En à peine plus de six mois, la belgo-congolaise Camille Yembe a déferlé sur la pop francophone avec un sens de la formule qui n’appartient qu’à elle doublé d’une modernité et d’une sincérité désarmantes.

Camille, ça fait à peine plus de six mois que Plastique, ton premier morceau, est sorti sur les plateformes, qu’est-ce qu’il s’est passé en six mois ? 

Franchement, tu as vu toi-même : dégâts. Nan en vrai je suis trop contente, c’est un premier projet qui a été super bien accueilli, morceau après morceau. 

J’ai l’impression que tu es toi-même un peu surprise et émerveillée. 

Oui, il y a de ça. Mais c’est très paradoxal. Je suis émerveillée, mais je suis émerveillée de tout. Une feuille qui vole : oh trop beau une feuille qui vole ! Mais à la fois je me suis préparée à ça, c’est un truc que j’ai énormément projeté. Je suis partagée entre : “C’est pour de vrai ?” et “Enfin !”

Ça a duré combien de temps, la période avant les premiers morceaux, celle où tu te projetais justement ? 

J’appelle ça les pas invisibles. Il y a eu des années de pas invisibles, ça commence même avant la composition. Ça commence par la prise de confiance en soi, en se disant que ça peut être un objectif et non plus seulement un rêve. Il y a le fait de s’entourer aussi, le fait de sortir des galères de la vie. Je te jure, je n’ai pas envie de dire “ma vie”, mais ça a pris des années. Ce projet musical, je l’ai construit en deux ans, mais les pas invisibles durent depuis bien plus longtemps que ça. 

Est-ce qu’il y a des choses que tu portais en toi depuis toujours et que tu as mis sur ces premiers morceaux ? 

Bah en fait : non. Pas tellement finalement. Il y a beaucoup de choses qui datent de ces deux dernières années. Cet ep, Plastique, qui est sorti en juin, je l’ai pensé plutôt comme une mise en bouche plutôt que de me dévoiler tout de suite complètement. Même si j’en dis déjà beaucoup et que je pense que les gens commencent à pouvoir voir qui je suis, avec les morceaux, les interviews, les vidéos. Je pense que tout ça, c’est une invitation à me connaître. 

« J’ai compris aussi que mon profil dans l’industrie de la pop pouvait évoquer des choses pour des personnes qui me ressemblent. »

En six mois, les choses sont quand-même allées vite, comment tu as vécu tout ça ? 

C’est vrai que c’est rapide, je m’en rends compte. J’ai beaucoup de chance que ça se passe comme ça. Et à la fois, je trouve que c’est un rythme qui correspond à ma personnalité. Si ça avait été plus lent j’aurais fait “hein”. Et j’ai encore beaucoup de choses à aller chercher, je n’ai pas encore vécu de gros buzz. Mais ça me correspond. 

Nan il en faut : Encore

Il en faut encore, il en faut plus, j’en veux encore, tu t’en doutes bien ! 

Qu’est-ce que tu as découvert sur toi pendant les six mois qui viennent de s’écouler ?

Bah écoute, quand-même beaucoup de choses, parce que même si je projetais le fait que mes chansons allaient être écoutées par d’autres personnes, on ne se rend pas compte de ce que ça fait jusqu’au moment où ça arrive. Et au moment où ça s’est passé, je me suis rendue compte que ce n’était plus juste mes chansons et que ça évoquait aussi des choses pour d’autres personnes. J’ai compris aussi que mon profil dans l’industrie de la pop pouvait évoquer des choses pour des personnes qui me ressemblent. Ça m’a fait penser la musique différemment, ces six mois. Sur mon prochain projet, j’ai envie de parler plus de moi, d’être plus intime, parce que maintenant je sais qu’il ne s’agit pas que de moi. J’ai envie d’utiliser la musique pour créer un écho chez d’autres personnes. Ça a donné du sens à ce que je fais. 

« Parler de soi, c’est parler des autres. »

Il fallait un premier projet pour le comprendre ? 

Oui, il fallait un premier projet pour comprendre que parler de soi, c’est parler des autres aussi. Et que donc il ne faut pas avoir peur d’être hyper intime, hyper vulnérable, parce que c’est à ce moment-là que tu attrapes les gens. Je me suis rendue compte que c’est les chansons où on se met à nue qui parlent aux gens. C’est le cas pour Encore, où j’ai l’impression de me livrer vraiment, et qui est celle qui a presque le mieux marché.

Tu fais de la musique pour qui ? Parce que tu as parlé de la question de l’incarnation, dans la pop. 

D’abord, je fais de la musique pour moi. C’est ma passion et j’en ai besoin. Je fais de la musique pour ceux qui d’une manière ou d’une autre se sentent connectés à ce que je raconte. Ça peut être via une histoire, via mon profil physique, via le fait que je sois une femme noire dans la pop. Peut-être que ça invite des gens qui ne se sentent pas invités de base dans ce genre musical-là. Moi, j’écoute de la pop depuis très longtemps mais tout le monde me demandait “Qu’est-ce que tu écoutes ?”. Ils auraient pu kiffer, mais je pense qu’ils ne se sentaient pas forcément invité dans ce genre musical. Et enfin, j’ai besoin que les gens un peu perdus ressentent que j’ai aussi été un peu perdue, mais que je suis arrivée quelque part. Ça me fait quelque chose et j’ai envie de provoquer ça. C’est un truc que j’aurai voulu qu’on me provoque aussi. Il y a plein de trucs, tu as une heure devant toi ?

Toi tu as retrouvé un chemin avec la musique ? 

Oui. Il y a un moment où je n’avais plus de chemin. À dix-sept ans, j’habitais chez ma meilleure amie. Et la musique a été mon pilier, ça a été une sorte de lumière.

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Vous pouvez retrouver Camille Yembe sur Instagram.

Interview réalisée avec den Atelier à Luxexpo Open Air, le 16 juillet 2025.

Interview : Arthur Guillaumot, réalisation et montage : Diego Zébina