< Tous les articles humour Interviews Rire et Tensions — Humour, influence et santé mentale Par Arthur Guillaumot 24 septembre 2025 Vous êtes dans les transports en commun, au lit, aux toilettes, au travail et vous regardez une courte vidéo humoristique. Ces contenus divertissants sont souvent le fruit du travail de jeunes créatrices et créateurs qui font de leur mieux pour captiver et fidéliser une audience, qui viendra ensuite potentiellement voir leurs spectacles. Cette génération n’est pas la première à créer sur Internet, mais le marché n’a jamais été aussi fourni en talents, portant la pression à un niveau élevé, avec parfois des effets sur la santé mentale. Qui sera le prochain à voir sa carrière décoller grâce à une vidéo qui fonctionne mieux que les autres, dans une époque où l’algorithme joue autant que le talent ? En 2025, les carrières d’humoristes se font en partie sur le succès de ces derniers sur les réseaux sociaux. Entre la France, la Suisse et le Québec, on a demandé à Charles Brunet, Emma Bojan, Adel Fugazi, Erickson Alisme, Fiona G et Jules Pelgrims, comment ils et elles vivent tout ça. Charles Brunet @profil_interessantSpectacle actuel : Très très bon show 219k abonné·es sur Instagram225k abonné·es sur TikTok Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par Charles Brunet (@profil_interessant) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Bien je crois. Ça fait presque 10 ans que je monte sur scène. Quand les vidéos ont commencé à marcher sur le web, j’avais déjà un spectacle. Je pense que de pas faire du web comme étant mon principal métier mais plutôt comme une pub pour mon show ça m’aide à avoir une bonne distance avec ça. Mais sinon j’étais fucking content que ça commence à marcher hahaha. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? Je les consomme autant que je les utilise. J’essaye d’arrêter de scroller tout le temps. Les gens qui créent l’algorithme sont vraiment des génies du mal. C’est tellement addictif. Avec le temps, j’ai appris à me détacher du résultat de mes vidéos. Je suis rendu à un niveau où je me satisfait de la vidéo par elle-même. Si j’met dekoi de bon j’suis fier et content. Mais malgré, ça si une vidéo marche vraiment pas j’vire fou et j’panique. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Je ne suis pas toujours drôle. Le web permet cette illusion mais mon quotidien c’est beaucoup d’essais-erreurs. Si tu crées des œuvres honnêtes, ton image va refléter ta vraie personne. Plus tu penses à ton image, moins elle est réelle et plus les gens ressentent la dichotomie. Le stand-up m’aide à m’en détacher. Pour arriver à un bon résultat, il faut tellement passer par l’échec. Le processus de décevoir quotidiennement une audience, ça t’humilie mais ça te rend vraiment humble. « Le processus de décevoir quotidiennement une audience, ça t’humilie mais ça te rend vraiment humble. » Charles Brunet Emma Bojan @emmacandcheese Spectacle actuel : Attends-moi j’arrive !127k abonné·es sur Instagram98k abonné·es sur TikTok Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par Emma Bojan (@emmacandcheese) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire « marcher ». Je dirai que c’est le moment où je me suis sentie légitime de faire ça. Les gens pensent parfois qu’ils ont un droit de regard sur tes faits et gestes, puisque tu leur montre « tout ». Je le fais depuis que j’ai 14 ans, et je le faisais de la même façon avec 300 abonnés qu’avec 120 000. Donc ça n’a pas changé grand chose, à part le rapport à la légitimité. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? Pour moi, les réseaux sociaux c’est trop cool. Je trouve que c’est vraiment la meilleure médiation de notre génération. La preuve qu’on s’adapte pour ne pas subir l’époque. C’est la nouvelle télé. Avant, c’était la télé qui faisait qu’on s’introduisait dans le salon des gens, là on est carrément aux chiottes avec eux. C’est une ultra-intimité. J’aime l’idée d’être la bonne copine. C’est un substitut social que je ne trouve pas malsain. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Je n’ai pas l’impression de devoir toujours être drôle. Depuis que j’ai commencé à créer du contenu, j’ai imposé ma vision de prendre la parole et de dire des choses. Peu importe si c’est sur une scène au théâtre, en lisant des poèmes que j’ai écrit, en jouant ou en réalisant du cinéma, en faisant des blagues pipi-caca sur Insta et TikTok, en faisant du personnage sur France Inter. Je veux défendre le fait que je ne dois ni être drôle ni être quoi que ce soit en réalité. « Je veux défendre le fait que je ne dois ni être drôle ni être quoi que ce soit en réalité. » Emma Bojan Adel Fugazi @adelfugaziSpectacle actuel : Pause128k abonné·es sur Instagram39k abonné·es sur TikTok Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par Adel Fugazi (@adelfugazi) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Pour ma part, quand ça a commencé à marcher pour moi sur les réseaux, j’avais déjà un spectacle à proposer que je travaillais déjà depuis 1 an. Donc c’est arrivé au bon moment pour moi. Mais je reste tout de même réaliste et conscient que je ne suis pas arrivé du tout et qu’il reste encore un long chemin et que tout peut s’arrêter comme ça. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? Les réseaux, je les utilise comme une vitrine qui me permet aussi d’aller plus loin et de développer mon univers. J’essaie de poster quand j’en ressens l’envie même si ça devient aussi un « travail ». Au début, j’étais attaché aux chiffres. Quand ils étaient hauts, j’étais heureux et dans le cas inverse ça pouvait me mettre un petit coup au moral. Je m’en suis détaché et je fais ce que je sais faire. Si ça marche c’est cool, si ça marche pas tant pis. L’important étant de créer. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Cette étiquette d’humoriste me va bien et je ne cherche pas à m’en défaire. Le monde est assez sérieux comme ça pour tout prendre au 1er degré. Mais ceci dit, ça ne m’empêche pas de donner un avis sérieux lorsque j’en ressens le besoin ou l’envie. Je ne me sens pas cantonné au rôle du « comique de service ». « Le monde est assez sérieux comme ça pour tout prendre au 1er degré. » Adel Fugazi Erickson Alisme @ericksonxalismeSpectacle actuel : Zagazow20k abonné·es sur Instagram19k abonné·es sur TikTok Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par Erickson Alisme (@ericksonxalisme) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Bizarrement, que ça n’a pas encore vraiment marché. Je crois que pour garder la nique, le momentum et le charme de tout ça, il faut cultiver cette impression que ça ne marche pas vraiment. Je sais que ça fonctionne plus que plein de gens et que je suis chanceux, mais j’ai l’impression que tant que tu penses que ça n’a pas marché, c’est là que ça va continuer à marcher. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? J’ai un rapport un peu complexe avec les réseaux sociaux, parce que j’aime ça, poster des vidéos, voir les gens liker, commenter, voir que la vidéo a bien marché. Mais en dehors de ce rapport professionnel, je suis quelqu’un qui aime interagir face à face. Je fais un peu du ghosting sur les réseaux : si on m’envoie un message, je mets du temps à répondre. Je préfère parler en face. À la fin de la journée, je comprends que c’est pas le vrai monde. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Quand je parle avec quelqu’un, mon premier but c’est de faire rire la personne. Mais sentir le devoir d’être drôle, je n’ai jamais eu de problème avec ça. Et je sais que je peux avoir des moments où je suis seul chez moi et ne pas être drôle du tout. J’ai l’impression que c’est ma nature et j’aime bien l’image d’humoriste, même s’il y a des bons et des mauvais côtés. Je suis attaché à l’image de l’humoriste au café qui écrit ses blagues dans un calepin. « Je crois que pour garder la nique, il faut cultiver cette impression que ça ne marche pas vraiment. » Erickson Alisme Fiona G @fiona_sjdpslfnsdpxsnwsfSpectacle actuel : Trauma chill 5k abonné·es sur Instagram Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par TEST & SHOT (@testandshot) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Je vous dirai ça le jour où ça commencera à marcher ! Je pense qu’on en veut toujours plus, je ne sais pas à partir de quand on se dit « ah la ça y’est je suis pile où je veux être ». Mais chaque avancée fait plaisir. Ma technique pour satisfaire mon cerveau et l’arroser parfois d’un peu de positivité, c’est d’essayer de regarder aussi les trucs que j’ai déjà fait plutôt que ce que je veux encore faire. