Il y a un an tout juste Miki publiait échec et mat, une première chanson qui allait faire figure de manifeste, avec son clip tourné devant un Buffalo Grill et des paroles où elle avoue dire « tout ce qui me passe par la tête, et on verra ». Avec la sortie de son projet graou, en mars, l’annonce d’un Olympia en octobre et d’une tournée qui l’emmène dans toute la France, celle qui a grandi au Luxembourg aurait de quoi avoir le tournis.

Miki, ça fait un an que tu as publié échec et mat sur les plateformes, elle a ressemblé à quoi cette année ? 

Je ne l’ai même pas vu passer… Je trouve ça dingue que ça fasse déjà un an. Et en même temps, quand il se passe autant de choses, ça donne aussi l’impression que c’était il y a plus longtemps. 

Qu’est-ce que tu as appris sur toi cette année ?

Waouh… Que mon CPU était beaucoup plus réduit que ce que je pensais. J’ai dû gérer beaucoup de choses en même temps, et j’ai vu mes limites. Maintenant, je sais mieux m’écouter. J’écoute mon instinct, autant dans la création ou dans la manière dont je gère mon temps et mes relations. Je suis constamment dans l’introspection, donc c’est passé par ces tuyaux-là. 

Tu as installé une image nonchalante, comme si tu faisais de la musique quand ça te chante, en jogging dans ta chambre, mais il faut dire ce qui est, tu as beaucoup travaillé non ? 

J’ai beaucoup travaillé. Mais pour moi ça ne veut pas dire que l’image doit forcément être léchée. Il n’y a pas forcément de liens selon moi. Ça me paraissait beaucoup plus logique et organique de créer un écosystème d’idées, de chansons, d’images dans lequel on fait tout et on peut tout jeter à la poubelle ou piocher constamment. De les faire, de les créer, ça c’est le travail, mais ça part d’une base qui est réaliste. On fait beaucoup beaucoup, mais ce beaucoup beaucoup, c’est le miroir de ce que je fais, c’est le miroir de ma vraie vie. 

Est-ce que tu as mis du temps à comprendre ce que tu étais en train de faire, ce que tu étais en train de raconter, et comment tu étais en train de le raconter surtout ? 

Je pense qu’il y a vraiment eu un déclic il y a deux ans, quand j’ai écrit cartoon sex pour la première fois. Quelque chose s’est passé dans ma tête. Je me suis dit que je pouvais juste écrire, sans penser à écrire une chanson. Je dis exactement ce qui me passe par la tête, et on verra. Ce truc-là est resté collé à moi. Il n’y avait plus de raison pour moi de revenir en arrière, à ce que je faisais avant, à essayer d’écrire des chansons qui ressemblaient à des chansons. C’est plus moi, et à la fin ça fait des chansons. 

“Je dis exactement ce qui me passe par la tête, et on verra.”

Comment tu organises ton écriture ?

J’écris vraiment tout le temps. Récemment, j’ai arrêté d’écrire dans mon carnet. Je me suis rendu compte que c’était plus simple pour moi d’écrire quand la chanson se fait. Je pense que pour moi le carnet a été l’activation d’une pensée véridique. En y écrivant j’avais l’impression de découvrir quelque chose de vrai. Comme je me suis habituée à le faire tous les jours, je me suis habituée à cette sensation donc je peux le faire en direct quand je travaille sur un morceau. Je n’ai plus besoin de passer à travers toutes mes notes. J’ai toujours un gros cumulus de notes que je trie fréquemment, mais en ce moment je travaille plutôt sur le moment. 

C’est un travail très intime, il y a des choses que tu n’avais pas prévu que les gens entendent ? 

Je n’avais rien sorti depuis tellement longtemps… Et avant les gens qui écoutaient mes chansons, c’était un petit cercle. Je ne m’en rendais pas compte que les gens allaient vraiment écouter les paroles. Aujourd’hui, beaucoup de gens blessés ou touchés me disent se reconnaître dans les paroles, je ne m’y attendais pas.

Est-ce qu’il y a des choses que tu n’as pas encore osé dire ? 

Ah oui. Il y a tellement de choses que je ne dis pas. On a l’impression que je dis beaucoup mais c’est la partie que je peux dire parmi tout ce que je ne peux pas dire. Je me censure pas mal. Ou bien il faut que je trouve une autre manière de le dire, mais c’est encore un autre challenge. 

« Je fais tout pour ne pas écrire des chansons d’amour. »

Tu parles énormément d’amour. 

Oui. Ah oui. Tu trouves ? 

Je trouve que c’est ta matière principale. 

Il va y en avoir encore plus là. 

J’ai surtout l’impression que tu fais des chansons pour qu’elles soient entendues par des gens aimés. 

Par des gens aimés ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Les parents, la famille, les ami·es, les amoureux·ses… Les gens qu’on aime. C’est le mouv le plus complexe du monde non ?

C’est marrant que tu me dises ça, parce que je fais tout pour ne pas écrire des chansons d’amour. J’essaye d’éviter le plus possible, donc si je le fais, c’est que j’ai besoin de le faire. Je ne vais pas faire des chansons d’amour par facilité. Particules, c’était impossible pour moi de ne pas l’écrire, elle m’a un peu sauvée cette chanson. 

Une chanson, ça peut sauver la vie ? 

La vie je ne sais pas. Mais à ce moment-là, j’ai vraiment compris à quel point la musique c’était fort. Ça m’a vraiment donné du baume au coeur à un moment où je n’étais pas bien. 

Comment tu gères le fait que les gens attrapent ta veste quoi que tu fasses ? 

Au début, ça m’a fait vraiment bizarre. J’ai tout enlevé de mon téléphone. J’ai ressenti de la colère, de la honte. De l’injustice forcément, parce que je me suis bougé pour sortir ma musique, et à la première tentative que je fais pour sortir mes morceaux, je me fais éteindre. Avec des théories où les gens sont à côté de la plaque et m’inventent une vie. C’était forcément très dur. Pendant longtemps, j’ai arrêté de regarder les commentaires sur les réseaux sociaux. Mais je me suis rendu compte que quand je commence à interagir avec eux dans les commentaires, ils viennent s’excuser en dm…

La scène, c’est quel espace pour toi ? 

C’est une autre manière pour moi d’exprimer les chansons. J’ai un rapport plus physique, plus weirdo. Encore hier on m’a dit que ça changeait vraiment entre les plateformes et le live. C’est une manière pour moi de jouer, avec les synthés, les pads. Et puis j’adore faire mes démos sur scène. Ça me permet de voir ce que je peux modifier en studio. J’ai certains morceaux qui ont cinq vies différentes. miki cowboy, ou cartoon sex, ça a beaucoup évolué. La scène pour moi, c’est un prolongement du studio, mais avec la réaction directe des gens.

En studio tu es toute seule ?

Je fais toujours mes démos toute seule, sur mon ordi, dans le van par exemple. Et quand je suis allée au bout de mes idées, je vais voir les gens dont je respecte le goût, et je leur montre. C’est la partie dans laquelle je suis en ce moment, parce que je suis en train de rendre mon album.

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Vous pouvez retrouver Miki sur Intagram

Interview réalisée au Festival Nuits Secrètes à Aulnoye-Aymeries le 13 juillet 2025.

Interview : Arthur Guillaumot, réalisation et montage : Diego Zébina