< Tous les articles Interviews Musique Arthur Teboul : « Ce que j’ai travaillé depuis longtemps, c’est être dans chaque mot » / Interview Par Arthur Guillaumot 10 octobre 2024 Le boss des mots — recueils de poèmes en solo ou en face de la vie, superbes chansons avec son groupe Feu! Chatterton — s’est associé avec le pianiste de jazz Baptiste Trotignon. Un combo gagnant qui vient de livrer un album de reprises de standards de grandes chansons. Ils étaient à Nancy Jazz Pulsations, alors on a discuté avec Arthur Teboul. Arthur Guillaumot : Arthur, tu es de retour à Nancy Jazz Pulsations. Tu es content d’être ici ? Arthur Teboul : Ouais, super content. C’est aussi une salle que tu connais bien. Tu as lu ici l’année dernière. Oui, la salle Poirel. Super belle. C’est marrant, elle est très belle et en même temps, elle a une reverb naturelle qu’il faut maîtriser. Quand je suis venu avec Feu! (Chatterton, son groupe, ndlr), avec la batterie et tous les instruments, c’était plus galère. Et là c’est assez agréable parce qu’en piano-voix, je pense que ça va être assez cool. Justement, ton actualité du moment c’est Piano Voix avec Baptiste Trotignon. L’album vient de sortir, tu chantes les mots des autres, toi qui a les tiens et qui les extrait même à la minute d’habitude, là, il a fallu rentrer dans ceux des autres. C’était un exercice facile ? Non, pas facile du tout, parce que ce n’était pas n’importe quels autres. Ce sont mes idoles, ceux qui m’ont donné envie de faire de la musique : Brel, Brassens, Barbara, Ferré. Donc se frotter comme ça à des maîtres, c’est difficile. Ça peut être très intimidant. J’ai en tête leurs interprétations qui sont presque sacrées pour moi. Ce n’était pas facile. La deuxième difficulté, c’était de se mettre à nu comme ça, dans un pur piano-voix alors que j’ai l’habitude d’être pas mal épaulé par mes camarades et d’envoyer. Cette nudité-là, elle m’a fait peur au début, mais j’avais envie d’essayer. Et à la fois c’est un exercice qui nécessite forcément de l’humilité pour se mettre au service de ces grandes chansons. Oui, bah de toute façon, on ne peut pas y aller avec orgueil. On ne va pas chercher à se comparer aux maîtres, aux grands qui ont écrit ces chansons. Et la comparaison, c’est toujours un piège quand on travaille, parce que ça empêche d’être vraiment libre. Et il ne faut pas penser comme ça. Il faut chercher l’honnêteté. Baptiste m’a permis de relever ce défi. Pour lui qui est un jazzman, tout ça, c’est très naturel. Jouer des standards et reprendre des chansons, c’est la base de son travail. “La comparaison, c’est toujours un piège quand on quand on travaille, parce que ça empêche d’être vraiment libre.” C’est presque un exercice de transmission finalement ? Oui, il y a aussi cette idée d’être passeur. Mais pour pouvoir se permettre de reprendre les standards, il faut d’abord être un vrai musicien, maîtriser son instrument, être un virtuose. Et moi, je n’avais jamais fait ce travail-là. J’allais chez Baptiste, dans son petit studio, au fond de son jardin, en banlieue parisienne, et j’avais l’impression d’assister à un cours. Je m’asseyais en face du piano, sur un petit tabouret et on travaillait sans micro, en acoustique. Jusqu’à présent, en chantant mes propres mots, moi qui suis autodidacte, je commençais à m’affermir en tant qu’interprète avec le groupe. Mais ma confiance venait du fait que j’étais capable d’interpréter ce que j’écrivais. Tu as douté ? Après dix ans de groupe et de tournée, je me demandais si j’en étais capable. Est-ce que j’étais capable d’être un pur interprète ? Et en travaillant petit à petit, j’ai senti que quelque chose se passait et que je commençais à mieux maîtriser mon instrument : la voix, tout en m’appuyant sur ce que je savais faire parce que j’étais en face d’un grand instrumentiste. Il fallait que je trouve une confiance et je l’ai trouvé dans mon incarnation. Ce que j’ai travaillé depuis longtemps, c’est ça. C’est être dans les mots, être dans chaque mot. Pour autant, est ce qu’il y en a une sur laquelle tu as buté, sur laquelle tu n’as pas réussi justement à incarner ? Il y en a plein. Elles ne sont pas dans le spectacle, elles ne sont pas dans le disque. Mais on a travaillé beaucoup plus de morceaux