Drôle de musique ces derniers jours. Marine Le Pen en folle aux chats attachante, reléguée par l’oncle cafard voleur de haine Eric Zemmour et la nouvelle femme blonde politique très à droite, Valérie Pécresse. Marine le Pen ? Une éternelle battue, seconde pour toujours, dont les idées ne font plus peur à personne. Vraiment ? En fait, elle n’a jamais été aussi dangereuse. 

Même la politique est gourmande d’émotions, d’histoires, de héros trahis, de personnages rendus attachants par les traits du sort. Les pires ordures sont plus présentables au bord de leurs gouffres. Regardez, dans la série Narcos, quand Pablo Escobar perd ses lieutenants et que tout le monde est contre lui, on se surprend à le prendre en pitié. 

Depuis un mois, et l’officialisation de la candidature d’Eric Zemmour dans la course à la présidentielle, Marine Le Pen semble passer après. Elle semble devenue l’ombre du grand méchant. Comme si puisqu’il existe pire qu’elle, elle était démodée. Trahie par des cadres de son parti, comme Gilbert Collard, un certain nombre de prismes voudraient presque la rendre sympathique. 

L’aboutissement de la normalisation

On est à un endroit où tout le monde a sa part de responsabilité, dans la normalisation du parti. Son accession au deuxième tour en 2017 vous a-t-elle vraiment choqué ? Tout le monde s’y attendait. L’arrivée sur la scène politique d’un candidat qui va encore plus loin qu’elle dans ses propositions en fait d’office une version light de la préférence nationale et des idées extrêmes. Mais pour la première fois, la candidature d’extrême droite en France pourrait compter sur une – très – solide réserve de voix en cas d’arrivée au deuxième tour. Les voix des nazillons de Zemmour, des complotistes de Philippot et Dupont-Aignan comptent mécaniquement pour elle, comme une part insondable de la droite de Pécresse. 

L’arrivée sur la scène politique d’un candidat qui va encore plus loin qu’elle dans ses propositions en fait d’office une version light de la préférence nationale et des idées extrêmes.

Même le fait qu’elle confie d’elle-même avoir raté son débat de deuxième tour vise à la rendre humaine, face aux robots de la nouvelle garde politique. Alors oui, la vidéo de France Inter où elle rigole de ses chats, c’est un cap. Elle va finir par faire pitié ? Parce que cette fois-ci, en cas de deuxième tour, tout serait différent. Celui qui sera vraisemblablement en face d’elle aura un bilan à défendre. Et toute la haine qu’une partie du pays a soigneusement accumulée pendant le quinquennat aura tout le loisir de ressortir dans une urne — ou pas. Parce qu’une partie du barrage traditionnel n’ira pas faire barrage cette fois. La faute à la politique, aux idées, au bilan, et à la personnalité du récipiendaire des voix du “front républicain” de 2017.  

La position idéale

Et puis Marine Le Pen, si seule ? En fait, elle est en train de perdre ses vieux nazis un peu gênants, mais conserve sa base de nouveaux cadres dynamiques, bien Sciences Po, bien LinkedIn, bien tête de l’emploi. Un parti blindé de porte-parole connu du grand public et de cadres-paillettes ? Ça ne sert à rien, regardé la jurisprudence de l’ascension du pouvoir en solitaire sous les spots de Macron en 2017. Avancer en solo ? Ça évite les dispersions et dissensions. Et vous le savez, dans ce pays, on adore les vieilles gloires en désamour, les idoles trahies, les lambeaux du passé.

Marine Le Pen est candidate pour la troisième fois. Elle connaît tout, les défaites et les victoires, les couloirs et les rouages. Et tout le monde s’est habitué à elle. Autrement dit, elle n’a jamais été aussi bien préparée à toutes les éventualités, tapie dans l’ombre des autres. Si elle arrive deuxième au premier tour le 10 avril prochain, alors tout sera possible. 

Marine Le Pen n’a jamais été aussi dangereuse. Avec ses idées dangereuses, ses théories de poussière, ses fantasmes gluants. Elle est même dans la position idéale pour le sprint, entre Pécresse et Zemmour qui prennent le vent pour elle. Le prisme a changé, elle en revanche, est restée la même.

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Photo de Une : Alain Jocard