combats personnels. L’arriviste londonien face à l’écrivain maussade, l’introvertie face au faux poète, la petite paysanne face à l’exubérante. Leurs destins ne se comprennent plus.

On vogue alors entre deux temporalités. Leur réunion fracassante, où chaque défiance se heurte au besoin de faire la fête, de faire bonne figure en attendant le retour du 7ème, que tous (ou presque) idolâtrent. Et leur enfance passée, où ils replongent en dansant, en courant vers leurs aventures imaginaires qui les fait toujours frémir.

La scénographie simple qui habille le Cloître des Carmes permet de passer de l’une à l’autre sans nous perdre. Les lumières deviennent des champignons, la table se transforme en tombe. Pauline Bayle trouve des rituels, moments de l’enfance qui restent infinis et qui nous permettent de voyager avec les personnages par une simple baisse des lumières et une danse initiatique.

La pièce dure 2 heures, et si elle souffre que d’une chose, c’est de longueur. La fin tend les personnages jusqu’à leurs dernières nécessités, leurs dernières paroles croisées. Mais, avec autant d’allonge, elle peut perdre en puissance. Un texte aussi intense s’affaibli à force d’être envoyé.

Écrire sa vie est une création fabuleuse. Elle crée sa propre mythologie. Par cette réunion de 6 âmes qui se sont aimées et désormais s’entrechoquent. Pauline Bayle rend honneur à la grande écrivaine qu’est Virginia Woolf et porte au théâtre le récit des déceptions, enfantines et adultes. Comme une initiation à supporter les illusions.

UNE INITIATION À SUPPORTER LES ILLUSIONS

C’est une pièce dense, pour laquelle il faut être armé. On vole et on plonge avec les personnages et l’on ressort blessé, touché par plusieurs phrases qu’on peine à oublier. “Les seules notations dramatiques valables sont celles des romanciers“, disait Louis Jouvet. Pauline Bayle l’a bien compris et a su, après Homère et Balzac, retranscrire l’intensité de l’écriture de Woolf. Bien aidée, évidemment, par des comédien·nes qui ont compris la nécessité de dire.

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Avec Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Viktoria Kozlova, Loïc Renard, Jenna Thiam, Charlotte Van Bervesselès
Texte d’après l’œuvre de Virginia Woolf (en particulier Les Vagues et Une Esquisse du passé)
Adaptation et mise en scène Pauline Bayle
Scénographie Pauline Bayle, Fanny Laplane
Lumière Claire Gondrexon
Costumes Pétronille Salomé, assistée par Nathalie Saulnier
Musique Julien Lemonnier
Son Olivier Renet
Assistanat à la mise en scène Isabelle Antoine
Accessoires Éric Blanchard
Regard extérieur chorégraphique Madeleine Fournier
Construction des décors Éclectik Scéno
Régie générale et lumière Jérôme Delporte, Antoine Seigneur-Guerrini / Régie son Tom Vanacker / Régie plateau Lucas Frankias
Durée : 2H
Plus d’informations sur le spectacle

Photos de Christophe Raynaud de Lage.

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Josh