On a découvert Le Ring de Katharsy au Théâtre national de Strasbourg. Métaphore sociale, dystopie ou simple fantaisie, Alice Laloy créé un spectacle dantesque, inédit en son genre. Le jeu vidéo rencontre la scène et s’impose au théâtre comme une évidence dramatique.

©SIMON GOSSELIN

La grille s’élève et le show commence. On découvre Katharsy, figure mystico-lyrique qui dirige le jeu, et ses 2 assistants. Puis les 2 joueurs et les 6 avatars. Ces derniers ont leur propre présentation de combattant·es, à la Street Fighter. La metteuse en scène nous place comme devant notre écran, prêt·es à regarder un live Twitch où s’affrontent deux gamers confirmés. Chacun choisit son équipe et les duels commencent.

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BLACK FRIDAY, CLICK AND COLLECT, ENJOY YOUR MEAL, LIVING POISON, GREEN IS BEAUTIFUL, STOP CRYING. Le nom des épreuves est choisi avec soin et satire. Les avatars, véritables pantins, s’affrontent sous les consignes déshumanisées des joueurs qui les contrôlent. « Saisit », « Tourne », « Subtilise », « Pivote », « Pique », « Tire », « Saute ». Bagarre vestimentaire, bataille de courses, duel de nourriture, guerre des déchets, emprunt de meubles, affrontement de berceuses : elle utilise des situations quotidiennes pour les tordre et leur faire perdre tout sens. Mais s’y retrouve notre réalité. Au centre de notre monde il y a un ring. On s’y affronte perpétuellement. Un combat pour des produits, tombés du ciel entre nos bras, qu’on s’empresse de consommer et de recracher.

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Alice Laloy a imaginé son spectacle comme un grand divertissement moderne, où les vivants sont rangés dans leurs cases : le système qui établit les règles, ceux qui manipulent, et ceux qui sont forcés d’obéir. Elle mélange les disciplines, du chant d’opéra à une danse circassienne, pour rendre son environnement le plus vivant possible, et ça marche. On est pris au jeu.

« un·e gamer·euse convaincu·e et un·e amateur·rice de musique lyrique« 

Tout se base sur un paradoxe. Les acteur·rices quittent leur humanité pour n’être que des pantins, mais les PNJ (personnages non-joueurs) qu’ils incarnent deviennent vivants sur le plateau. Dans le public, on est forcément perturbé·es par ce qui se produit. L’ambiance est malsaine, mais trop divertissante pour la quitter des yeux. On finit même par en rire. Du cocasse d’un pantin qui n’arrive pas à s’habiller, d’une chute imprévue, des consignes mal interprétées ou non respectées.

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La metteuse en scène emprunte à la fois au jeu vidéo, à Squid Game, aux vidéos satisfaisantes ou de combat sur Internet. Comme elle le souhaite, elle permet la rencontre entre « un·e gamer·euse convaincu·e et un·e amateur·rice de musique lyrique ». Elle saisit dans l’interdisciplinarité la faculté de rassembler des mondes. Elle nous impressionne par la performance des danseur·euses, nous tend par la musique, nous apaise par le chant, nous divertit par le jeu, et nous dérange par l’absence d’humanité. Elle crée un spectacle au centre de l’époque. Où le sens de ce que l’on voit n’importe plus, il s’échappe pour laisser le divertissement comme seul maître. La violence se décuple et s’utilise comme élément de jeu, comme dernière part d’humanité.

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La scénographie est terne, tout en gris. Elle s’impose par sa forme, avec un grill visible (grille qui retient les objets, projecteurs ou autre, juste en haut de la scène), qui laisse tomber des chaises, tables, fauteuils à 6 mètres de hauteur. Les objets atterrissent sur leurs pieds, sans tomber à la renverse, véritable prouesse réalisée par les ateliers du Théâtre national de Strasbourg.

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Alice Laloy utilise la scène comme exutoire et replace l’humanité au centre du débat. Qui créé les règles du jeu ? Qui les impose ? Qui sont ces avatars ? Que gagne ceux qui jouent ? Pas de réponse. Juste la réalité malsaine d’une Société du Spectacle qui franchit ses limites.

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En sort un show comme nul autre avant lui, qui pose des tableaux d’une beauté malaisante. La précision des danseur·euses est digne d’orfèvres. Alice Laloy multiplie les portes d’entrée et permet de lier la création artistique nichée à un divertissement populaire. Le Ring de Katharsy est un drame contemporain dont on ressort forcément questionné·e, impressionné·e, avec une dose de rire non contrôlé.

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Au Théâtre national de Strasbourg jusqu’à samedi 29 novembre. Toutes les infos ici

Tournée : 

05 au 16 décembre 2024 : Gennevilliers (92) – T2G Théâtre de Gennevilliers (pour le Festival d’automne)

09 et 10 janvier 2025 : Villeneuve d’Ascq (59) – La rose des vents

26 février au 1er mars 2025 : Tours (37) – Théâtre Olympia

13 et 14 mars 2025 : Malakoff (92) – Malakoff Scène Nationale (pour le Festival Marto)

20 et 21 mars 2025 : Orléans (45) – Théâtre d’Orléans

03 et 04 avril 2025 : Limoges (87) – Théâtre de l’Union

09 et 10 avril 2025 : Clermont-Ferrand (63) – Comédie de Clermont-Ferrand

23 au 26 novembre 2025 : Toulouse (31) – ThéâtredelaCité

La Compagnie s’Appelle Reviens 
Avec
Coralie Arnoult, Lucille Chalopin, Alberto Diaz, Camille Guillaume, Dominique Joannon, Antoine Maitrias, Léonard Martin, Nilda Martinez, Antoine Mermet, Maxime Steffan et Marion Tassou (chanteur·ses, acrobates et danseur·ses)
Conception et mise en scène Alice Laloy
Écriture et chorégraphie en complicité avec l’ensemble de l’équipe artistique
Assistanat et collaboration artistique Stéphanie Farison
Collaboration chorégraphique Stéphanie Chêne
Scénographie Jane Joyet
Lumière César Godefroy
Musique Csaba Palotaï
Écriture sonique Géraldine Foucault
Recherche et développement des accessoires et objets Antonin Bouvret 
Recherche, dessin et développement des systèmes de lâchés Antonin Bouvret, Christian Hugel
Renfort construction Julien Aillet, Julien Joubert
Costumes Alice Laloy, Maya-Lune Thiéblemont, Anne Yarmola
Renfort costumes Angélique Legrand
Graphisme et Vidéo Maud Guerche
Typographie MisterPixel, Christophe Badani
Regard cascades Anis Messabis
Coordination des projets artistiques Joanna Cochet
Assistanat à la vidéo Félix Farjas
Stagiaire en assistanat à la mise en scène Salomé Baumgartner
Stagiaire costumes Esther Le Bellec
Régie générale Sylvain Liagre, en alternance avec Baptiste Douaud
Régie plateau Léonard Martin
Régie lumière en tournée Elisa Millot
Régie son en tournée Géraldine Foucault, en alternance avec Arthur Legouhy
Décors réalisés par les ateliers du TnS
Coordination des projets artistiques Gabrielle Dupas
Production et diffusion Gabrielle Dupas
Administration Céline Amadis
Communication Manon Rouquet

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Critique : Joshua Thomassin

Photos : Simon Gosselin