En 1943, René Barjavel publie son deuxième roman, Ravage. Un roman de la fin de l’électricité et des machines, de l’effondrement, de l’exode des villes, et du retour à la terre. Ce roman pose ce qui sera le style Barjavel. Une poésie onirique, qui supporte le pessimisme total de l’auteur. Dans ses dystopies, Barjavel déploie un regard défait et suspicieux sur le Progrès et les temps modernes. Sa science-fiction post-apocalyptique, dans Ravage et dans ses romans suivants, l’installer comme le champion français sur genre. 

Ravage est publié dans une revue collaborationniste, ce qui vaudra à son auteur de nombreuses suspicions, dont il sera rapidement disculpé après la guerre. Sa vision du retour à la terre lui vaut aussi de passer pour un pétainiste. Cependant, il pointe plus la folie humaine et fait une satire de son temps, comme ils sont nombreux à le faire à l’époque. Ainsi Georges Bernanos publie en 1947 La France contre les robots, un essai recueil de textes critiques de la société industriel. 6 ans avant Ravage, George Orwell écrit “Il faut bien avouer que le passage du cheval à l’automobile se traduit par un ramollissement de l’être humain”.

Ravage se découpe en 4 parties. Le roman commence en 2052. François a 22 ans, il monte à Paris pour entrer dans une école de Chimie agricole. Paris, c’est aussi l’occasion de retrouver Blanche, son amie d’enfance, jeune actrice et mannequin. Elle est liée à Jérôme, producteur de films et patron de médias. Jérôme est amoureux de Blanche et fait en sorte que François ne soit pas reçu dans son école et que son électricité et son eau soient coupés. De son côté, Blanche accepte d’épouser Jérôme. Tout ça se déroule dans une première partie intitulée Les Temps Nouveaux. Dans le même temps, on apprend par les médias que l’Amérique du nord et un Empire sud américain connaissent de lourdes tensions. Au point que l’Empire sud américain déclare la guerre à son voisin du nord, dans une violente attaque. 

Dans cette seconde partie, La chute des villes, quelques heures après la déclaration de guerre, en Europe, l’électricité cesse de fonctionner, comme les transports. Tout s’interrompt. On comprend rapidement que les gens ne savent plus vivre, qu’ils sont dépendant de la civilisation. L’écriture devient très ironique, dans l’effondrement. L’auteur peint ainsi un ministre des sports incapable d’effectuer un trajet en vélo. L’impuissance du gouvernement français ressemble à celle de celui de l’avant guerre, incapable de stopper les montées des nationalismes. Le texte prend des tournures pamphlétaires, avec un Etat devenu ridicule, avec des ministères étranges “Ministère de la moralité publique”, “Ministère du Progrès social”. Les seuls artistes qui peuvent peindre sont ceux qui sont diplômés par le gouvernement.

Cette civilisation s’écroule et le monde s’affole. Dans ce chaos, François et quelques autres, dont Blanche, vont chercher à quitter Paris. Des incendies se déclarent et tuent des milliers de personnes, les pompiers ne pouvant intervenir. Dans la troisième partie, Le chemin des cendres, le petit groupe est sur la route. Le choléra se déclare et le pays est livré à la violence, eux-mêmes sont attaqués. L’eau manque. Le groupe a pour objectif d’atteindre le village natal de François et Blanche, pour commencer une vie nouvelle, proche de la terre. La quatrième partie Le Patriarche, décrit cette nouvelle vie. Mais on peut difficilement parler des deux dernières parties sans spoiler. 

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Ravage est presque un traité de collapsologie, ce courant de pensée qui étudie les risques d’un effondrement de la société actuelle, et qui tente de préparer la société qui lui succéderait. Et le livre prend une résonance singulière dans les jours que nous traversons, avec l’effondrement des bourses et les scènes surréalistes qui se développent partout. Mais pas de retour à la terre, temps que nous seront confinés. À la place, pourquoi pas lire Barjavel, qui s’adresse à nos poésies, nos inquiétudes et nos besoins de satires. 


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Arthur Guillaumot