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? Je passe plus de temps sur les réseaux qu’avec ma mère. Je connais mieux la make up routine de mon influenceuse préférée ou les techniques de nettoyage de tapis que mon arbre généalogique. J’ai un rapport fusionnel et un peu envahissant avec les réseaux sociaux ! Pour l’instant, je suis une consommatrice et non pas une créatrice de contenu. En vrai je me dis que si l’Univers voulait que je passe moins de temps sur insta il aurait créé moins de profils de chiens qui surfent. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Je ne ressens pas trop cette pression, si des gens me demandent « d’être drôle » en soirée ou quoi je leur demande s’ils m’ont payée pour. Bonne ambiance. En vrai je ne suis pas du tout toujours drôle mais je suis presque toujours un peu à côté de la plaque, ce qui au final amuse aussi les gens, sauf mes proches, qui s’inquiètent. « Je passe plus de temps sur les réseaux qu’avec ma mère. » Fiona G Jules Pelgrims @jules_pelgrims Spectacle actuel : Le dauphin 60k abonné·es sur Instagram110k abonné·es sur TikTok Voir cette publication sur Instagram Une publication partagée par Jules Pelgrims (@jules_pelgrims) Comment est-ce que tu as vécu le moment où ça a commencé à marcher ? Quand ça a commencé à marcher sur les réseaux, ça a été galvanisant. J’ai eu l’impression que c’était parti pour moi. Mais très vite, je me suis rendu compte que ça fonctionne par impulsion. Percer pour de vrai, ça prend du temps. Au début, c’est forcément agréable, mais il faut vite prendre de la distance pour rester créatif. Il faut être patient et surtout encaisser les moments où ça fonctionne moins bien. Quel rapport est-ce que tu as avec les réseaux sociaux ? J’ai un rapport assez malsain avec les réseaux. En ce moment, j’essaye de m’en détacher. Forcément il y a de la comparaison, on regarde les chiffres des autres. Quand une vidéo marche, t’es le roi du monde, quand ça flop, t’es tout seul. Je fais un gros travail sur la gestion de l’ego pour réussir à être moins touché par tout ça. Je tiens à prendre de la distance parce que c’est vital mais c’est vraiment pas évident. Comment tu gères le fait de devoir « toujours être drôle » / de coller avec l’image d’humoriste ? Je n’ai jamais considéré que je devais toujours être drôle. Je n’aime pas la surenchère entre humoristes quand tu dois toujours lâcher une punch pour légitimer ta place. Si je n’ai pas envie d’être drôle, je ne vais pas me forcer. J’aime aussi les conversations sérieuses. Parfois, les blagues c’est une façade pour éviter de montrer qui on est vraiment. C’est léger, c’est amusant, mais moi je ne suis pas là-dedans, je veux savoir qui tu es quand je te parle, salopard ! « Quand une vidéo marche, t’es le roi du monde, quand ça flop, t’es tout seul. » Jules Pelgrims __ Rire et Tensions — article tiré de Première Pluie magazine n°15, à découvir ici. Interviews : Arthur Guillaumot Graphisme (dans le magazine) : Mathilde Petit À lire aussi Cinéma Interviews Jan Kounen : « C’est sans doute l’expérience visuelle la plus importante que j’ai faite » / Interview 23 Oct 2025 5 ans après son dernier film, Jan Kounen revient à l’affiche avec un nouveau long métrage : L’Homme qui Rétrécit. Nous en avons discuté à la suite d’une avant-première, lors du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg. 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