Une trajectoire exemplaire est le premier roman parfait : une main dans le slip, l’autre autour d’une bière et les yeux rivés sur une cavale dans un thriller. S’il était le barman, Nagui Zinet aurait mixé le sensuel et le sordide dans son cocktail, mais il a profité de l’autre côté du comptoir pour livrer ce texte à paraître le 29 août. 

Résumé : Pris dans le sandwich des états d’âmes d’un juge d’instruction, on a accès au Journal de N. qui raconte à la deuxième personne du singulier le dérapage d’un jeune homme de 25 ans, version lilloise de Charles Bukowski. 

Le texte tient dans le creux de la main et semble écrit en un soir. Souvent, il paraît presque naïf au sens brut, c’est à dire spontané, comme si ni l’auteur ni personne n’avait souhaité gommer la sincérité dodelinante. C’est ce qui permet de beaucoup rire, aux détours de phrases lâchées toujours comme les droites les plus puissantes d’un gringalet à la machine à mandales de la fête foraine. Peut-être que Nagui Zinet aurait pu finir comme son personnage, qui écrit des nouvelles quand il n’est pas en train de chercher comment se payer plus de bière. 

À un moment, j’ai pensé que c’était une autobiographie : si l’auteur salue aussi spontanément dans son texte les écrivains auxquels il emprunte et dont il se revendique (Jim Thompson, Charles Bukowski…) pourquoi n’aurait-il pas aussi emprunté à la réalité le dérapage globale qui sert de toile de fond à ce roman ? En lisant, je me demandais : ce type est-il vraiment écrivain ? Il semble ne pas savoir mentir. Une trajectoire exemplaire est un premier geste brutal, qui malgré sa brièveté n’est pas de tout repos. Il faut s’adapter aux techniques de développement des images du jeune trentenaire qui se cache derrière ce texte. En terminant j’avais compris : la principale chose que Nagui Zinet partage avec son personnage c’est que lui non n’a rien à voir avec la vérité. 

Un écrivain est né.” C’est le genre de connerie qu’on peut lire que les petits mots laissés par les libraires sur les couvertures des livres. Nagui Zinet est écrivain comme on descend dans la rue : il n’a pas eu besoin de naître. Il a juste eu besoin que d’autres avant lui féconde l’humus des losers magnifiques de la littérature. Et peut-être de quelques bières. 

Nagui Zinet — Une trajectoire exemplaire chez Joëlle Losfeld, 112 pages, parution le 29 août

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Arthur Guillaumot