Michel arrive toujours en trombe, caché derrière des petites lunettes noires, flottant dans un parfait jogging complet. Couleurs sur le corps et gros rythme sur les sons, c’est le programme. Il fend l’époque, avec une deep-house qui colorie le rap et se joue de tous les codes. Michel est vrai, et il s’amuse. Grande conversation.

C’était important pour toi d’enchaîner après la sortie de l’ep précédent, Le Vrai Michel, en janvier dernier ? 

Oui je crois. Dans la période actuelle, il faut aller vite. Je parle des premiers projets. J’ai remarqué qu’on peut vite te zapper. 

C’est une peur chez toi ? Que le public, qui est volatile parfois, passe à autre chose ? 

Oui. Tout va très vite. À tout moment il peut ne plus y avoir d’intérêt. Je sais que si je sors quelques morceaux de moins bonne qualité, ça peut vite redescendre. Mais moi je n’en suis qu’au début, je sors mes trucs, il n’y a pas encore trop d’attente autour de moi. Pour le moment il faut que j’envoie encore. 

Ah, tu es en train de dire qu’il y aura un Le Vrai Michel 3 ? 

Je ne sais pas encore. Peut-être. Ou alors un album. Ou alors un projet complètement différent. Je ne suis pas encore posé la question et j’en ai aucune idée. 

Donc, quand tu travailles des morceaux, tu ne sais pas forcément dans quel cadre ils vont rentrer ? 

En vrai nan. Je fais toujours des morceaux indépendamment des autres. Je ne suis pas encore dans un truc de suite logique. Chaque morceau est différent. Et je ne vois pas l’album comme une suite avec un début et une fin. Pour le moment je ne le vois pas comme ça et je ne réfléchis pas comme ça. 

C’est cool de savoir qu’il y a ce genre de spontanéité quand tu fais les morceaux. 

Voilà. Je fais des morceaux et je fais la tracklist ensuite tu vois. Quand il y a trois sons qui envoient, j’en place un qui redescend un peu. J’essaie de séparer les feats. La réflexion, pour le moment, je ne la pousse pas plus loin. 

Ta façon de travailler, autant dans les morceaux que dans l’harmonie du projet en fait elle s’articule autour du rythme, non ? 

C’est exactement ça. Comme dans un concert. Si tu envoies 4-5 titres qui tapent, au bout d’un moment, ça fait un peu mal à la tête. Il faut respirer. Là, c’est la même chose. Là, dans la mixtape, il y a des morceaux qui envoient, donc j’ai placé des petites pauses pour se reposer le cerveau. 

C’était important dans ton travail d’arriver avec un personnage, en plus du projet ? 

En fait ça s’est dessiné petit à petit, ce personnage. Quand j’ai commencé à sortir des sons, j’avais pas forcément l’idée d’un personnage. 

T’es venu comme tu étais ? 

Oui, et puis il y a des choses qui se sont imposées. Par exemple, je me suis rendu compte que je me sentais plus à l’aise avec des lunettes. On peut penser à la mèche aussi, que j’ai fait pour mon premier concert, pour marquer le coup. J’ai fait ça avec mon dj, qui fait tout le temps des colorations. C’était pour délirer. Ces petites choses visuelles se sont dessinées toutes seules. Je ne sais pas si c’est vraiment un personnage. C’est juste moi avec des traits accentués, quand je suis devant des caméras

Mon univers s’est précisé. J’assume plus ce que je fais sur ce deuxième projet que sur le premier.

Qu’est-ce que tu as tenté sur Le vrai michel 2, que tu n’aurais pas tenté sur le 1 ?

Dans le 2, j’ai osé un peu plus. C’est comme si ça c’était précisé. Sur le premier projet, je ne savais pas jusqu’où je pouvais pousser les curseurs. Donc là j’ai poussé. Notamment sur le côté rap, le côté égo-trip, ou cette petite zumba qu’est J’men ballek. J’aime faire des balades aussi, il y en a sur le projet. Mon univers s’est précisé. J’assume plus ce que je fais sur ce deuxième projet que sur le premier. 

C’est cool de pouvoir encore tenter, tu découvres des choses sur ton identité musicale ?

Oui ! De toutes façons, je suis sans cesse dans la recherche, je cherche tout le temps de nouvelles choses. Je sais que dans le prochain, je vais avoir besoin de faire encore d’autres choses, et différemment. Même s’il reste cette deep house – rap comme liant, que je cultive, parce que c’est ce que je sais faire, et que c’est comme ça que les gens m’identifient. 

À quel moment tu te sens différent quand tu fais de la musique ? 

Je pense que c’est principalement dans le choix des prods. Je n’invente rien, c’est que je pose sur des instrus deep-house. Au delà de ça, il y a l’autodérision, même si je ne suis pas du tout le seul à la pratiquer. Je ne me sens pas spécialement différent. C’est juste une proposition alternative. Mais même du rap sur de la deep, il y en a de plus en plus. 

Une proposition qui s’inscrit dans une scène, – là tu vas jouer aux Inouïs – qui est hyper riche! 

