Théa c’est le son de la révolution, de la rave qui déboule dans les grandes salles, la b.o des kidz f****d up qui cherchent et prennent leur place. Depuis quelques années, elle fabrique une hyperpop foudroyante qui sonne comme le générique d’un nouveau monde. 

Théa, ce soir, tu joues sur la scène de L’Autre Canal. Quel endroit est-ce que ça a été la scène quand tu as découvert ce super pouvoir ?

Ça n’a pas été une évidence tout de suite. Petit à petit, je me suis dit “Ok, j’ai le droit de prendre cette place-là”. J’ai le droit de me sentir bien ici, de prendre toute la place. De base, je suis timide donc ce n’était pas une évidence. Et puis, les personnes queers, les meufs, on est moins représenté·es, on a moins d’exemples. C’est pas un truc où tu te dis “Ok j’ai le droit de faire ça, j’ai le droit de prendre toute cette place” mais petit à petit je me suis dit “Vas-y, j’ai le droit”. Maintenant c’est vraiment un espace de liberté où je fais ce que je veux, où je kiffe et où je me kiffe et où je kiffe être avec des gens. 

J’essaye de ne jamais me retrouver à un endroit trop confortable, parce que sinon, je me fais chier.

Est-ce que tu es encore en train de chercher tes limites, sur la scène ?

Dans la création et sur scène, j’essaye de ne jamais me retrouver à un endroit trop confortable, parce que sinon, je me fais chier. Du coup, je cherche toujours les limites. Je veux pousser le délire le plus loin possible. On a quand même un propos, un projet qui est un peu provoquant… Si on est dans le confort, ça le fait pas. Il faut toujours aller chercher des trucs qui sont cools et qui sont oufs. 

Le projet, effectivement, il peut en dérouter certains et certaines. Est-ce que toi-même, parfois, tu as pu être choqué par ton propre projet ?

Oui ! Peut-être que c’est un peu prétentieux, mais en vrai, c’est ce qu’on cherche. C’est une lyrics qui fait peur à dire. C’est un truc où tu te dis, “Est-ce que je fais ça ?, Est-ce que je le dis ?, Est-ce que je le sors ?”. L’endroit de la création que j’aime bien, c’est quand rien n’est sûr, quand ça fait un peu peur. C’est là que c’est cool. 

Est-ce que la musique t’a permis de mettre fin à plus de peur, ou alors est-ce qu’elle en a créé de nouvelles ?

Non, franchement, comme je te disais, je suis vraiment dans un espace de liberté. C’est un espace où je peux enlever les peurs et où j’apprends moi à m’appréhender aussi. C’est quand même beaucoup de pression. C’est une industrie. C’est des challenges. Mais c’est cool, c’est là que je veux être. Et c’est ça que je veux faire.

Tu dis que t’es au cœur de l’industrie, maintenant. Est-ce qu’il y a encore des moments où tu ressens, ou alors des moments où on te fait comprendre que tu n’es pas à ta place ?

Moins maintenant… Parfois il y a encore des médias qui ne veulent pas forcément se mouiller. On ressent que le profil n’est pas encore vraiment compris. Ou le propos. Mais je crois que ça me coule un peu dessus, tout ce qui peut être réflexion de “je n’ai pas ma place ici”. Je me suis prouvé à moi-même que ce n’était pas le cas largement avant. Donc maintenant, ça va. On a beaucoup de chance d’avoir quelques personnes qui commencent à nous suivre. J’ai une équipe aussi, qui me fait confiance et dans laquelle j’ai full liberté. 

D’après ce que j’ai cru comprendre, chez toi, même dans ton environnement familial, la musique, ça a toujours été un espace politique. Est-ce que toi, tu ressens cette filiation là dans ta façon de créer ? 

Oui c’est sûr. Un de mes premiers concerts, c’est Zebda, tu vois. Et ça, c’était de la musique, slogan. Et je trouvais ça fort. Déjà à ce moment-là, de raconter la vie, le militantisme. Une réalité qui s’inscrit politiquement aussi ! Je trouvais que ça faisait sens. Et c’est vraiment quelque chose qu’on m’a transmis à fond.

J’ai toujours cherché la liberté.

Toi tu te sens parfois des responsabilités, quand tu fais de la musique ?

Non, jamais. Sinon ça fait peur et tu dis rien. En fait, je crois que ce n’est pas mon rôle. Évidemment, on peut te faire ressentir que tu peux avoir de l’importance pour des gens. Je parle un peu de politique dans mes sons, mais je me raconte surtout. Je raconte ma réalité. Elle est politique de fait. Ma situation, c’est que je suis une personne queer et je m’identifie à ce mot là pour ce qu’il veut dire politiquement. Mais jamais je me sens une responsabilité quelconque. Parce que j’ai envie de raconter ce que je veux raconter, au moment où je veux le raconter.

