Léo Cohen-Paperman poursuit sa série Huit rois (nos présidents) et s’attaque à deux poids lourds en même temps : Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il continue d’imaginer de nouvelles formes pour les faire vivre, mais se perd ici en ne trouvant pas de quoi faire spectacle.

La promesse était belle : faire de Nicolas Sarkozy un stand-uper et de François Hollande un clown, puis finir en beauté par un troisième solo en hymne à une France brisée par leur politiques. Faire du seul en scène une métaphore pointilleuse du jeu politique solitaire qu’ils ont mené.

Les deux rôles qui leur sont attribués leur vont parfaitement. Sarkozy n’essaie pas de plaire à tous, il se montre, beau, fringant, à l’aise avec son audience, qu’elle soit avec ou contre lui. Hollande a toujours été considéré comme un clown, essayant de bien faire mais n’arrivant pas à prendre en main ce pour quoi on l’a élu, finissant par fourvoyer tous les espoirs placés en lui. L’idée de faire venir une 3ème personne qui les met dehors, se dorant en Marianne, et racontant — à la façon d’une chanson de geste — son histoire personnelle, perturbée par les crises qu’ils ont entrainé, semble pertinente. Mais le tout se perd, et n’arrive pas à trouver d’unité à laquelle se raccrocher.

Le stand-up de Sarkozy, où il raconte plusieurs étapes de sa vie, de son poste de ministre en 2005 aux déboires avec Khadafi en passant par l’histoire d’amour avec Carla, ne raconte rien. Il ne nous place pas dans la tête d’un homme d’État, il nous présente la marionnette des Guignols de l’info. Ce qui est drôle sur une séquence de 3 minutes où se mêlent plusieurs personnages ne l’est pas dans un stand-up de 30 minutes, qui tente maladroitement de l’impro — une discipline que l’acteur ne semble pas encore tout à fait maîtriser, à peine dépasse-t-il le premier rang, à peine réagit-il à ce qu’on lui renvoie, à peine ne s’arrange-t-il pas avec les réponses qu’on lui donne pour suivre son fil rouge.

Le clown d’Hollande reprend toutes les ficelles de la discipline, du maquillage aux bottes trop grandes, des chutes à la fleur qui trisse de l’eau. Il commence très fort avec un « Moi clown, moi président », discours pertinent et drôle, puis se perd dans un trop-clownesque, où on ne sait plus vraiment ce qu’on suit, jusqu’à couper du tout au tout avec un sérieux malvenu pour aborder l’épisode des attentats.

Le troisième solo scande un texte fort, l’histoire d’une enfant de l’immigration qui réussit à faire sa place dans le milieu de la finance, vote Sarkozy, puis rencontre un intermittent, fonde une famille avec, vote Hollande, et remet en question tous ses choix face à la confrontation entre son identité et ce que la société française devient. Si le texte est d’une justesse presque sans faille, le rythme incandescent mais monocorde qu’il suit — entrecoupé seulement de phrases de la mère qui se répètent — n’aide pas à le rendre intelligible, et il semble lui aussi se perdre en route.

Dans Sarkhollande, Léo Cohen-Paperman a assemblé 3 idées, en 3 parties. Des bonnes idées de base mais qui n’arrivent pas à un rendu vivant une fois mises sur le plateau. On regrette tout du long qu’il n’y ait pas plus d’interaction entre Sarko et Hollande, qu’ils ne fassent que se suivre pour ne pas — trop — se ressembler. Tout ce qui doit être dit sur les politiques de ces présidents et leurs conséquences, perd sa substance dans un trop-plein de comique. Tout est rire, et tout s’envole à la seconde où il est dit. Rien de vivant ne se passe, on enchaine une suite d’idées et faits sur leurs carrière. Là où le troisième solo est censé réunir les idées percutantes et conclure, il ne peut que tenter de rattraper l’air brassé par ses prédécesseurs.

Il est plus simple de saisir ce spectacle dans le contexte de la série Huit rois (nos présidents). Mais contrairement aux précédents (sur Chirac, Giscard et Mitterand), les formes choisies ne réussissent pas à faire spectacle, à réunir le public dans une histoire. On ne dira pas que c’est le spectacle de trop — il y encore l’épisode sur Macron et sur De Gaulle et Pompidou qui arrivent — mais celui là marque un pas de côté, pas assez réussi, pas assez poussé, trop divisé pour être un épisode pertinent de cette série qui a du sens.

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En tournée en 25/26 :

17 octobre 2025 – Théâtre Louis Jouvet, Rethel (08)

04 novembre 2025 – Bords 2 Scènes, Vitry le François (51)

06 novembre 2025 – Transversales, Verdun (55)

13 novembre 2025 – TCM, Charleville-Mézières (08)

14 novembre 2025 – Espace Jean Vilar, Revin (08)

18 novembre 2025 – Le Carreau, Forbach (57)

21 novembre 2025 – Théâtre de Rungis, Rungis (94)

25 novembre 2025 – La Rampe, Échirolles (38)

27 novembre 2025 – Théâtre de Privas, Privas (07)

02 décembre 2025 – 13ème Sens, Obernai (67)

03 décembre 2025 – MAC, Bischwiller (67)

26 et 27 mars 2026 – ACB, Bar-le-Duc (55)

05 au 19 juin 2026 – Théâtre 13, Paris (75)

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Compagnie des Animaux en Paradis

Durée 1h20
Avec Valentin Boraud, Clovis Fouin, Ada Harb
Texte Julien Campani, Léo Cohen-Paperman, Clovis Fouin
Mise en scène Léo Cohen-Paperman
Scénographie Anne-Sophie Grac
Costumes  Manon Naudet
Maquillage et coiffures  Pauline Bry
Lumières  Léa Maris
Création sonore  Lucas Lelièvre
Régie générale  Thomas Mousseau-Fernandez
Assistante à la mise en scène  Esther Moreira
Direction de production  Léonie Lenain
Diffusion  Anne-Sophie Boulan
Communication & médiation  Lucile Reynaud
Administration  Clara Rodrigues
Logistique de tournée  Blanche Rivière

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Texte : Joshua Thomassin