parce que c’est aussi ce qui est cool quand on se met à faire des reprises, c’est qu’à un moment, le cerveau fonctionne comme ça et on pense à plein de chansons. J’ai une playlist que j’ai mise sur Spotify où il y en a une centaine, et sur les autres plateformes aussi. Il y a une centaine d’idées de reprises pour plus tard et j’en ai envoyé plein à Baptiste. Et en fait, petit à petit, on s’est mis à se chauffer, on a ajouté des répétitions, on sentait qu’il y avait quelque chose qui se passait. Chacun on s’emmenait dans nos retranchements, on approfondissait quelque chose et on s’apportait mutuellement. Donc on ajoutait des chansons, on ajoutait des chansons…. À la fin on avait un spectacle de 2h, il m’a dit : arrête de m’envoyer des titres, là, c’est bon. Mais oui, il y en a. Je ne sais pas. Il y a Jolie môme de Léo Ferré qu’on avait monté pour le premier concert. Finalement, on l’a sorti du répertoire. Il y a des chansons de Barbara, comme Gottingen qu’on reprend et qu’on a fait nôtre, mais on reprenait aussi À mourir pour mourir et Du bout des lèvres, qu’on ne tient pas encore. Il y en a une autre qu’on adore sur laquelle on bute. “Ce que j’ai travaillé depuis longtemps, c’est être dans chaque mot.” Et comment s’appelle cette autre chanson ? On a essayé plein de choses, mais il y a une super chanson que je vous invite à découvrir dans de multiples versions qui s’appelle Nature Boy si vous ne connaissez pas, magnifique standard. Il y a Ella Fitzgerald qui l’a chantée de dingue, mais c’est Nat King Cole, le premier grand interprète de cette chanson. J’en ai fait une adaptation en français. Ça ne marchait pas, ça ne marche toujours pas. C’est beau d’accepter qu’on a réussi à échouer. De toute façon, il faut accepter qu’on ne peut pas le faire. Il faut essayer. Il n’y a que comme ça qu’on y arrive. Si vous m’aviez vu il y a dix ans… Aujourd’hui, même mes parents sont surpris. Ils ont confiance en moi et ils trouvent que je suis vraiment le meilleur être du monde. C’est mes parents et heureusement qu’ils m’ont donné cette confiance. Le seul moyen de grandir et d’essayer d’explorer dans les voies qu’on aime, c’est de le faire avec passion, mais de le faire. Il faut y aller quoi ! Il faut essayer. Il faut se planter jusqu’à trouver son chemin. Il y a quand même tes mots sur scène, ils débordent. Il y a un poème minute dans le spectacle. Ça a été impossible de les contenir ? Ouais, non, c’est pas ça. Enfin, je peux très bien jouer sans chanter mes chansons. En fait, au départ, le projet avec Baptiste, c’était un live. Il fallait construire un spectacle et un spectacle ça se construit en réfléchissant un peu à une dramaturgie, un rythme. Très vite nous est venue l’idée qu’au milieu du concert, pour rythmer le spectacle, ça serait chouette d’avoir une sorte de break où on improvise tous les deux. C’est un vrai truc de jazzman ça. Oui ! Et c’est l’occasion pour les gens de découvrir le travail de Baptiste, qui est un pianiste exceptionnel. Il a une liberté totale d’improviser. Et pendant ce temps, j’écris. Ça apporte une autre énergie au concert. Ce n’est pas simplement un concert de reprises. On n’est pas dans un truc de variété ou un karaoké. On profite de ces merveilleuses chansons que d’autres ont écrites. Ce sont des chansons intemporelles et tellement sublimes. On s’y invite. Ce sont des véhicules où on peut mettre beaucoup de liberté et beaucoup d’inconnu, d’aventure. Ce qui nous plaît aussi quand on joue tous les deux ce dialogue, c’est qu’il y a une vérité de l’instant qui n’est pas mécanique. __ Retrouvez Arthur Teboul sur Instagram, sur Facebook et sur YouTube Interview : Arthur Guillaumot, réalisation et montage : Diego Zébina, ingé lumière : Léo Mercklé, ingé son : Joshua Thomassin Interview réalisée à la Salle Poirel le 09 octobre 2024 pendant Nancy Jazz Pulsations. À lire aussi Musique tops Top musique 2024 de la rédaction 27 Déc 2024 C’est l’heure des tops de fin d’année. La rédaction de Première Pluie vous livre ses projets préférés de l’industrie musicale en 2024. ARTHUR Pour ce qui est de la musique : super année. Une leçon : moins de barrière entre les genres musicaux, moins de pudeur pour varier les plaisirs. 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