< Tous les articles critique Théâtre Makbeth du Munstrum Théâtre au Théâtre Dijon Bourgogne — Critique Par Joshua Thomassin 2 avril 2025 Le Munstrum Théâtre adapte librement Macbeth de Shakespeare. Mise en scène sanguinolente, ambiance crasseuse et personnages masqués, Louis Arene et sa troupe déploient sans filtre la violence du pouvoir meurtrier. On l’a vu au Théâtre Dijon Bourgogne, un mois après sa création. Macbeth, c’est ce roi qui, après une bataille victorieuse, croise des sorcières oracles qui lui annoncent qu’il sera roi. Ainsi, après avoir comploté avec sa femme Lady Macbeth, il assassine son souverain pour prendre sa place puis plonge dans une spirale sanguinaire pour conserver le pouvoir. (©NICOLAS MARTINEZ) Le spectacle commence par une intro longue d’une dizaine de minutes. C’est la guerre de chaque côté du plateau. Ambiance à la 1917, un Macbeth des tranchées s’annonce. Les grenades pleuvent, des parties de corps volent, des cris se déchirent, dans un déballage de fumée complet. Lorsque les personnages apparaissent, ils semblent déjà être des fantômes. (©NICOLAS MARTINEZ) L’esthétique du Munstrum Théâtre sait tailler dans le vif, elle saisit les corps, les métamorphose à souhait. Dans Makbeth, elle est brute, visqueuse, holographique. Le voyage vers l’univers insaisissable qu’ils ont créé est direct. Entouré·es de murs en tôle gigantesques, les comédien·nes ont tous·tes un masque chauve, ne laissant que bouche et menton apparents. Les habits sont vieux et sales et mixent entre la pauvreté et le rétrofuturisme. C’est une valse de gueux, une danse de corps crades qui s’avance sur scène. Les personnages ont l’air accablés de leur propre existence. Ils ont déjà perdu avant que tout ne s’annonce, le pouvoir a déjà rongé leur âme. (©NICOLAS MARTINEZ) L’ambiance est anachronique et ose se moquer des conventions. Lady Macbeth porte une robe en tente Quechua quand une autre Dame est habillée en sac de couchage. On emprunte à la fois au cinéma de genre, faux sang qui gicle à gogo, et aux productions hollywoodiennes, de l’intro à sa fin — qui n’est pas sans rappeler la scène finale de The Substance. L’adaptation du texte du Shakespeare a été sèche. Pas de compromis. On taille. De nombreux personnages disparaissent et un est créé pour combler les trous : un bouffon, qui suit le récit tout du long. Il se permet d’ailleurs une aparté à mi-chemin pour faire frémir les puristes de l’auteur anglais. « Vous n’êtes pas au bout de vos peines« . N’en ressort que le nécessaire, et un dosage habile pour ajouter du rire à une pièce qui n’en a que trop peu — on soupçonne d’ailleurs Shakespeare d’avoir ajouté a posteriori les quelques scènes comiques. (©NICOLAS MARTINEZ) Ce savant bazar monté par le Munstrum Théâtre est une réussite esthétique totale. On ne cesse d’en être impressionné. Les comédien·nes sont eux-aussi saisissants dans leur alliage entre monstres et bouffons. On regrette seulement la longueur, 2h30, qui peut tendre à se réduire sans perdre de sa qualité. Vu les réussites passées de leur compagnie et les moyens déployés, on attendait beaucoup de ce Makbeth. À la vue de la pièce, une petite odeur persiste. Celle de l’ego. Louis Arene et Lionel Lingelser, les créateurs du Munstrum, se sont accordés les rôles titres, Macbeth et sa Lady. Comment ne pas faire le parallèle ? On est dans l’expérience d’un artiste qui se fond dans son personnage. Face à un pouvoir de création étendu, Louis Arene s’est-il perdu dans le trop-esthétique ? Pourquoi adapte-il Macbeth ? Il le charcute mais ne le dépasse pas, il se contente de s’y amuser. (©NICOLAS MARTINEZ) C’est évidemment un très bon spectacle, un délire esthétique jubilatoire qu’il faut se presser de consommer dans sa géante tournée. Mais il lui manque ce petit quelque