Oui, c’est très éclectique, il y a tellement de trucs différents! Il y a tous les horizons. Et à la fois, quand j’écoute de nouveaux projets, j’avoue que je suis rarement surpris. J’ai l’impression que tout a déjà été fait. Pour moi comme pour les autres. C’est compliqué de faire quelque chose de complètement nouveau et différent, comme avait fait Stromae il y a quelques années. 

Quels projets t’ont marqué récemment, sur la scène actuelle, tiens ?

Moi j’aime bien TripleGo. Je kiff Tawsen aussi. Très bonne vibe. Hm… Limsa D’Aulnay aussi, je kiff! Je découvre, en même temps qu’on commence à jouer au foot ensemble. Zed Yun Pavarotti, j’aime bien aussi. En vrai j’écoute vraiment beaucoup de choses. 

Oui tu disais que tu écoutais les projets qui sortent tous les vendredis, c’est une façon de te nourrir ? 

Ouais ! Après, ça fait un an ou deux que je suis un tout petit peu moins à fond. Mais il y a quelques années, j’étais comme un ouf, j’écoutais tous les projets qui sortaient. Et surtout les trucs francophones, parce que moi c’est ce que je kiff particulièrement, la musique française. Que ça soit du rap, de la pop, du rock. Donc oui, tous les nouveaux projets qui sortaient, que je connaissais ou pas, j’écoutais à fond. Il y a eu un grand moment où j’écoutais presque que de la pop et de la chanson. Pierre Lapointe, Peter Peter, La Femme…

Ah ouais Pierre Lapointe, c’est sublime! 

C’est génial, quand il pleut et que tu as envie de pleurer. Son album piano voix est incroyable. 

Du coup, il faut écouter Pierre Lapointe et ensuite plutôt une zumba ou une balade de Michel ? 

Une balade ! Si c’est toi, qui est sur le mixtape. Elle est bien déprimante celle-là. 

Là je fais des trucs trop cools et ce qui doit arriver arrive. 

De quoi tu rêves ? 

Pecho Hélène Ségara. Nan en vrai je t’avoue que je me contente de ce que je vis. Tu vois là je dois jouer à la Gaîté Lyrique l’année prochaine, ça me fait kiffer, c’est ma salle préférée à Paname. (Le 18/02/2021, ndlr) Je suis pas dans des objectifs de Bercy ou de disque de platine. Je n’y pense pas. Peut-être que si ça m’arrive je vais devenir fou. Je suis tellement terre à terre que je me dis que ça n’arrivera pas. Je devais jouer au We Love Green, pour moi c’est déjà tellement incroyable. Jouer sur des festivals que j’aime, comme We Love Green, Dour, ou dans des salles comme la Gaîté Lyrique, c’est déjà lourd. C’est mieux que de se mettre des objectifs incroyables et intenables pour finir frustré. Là je fais des trucs trop cools et ce qui doit arriver arrive. 

Mais le but c’est de kiffer, prendre du plaisir et le transmettre aux gens. 

Et puis tu t’amuses aussi non ? Quand je te vois dans les médias et partout, j’ai l’impression que tu prends toujours un plaisir malicieux. 

Ah bah je suis là pour ça. Clairement. Si ça devient un truc où tu te fais du mal, autant ne pas le faire. Je fais ce qui me fait kiffer. Alors après, il y a des trucs que je fais avec plus d’entrain que d’autres, normal. Mais le but c’est de kiffer, prendre du plaisir et le transmettre aux gens. 

Quand tu travailles, quand tu écris notamment, est-ce que tu fais confiance à tes premières inspis, ou alors est-ce que tu retouches beaucoup ce que tu viens de faire ? 

En général, je suis plus dans l’instant. Ça dépend pour quoi. L’écriture en général je passe une fois dessus et je n’y touche plus. Ou alors je retouche légèrement si je repère des trucs qui m’irritent. Et pour la prod, j’essaye toujours de garder le premier jet, le premier mood, qui est pour moi le plus sincère. Après, ça peut varier, il y a des prods que j’ai vraiment rebossé pendant un bon moment. Et le morceau Si c’est toi, tu vois, c’est une maquette. Je voulais pas perdre le truc qui se passait sur la maquette. Donc en règle général, ça reste un truc de premier instinct. Et j’essaye d’y toucher le moins possible pour coller le plus possible à l’émotion du départ. Parce que sinon tu peux perdre. 

J’essaye toujours de garder le premier jet, le premier mood, qui est pour moi le plus sincère. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie, Michel ? 

La première cuite ? 

Rires

C’est bizarre, mais ça m’évoque le début du printemps. Les giboulées du mois de mars. Une odeur de macadam. Le macadam mouillé. J’adore cette odeur. Je ne sais pas si ça te fait ça, mais cette odeur m’évoque deux choses un peu opposées. Soit le moment où tu es nostalgique et tu es pas bien. Où alors le moment où ça sent la saison que j’aime, au moment de l’arrivée du printemps.

Interview : Arthur Guillaumot / Photos : Charlotte Steppé