Nouvelle création du Théâtre de la Manufacture, Quatrième A (lutte de classe) fait partie des spectacles attendus de la nouvelle année. Le duo Julia Vidit à la mise en scène et Guillaume Cayet à l’écriture poursuit son travail sur la place des jeunes dans l’Éducation nationale. Ici, une classe de collège, cartographie d’une mini-société, se révolte contre l’ordre établi.

L’histoire de cette révolte nous est contée par La Discrète, personnage principal du récit. Elle a obtenu ce surnom parce qu’elle ne veut jamais se risquer à parler. Aujourd’hui, elle est le centre névralgique de la mutinerie, et la seule à pouvoir témoigner des événements.

La pièce est un compte à rebours, de J-3 jusqu’au grand final. La scénographie est efficace de simplicité : deux murs et une classe où n’apparaissent que tables et chaises. Un vide décoratif qui permet de représenter ce qui pourrait être n’importe quelle classe. Les chaises, que La Discrète descend des tables à chaque présentation d’un personnage, deviennent les images stagnantes des élèves. Une fois baissées, elles restent très souvent vides, pour que l’on puisse s’imaginer, nous et les autres, dans cette salle.

Anne Gayan

Guillaume Cayet crée 24 personnalités marquées pour former les différentes strates de la classe, du premier au dernier rang. C’est un véritable écosystème, où il invente des personnages comiques, caricatures d’eux-mêmes mais surtout expressions multiples d’adolescent·es qui se cherchent. On obtient presque le décor d’une série. On se prend au jeu de la découverte de chacun·e de ses membres et on s’y attache. On attend le prochain épisode et leurs nouvelles péripéties.

C’est l’arrivée surprise d’un élève, Le Nouveau, qui altère le cours des événements. Pour La Discrète, il est la première personne à lui accorder autant d’attention. Pour la Quatrième A, il est celui qui ose défier l’autorité, et qui remet en cause le cadre établi par le système scolaire. Par exemple, l’exclusion de la classe comme carte maitresse des professeur·es pour éloigner un problème. Il répètera : « exclure au lieu d’inclure« , avant lui-même de devoir rejoindre le principal. Son insolence devient la dernière source de liberté du collège, et entraine derrière lui une insurrection qui gronde.

« Exclure au lieu d’inclure« 

Le système éducatif présenté par Guillaume Cayet et Julia Vidit est à l’agonie. Les figures d’autorité sont moquées : la CPE dépassée, le surveillant dragueur, le principal inactif, le prof non-pédagogue. Ils se retrouvent au même niveau de maturité que leurs élèves. Le délégué veut devenir principal, et on l’imagine presque aussi compétent que ce dernier. L’ambiance est celle d’un navire qui coule, sous fond d’une peur instaurée par la désinformation et les réglementations Vigipirate. Constat réaliste d’une Éducation Nationale dont le drapeau est en berne. Ce sont les élèves eux-mêmes qui devront rapporter de la couleur au centre de ce lieu commun.

Anne Gayan

Avec le personnel scolaire, c’est une trentaine de personnages qui composent le récit, interprétés par seulement 5 comédien·nes. La présence sur scène est donc toujours mobile. Elle suit le rythme de la rébellion qui s’annonce, faisant monter petit à petit le feu qui parcourt les personnages. Certains n’apparaissent qu’une fois mais tous apportent leur pierre à la révolte en cours.

L’insolence est la dernière source de liberté

Guilaume Cayet et Julia Vidit avaient déjà créé Skolstrejk (la grève scolaire), où une lycéenne décide de faire grève de l’apprentissage pour alerter face au drame climatique. Dans Quatrième A, la révolte ne porte pas d’enjeu précis. Il s’agit surtout de reprendre l’accès à la parole, de grapiller de la liberté, d’agir pour agir car il faut à tout prix stopper l’inaction. Les élèves décident de se battre car il ne passe rien, sauf une autorité aliénée. Car le monde de l’Éducation Nationale s’est arrêté de penser, et qu’il se laisse mourir, il n’a plus d’idées. Ces idées, elles manquent aussi dans Quatrième A. La pièce ne prend le parti que d’un soulèvement. Elle n’imagine pas d’autres moyens. Les élèves se contentent de contester, le personnel d’être dépassé. Mais peut-être est-ce logique. Une insurrection ne peut plus prendre le temps d’imaginer l’après. Elle existe car elle est nécessaire, pas réfléchie. « Il faut sortir le feu pour ne pas exploser« , dira Le Nouveau. Une métaphore de la pièce. Un coup de feu pour réveiller le monde, un grand cri pour pousser à l’action.

Anne Gayan

Sur la forme, la présentation au compte-goutte des personnages est une idée divertissante, qui tient le fil de l’attention du public. Mais dans le même temps, elle donne l’impression d’une grande introduction, jusqu’au final, et donc un ressenti de longueur évitable sur une pièce d’1h30 aussi rythmée. Quatrième A ressemble à un pilote. Le comique marche mais il pourrait être encore plus assumé. L’histoire est simple mais sert surtout à présenter le contexte. On ressort avec le sourire mais avec pas grand choses dans les poches. On attend que le reste de la série nous les remplisse.

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La pièce est à voir cette semaine à La Manufacture :

  • h
  • J et 20h
  • h et 19h
  • h

Prenez vos places ici. Plus d’informations sur le spectacle ici.

Puis en tournée :

12 mars – Scène Nationale 61, Alençon (61)

14 mars – Scène Nationale 61, Flers (61)

19 et 20 mars – Château Rouge, Scène conventionnée, Annemasse (74)

23 mars – Transversales, Théâtre de Verdun (55)

28 mars – L’Arc, Scène Nationale, Le Creusot (71)

3 au 5 avril – Théâtre du Point du Jour, Lyon (69)

12 et 13 avril – Théâtre de la Madeleine, Troyes (10)

18 avril – ACB Scène Nationale, Bar-le-Duc (55)

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Avec Alexis Barbier, Otilly Belcour, Djibril Mbaye, Bénédicte Mbemba, Sacha Vilmar
Mise en scène Julia Vidit
Texte Guillaume Cayet
Scénographie Thibaut Fack
Création lumière Nathalie Perrier
Création sonore Manon Amor
Costumes Valérie Ranchoux-Carta
Production Théâtre de la Manufacture – CDN Nancy Lorraine
Durée : 1h30
Dès 13 ans

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Photos de Anne Gayan.

Josh