< Tous les articles Interviews Musique Malik Djoudi : « Je ne fais pas de la musique pour plaire, je fais de la musique qui me plaît » / Interview Par Carol Burel 20 janvier 2025 Dans la pénombre de la loge des Trinitaires à Metz, le 16 janvier, une heure avant son concert, Malik Djoudi se livre, plus Vivant que jamais sur son nouvel album sorti en septembre. Sensible et optimiste, vulnérable et touchant, l’album et l’homme célèbrent une vie comblée par les petites choses, un lâcher prise salvateur et une insouciance retrouvée. Carol : On te décrit souvent dans les médias comme un chanteur androgyne, est-ce que c’est un terme que t’utiliserais pour te décrire toi ou ta musique ? Malik Djoudi : Pas forcément, j’ai toujours vraiment eu du mal à expliquer ma musique. J’essaye de ressentir les choses, je fais de la musique par les émotions. Chanteur androgyne ? Pourquoi pas, je pense qu’ils disent surtout ça à cause de ma voix. Qu’est ce que tu as fait pour la première fois en écrivant Vivant ? Je me suis beaucoup moins pris la tête. Avant ce disque je me posais beaucoup de questions sur ce qu’était mon métier, pourquoi je le faisais, et j’ai compris que je faisais ce métier surtout pour les autres, pour essayer de leur faire du bien, pour offrir un espace où s’échapper de sa vie. Pour cet album des barrières sont tombées. Au départ je me suis demandé quelle musique il fallait que je fasse mais en fait, ce n’était pas la question à se poser. Ce qu’il me fallait, c’était surtout me laisser et faire ce que j’avais envie de faire sans concession. “Je ne fais pas de la musique pour plaire, je fais de la musique qui me plaît.” Dans le titre Maman tu écris “Nous on s’en fout du succès, nous on s’en fout des autres”. Est-ce que tu dirais qu’après ces années de carrière tu parviens enfin à te détacher du regard qu’on porte sur ta musique ou sur toi ? Oui je pense y arriver plus. Mais je suis un peu triste de ce que devient la musique aujourd’hui. Je trouve qu’on veut aller vers quelque chose de très instantané ou de très efficace et ça ne me plaît pas trop, et j’ai envie de faire de la musique quoi, pas de plaire au plus grand nombre. Je ne fais pas de la musique pour plaire, je fais de la musique qui me plaît. Et le regard des autres j’essaye de m’en détacher pas mal. C’est un peu l’objet du titre Messes basses, il parle du regard des autres un peu dans sa globalité. Photo : Julien Mignot C’était quoi l’idée fondatrice derrière cet album ? Ce que j’avais envie de raconter c’est que malgré tout ce qu’il se passe dans nos vies, il faut essayer de se sentir vivant. Se sentir vivant c’est une chance aujourd’hui, c’est un privilège. C’est une invitation à vivre les choses comme elles arrivent, de prendre le temps, de prendre la vie comme elle vient et essayer de trouver des satisfactions là-dedans. J’ai appris que les moments où je suis le plus heureux c’est quand je fais des choses simples. La vie peut être assez difficile mais si on se contente de peu, on peut être heureux. Oui, c’est d’essayer de voir la beauté dans les choses simples. “Malgré tout ce qu’il se passe dans nos vies, il faut essayer de se sentir vivant.” Justement, c’est quand la dernière fois que tu t’es senti vivant ? Je crois que c’était tout à l’heure en passant devant une crèche j’ai vu des enfants qui étaient en train de manger. Je me suis dit “Ça c’est les êtres vivants”. Pour moi me sentir vivant c’est ça, c’est à travers des scènes toutes simples de la vie quotidienne qui me touchent. Tu as pleuré en écrivant Vivant, c’est la première fois qu’une chanson te touche de cette manière? Oui. Ce morceau m’a touché en particulier parce qu’il est arrivé dans un moment où je me sentais aligné. Je me sentais vraiment aligné avec ce que je faisais, ce que je racontais, je crois que c’est un morceau que je cherchais depuis un petit moment. C’était un sentiment d’unité, la chanson, la musique, la mélodie, presque l’Accord parfait quoi. Et puis elle est arrivée au moment où j’ai rencontré ma petite amie, c’était un peu l’ode à notre histoire. Dans tes autres albums tu as multiplié les collaborations, est-ce un choix volontaire de n’avoir invité personne à participer sur Vivant ? C’est parce qu’il est plus intime que les autres ? Ouais au bout du quatrième disque je me suis dit que j’allais le faire sans feat, parce que j’avais envie d’assumer ça quoi. Je ne sais pas si il est plus intime, peut-être. Ce disque s’est un peu fait d’une traite et puis je me suis dit que j’allais l’assumer pleinement, le porter tout seul. “Le mot ne doit pas dépasser la musique.” En 2015, tu commences ta carrière solo, qu’est-ce que le fait de jouer en ton nom t’apporte plus que le travail collectif ? C’est juste que j’en avais ras le cul de faire des concessions, ça porte mon nom parce que j’aime bien avoir le final cut. Photo : Julien Mignot Tu dis dans une interview qu’un “bon texte c’est quand on l’entend pas”, pourtant quand on écoute tes morceaux on sent quand même un égard pour le choix des mots, presque une dimension littéraire. Est ce que pour toi il y a vraiment une hiérarchie entre la composition et l’écriture ? Ouais complètement. Le mot doit être musical. Quand le mot sort de la musique ça m’embête un peu, après je fais quand même très attention à ce que j’écrit j’ai envie que ce soit poétique mais le mot ne doit pas dépasser la musique. La littérature semble traverser ta musique, est-ce que t’es un grand lecteur ? J’aime beaucoup lire mais ça dépend des périodes. En ce moment je lis une grosse BD sur les studios d’Hérouville, c’est de Michel Magne et ça me plaît bien. (Les amants d’Hérouville, Michel Magne, ndlr) “Pour chaque disque je descends plus loin.” Si tu devais associer l’énergie de Vivant avec un bouquin ce serait lequel ? Demande à la poussière de John Fante. Parce que sur ce disque je suis allée chercher dans mes retranchements, dans mes profondeurs, et c’est un peu le propos de ce bouquin. C’est la première fois que tu descends aussi loin ? Non, pour chaque disque je descends plus loin, c’est assez éprouvant psychologiquement à chaque fois. Photo : Julien Mignot Dans tes chansons tu parles beaucoup de ta vingtaine, comme s’il y avait une sorte de fantasme de retour à cet âge, comment tu l’expliques ? Entre mes vingt et quarante ans je n’ai pas trop changé je pense, enfin peut-être physiquement. Rires. Mais ouais c’est surtout parce que les vingt ans c’est la période d’insouciance. Et la musique m’amène à ça, à avoir une espèce d’insouciance; et je suis obligé d’être insouciant pour composer, je suis obligé de revenir à ça, si je me prends trop la tête je n’arrive pas à composer. “Si j’avais percé à vingt ans ça aurait été une vrai galère.” Est ce que tu considères avoir percé tardivement ? Ah ouais grave. Mais c’est tant mieux. Ça m’a permis de faire pleins de choses avant, et ça me permet aussi d’avoir pas mal de recul dessus. Si j’avais percé à 20 ans ça aurait été une vrai galère, je me serais sans doute trop laissé aller. Là aujourd’hui j’essaye de prendre ça au sérieux, de bien avoir la tête sur les épaules. Peut-être que si j’avais percé avant je me la raconterais. Rires. Qu’est-ce que tu aimes faire quand tu ne fais pas de la musique ? Je vais au cinoche pas mal, j’ai vu Vingt-Dieux récemment que j’ai beaucoup aimé (Il recommande, ndlr). Je vais faire du sport un peu, je me promène, je vois mes amis, je mange, je fais la fête. Tu es algérien-vitenamien français, comment est- que tu te sens proche de ces différentes origines, est ce que t’essayes de le faire transparaître dans ta musique ? Je connais plus l’Asie que le Maghreb, j’étais très proche de ma grand mère donc je me sens très proche de la culture asiatique. Mais ce n’est pas encore quelque chose que je fais apparaître dans ma musique, pourtant j’écoute pas mal de musiques maghrébines ou asiatiques mais j’en suis pas encore là, peut-être plus tard. __ Vous pouvez rerouver Malik Djoudi sur Instagram ou sur Facebook. Interview : Carol Burel, avec la Cité Musicale, aux Trinitaires à Metz, le jeudi 16 janvier 2025. Photos : Julien Mignot À lire aussi Interviews Musique Billie : « Depuis toujours, ça fait partie de moi » / Interview 24 Jan 2025 La musique de Billie a le goût de l’orage et des choses qui surgissent. On imagine des journalistes à la télé qui paniquent en annonçant la tempête Billie. Un patronyme ? Pour quoi faire quand on peut se la jouer cyclone. Billie tout court, c’est super. À Nilvange, on a discuté avec elle, Billie, au Interviews Musique Malik Djoudi : « Je ne fais pas de la musique pour plaire, je fais de la musique qui me plaît » / Interview 20 Jan 2025 Dans la pénombre de la loge des Trinitaires à Metz, le 16 janvier, une heure avant son concert, Malik Djoudi se livre, plus Vivant que jamais sur son nouvel album sorti en septembre. Sensible et optimiste, vulnérable et touchant, l’album et l’homme célèbrent une vie comblée par les petites choses, un lâcher prise salvateur et Musique Playlists Playlist de la semaine / 20 janvier 20 Jan 2025 Une playlist avec le meilleur des dernières sorties musicales ? Et les conseils de la rédaction pour rester à jour ? Lets go. Arthur Saya Gray – Lie Down… Même si elle a déjà envoyé beaucoup de musique sur les plateformes, c’est bien un premier album que publiera la nippo-canadienne Saya Gray le mois prochain. À la loupeCartes postalesDossiersHoroscopeInterviewsPlaylists