chose, ce recul artistique, cette vision supplémentaire qui aurait pu le rendre, comme le texte qu’il adapte, intemporel. __ Tournée 24/25 02 et 03 avril – La Comédie, CDN de Reims 10 au 18 avril – Les Célestins, Théâtre de Lyon 29 avril au 15 mai – Théâtre Public de Montreuil – CDN 22 et 23 mai – La Filature, Scène Nationale de Mulhouse 10 au 13 juin – Théâtre du Nord – CDN de Lille Tournée 25/26 à venir, à retrouver sur le site du Munstrum Théâtre Avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Lionel Lingelser, Anthony Martine, François Praud, Erwan TarletD’après William ShakespeareMise en scène Louis AreneUne création du Munstrum ThéâtreConception Louis Arene, Lionel LingelserTraduction, adaptation Lucas Samain en collaboration avec Louis AreneDramaturgie Kevin KeissCollaboration à la mise en scène Alexandre EthèveScénographie Mathilde Coudière Kayadjanian, Adèle Hamelin, Valentin Paul, Louis AreneCréation lumière Jérémie Papin, Victor ArancioMusique originale, création sonore Jean Thévenin, Ludovic EnderlenCostumes Colombe Lauriot Prévost assistée de Thelma Di Marco Bourgeon, Florian EmmaMasques Louis AreneCoiffes Véronique Soulier NguyenChorégraphie Yotam PeledAssistanat à la mise en scène Maëliss Le BriconDirection technique, construction, figuration Valentin PaulEffets de fumée, accessoires Laurent BoulangerAccessoires, prothèses, marionnettes Amina Rezig, Céline Broudin, Louise DigardRenforts accessoires, costumes Marion Renard, Agnès Zins, Ivan TerpigorevStagiaires costumes Morgane Pegon, Elsa Potiron, Manon Surat, Agnès ZinsStagiaires lumière Tom Cantrel, Gabrielle FuchsFabrication costumes avec le soutien de l’atelier des Célestins, Théâtre de Lyon.La toile Le ciel orangé a été créée par Christian Fenouillat pour La Trilogie de la Villégiature mis en scène par Claudia StaviskyRégie générale, plateau Valentin PaulRégie son Ludovic EnderlenRégie lumière Victor ArancioRégie costumes, habillage Audrey WalbottRégie plateau Amina RezigAdministration, production Clémence Huckel, Noé Tijou (Les Indépendances)Diffusion Florence BourgeonPresse Murielle Richard Production Munstrum ThéâtreCoproduction Les Célestins, Théâtre de Lyon / Théâtre Public de Montreuil, Centre dramatique national / TJP, Centre dramatique national de Strasbourg – Grand Est / Comédie, Centre dramatique national de Reims / La Filature, Scène nationale de Mulhouse / Chateauvallon-Liberté, Scène nationale / Les Quinconces et L’Espal, Scène nationale du Mans / Théâtre Dijon Bourgogne, Centre dramatique national / Théâtre Varia – Bruxelles / Malakoff, Scène nationale / Le Carreau, Scène nationale de Forbach et de l’Est mosellanSoutiens DRAC Grand Est / ministère de la Culture au titre du Fonds de production / S.A.S. Podiatech – Sidas / dispositif d’insertion professionnelle de l’ENSATT / Ville de Mulhouse __ Texte : Joshua Thomassin Photo à la Une de Nicolas Martinez À lire aussi Agenda Théâtre 5 bonnes raisons de voir Dialogue avec ce qui se passe à La Manufacture 17 Nov 2025 Cette semaine, un ovni débarque au Théâtre de la Manufacture à Nancy. Dialogue avec ce qui se passe, nouvelle pièce d’Adrien Béal, essaie d’interpréter le temps qui passe sur un plateau de théâtre. Ça paraît alambiqué, ça semble difficile à appréhender, mais c’est une expérience unique et réussie pour traiter du cheminement de nos pensées. Agenda Théâtre 5 spectacles à voir cette saison au Nouveau Relax à Chaumont 10 Oct 2025 Le Nouveau Relax, c’est la diversité à tout prix, mais pour vous, ce sera à prix bas. Théâtre, danse, cirque ou encore musique, tout est possible et les spectacles aussi contemporains que créatifs s’y bousculent. Pour y voir un peu plus clair, nous avons choisi 5 pièces à ne pas louper. 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