La politique arrive à d’autres endroits, comme quand tu parles de ton expérience dans les Free Party, par exemple, on a encore un peu de mal en France avec cette culture. On le voyait il y a encore quelques jours. Qu’est-ce que tu as appris toi musicalement dans cette culture-là toi ? 

C’est une autre manière de vivre. La musique, tu la ressens avec tout ton corps. Quand j’ai découvert ça, ça a été une claque. C’était une claque de liberté aussi. Moi, j’ai toujours cherché la liberté. Notamment dans la musique. Ce concept de Free party, de fête gratuite, c’était un peu les seules fêtes auxquelles je pouvais accéder. Je trouvais que de mêler l’action à la musique, ça faisait vachement sens. Et puis c’était responsabilisant aussi pour les gens qui y allaient. Donc je trouvais que c’était un peu le nouveau punk, quoi ! Tu vois dans la façon de faire, c’était ultra inspirant.

Et puis un mouvement alternatif, une culture à part entière qui s’inscrit en dehors des lignes traditionnelles. J’ai l’impression aussi parfois, que toi, tu t’inscris à la marge quand tu dis “je suis une comète”, quand tu dis “les kids, nous, on est des courants d’air”. C’est de ne pas encore avoir trouvé sa place dans le monde qui fait se dire “finalement, on va plutôt être des éléments” ?

Oui, je pense que moi et mes potes, on a toujours voulu prendre notre place, etc. Mais on a toujours eu un sentiment d’être un peu des rejets. Je pense qu’on a grandi avec ça, que ça nous colle à la peau. Mais c’est pas grave. Ce que j’essaie de dire, c’est que c’est beau et qu’on est cool comme ça. On est des rejets, mais fuck it !

Comment est-ce que tu as créé ton esthétique musicale ? Est-ce que c’est un collage de plein de choses, comme dans une chambre d’ado ?

Ouais, c’est tous les posters différents de style musical, c’est ça ! En ce moment je replonge dans des trucs que j’écoutais très jeune, du guilty pleasure musical en mode des trucs ultra pop, très 2012, Katy Perry, tous les sons ultra pop. D’autres trucs que j’écoutais très jeune, de la pop punk, SUM 41, ou Linkin Park. J’étais jeune, quand j’ai découvert ça, je ne me rendais pas compte. Et puis, il y a un jour où je me suis dit “en fait, je kiffe faire sonner ça comme ça, je kiffe faire sonner aussi pop”. Et, en même temps, j’aime aussi quand c’est vénère. J’aime faire des liens et des dissonances. C’est ça qui me fait délirer musicalement. 

Un son qui pourrait être compris par des radios, ça serait marrant

Qu’est-ce que tu n’as pas encore réussi à faire dans la musique ?

Oh, waouh, tellement de choses. Un son qui pourrait être compris par des radios, ça serait marrant. Et puis travailler avec d’autres artistes, avec d’autres producteurs. J’ai tout le temps fait ma musique dans ma chambre, moi-même, donc je ne suis pas habitué. J’ai vraiment beaucoup de mal à travailler avec des gens. J’ai des propositions avec des d’artistes que je kiffe et tout, mais… je n’y arrive pas encore. C’est mon prochain défi. Je vais sortir de ma zone de confort. 

Est-ce que ta musique, c’est de la musique de fête ?

Ça peut. J’espère que ce n’est pas que ça. Mais je pense que la musique de fait, c’est vraiment de la musique qui est facile à partager avec des potes. Et ça, c’est ce que j’essaie d’avoir. Moi, j’aime bien montrer un son à des potes qui kiffent, même quand c’est triste, même quand ça dit des trucs et tout, que ça bouge un peu, la tête. Je trouve que c’est la meilleure façon de partager de la musique. Et du coup, j’espère, ouais.

Tu fais de la musique qui fait danser, même si parfois c’est un peu badant, comment tu équilibres tout ça ? 

Pour moi, c’est un défi ! Mes morceaux sont parfois tristes dans le fond, mais musicalement, ils sont festifs. Je ne veux pas juste faire de la musique qui fait bader, qu’on peut écouter que dans le bus, la tête contre la vitre. J’en ai beaucoup écouté et ça m’arrive parfois encore. Mais l’idée, c’est aussi de créer un moment où on peut s’en sortir, pour être ensemble.

Tu esperais réunir des gens autour de ta musique ?

Ouais, l’idée de réunir mes potes. J’ai fait de la musique pour faire kiffer mes potes. J’ai toujours essayé de ne pas penser au public. Mais si je montre un truc à mes potes et que ça les fait kiffer, je me dis que ça finira par toucher des gens.

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Vous pouvez retrouver Théa sur Instagram

Interview : Arthur Guillaumot, réalisation et montage : Diego Zébina, ingénieur du son : Alexandre Barreiro

Interview réalisée à L’Autre Canal, à Nancy, le 25 avril 2025.