Alice émois. Depuis des années maintenant, Alice fait le tour de sa moitié. Devant le miroir, elle convoque ses souvenirs, ses meilleures émotions, ses grands soirs et ses petits matins, pour fabriquer Drama, son premier album. Une balade avec des couleurs partout, des saisons qui passent, et des verres qui cassent. La vie, quoi. Grande discussion, avec Alice et Moi.

Drama, le premier album d’Alice et Moi est sorti le vendredi 21 mai, vous pouvez l’écouter ici.

_______

De quoi il a fallu que tu sois sûre avant de boucler ce premier album ? 

Etrangement, je crois que c’est plus lié à la pochette qu’à la musique. Pour moi, il fallait que la pochette corresponde vraiment au projet. J’avais d’autres idées, j’avais fait des photos avec d’autres photographes. Des photos qui étaient très bien. Mais je n’arrivais pas à être sûre. Dans le passé, il m’est arrivé de ne pas être totalement satisfaite sur la durée. Là, comme c’est mon premier album, et que j’allais voir l’image partout, il fallait qu’elle corresponde à l’ensemble de ma musique. Avant, j’avais tendance à ne montrer qu’un seul côté et pas assez l’autre. Avec cette pochette, j’ai enfin les deux faces de ma musique. 

Pour faire Drama, j’ai accepté ma dualité.

Est-ce qu’il y a des choses que tu as appris sur toi en faisant Drama ? 

J’ai appris qu’il fallait que j’accepte ma dualité. Parce qu’à un moment, je partais du principe que le Moi, hypersensible, intense drama-queen était parti depuis que j’étais devenue la Alice forte et révoltée, qui arrivait dans le monde de la musique. Mais nan. Et ce n’est pas grave. Il n’y a en pas une qui doit gagner sur l’autre. Je pense que dans la musique de mon album, on ressent des moments dansants, joyeux, très second degré, et en même temps, des d’émotions et d’introspection. Les deux ne sont pas incompatibles, au contraire. Tu peux avoir une musique dansante et dire quelque chose de triste. Je trouve ça fort. 

Qu’est-ce que tu t’étais promis de faire sur cet album ? 

Je m’étais promis de parler de plus de choses. Dans mes deux premiers ep, l’amour revenait beaucoup. Le thème m’est toujours aussi cher et figure en belle place sur l’album. Mais j’ai essayé avec Maman m’a dit, et d’autres titres qui sont dans l’album, de parler de mon adolescence, de sentiments comme l’angoisse, la flemme. Des trucs de drama, quand tout te froisse pour rien. Je voulais diversifier les thèmes. 

J’ai aussi parlé de la revanche. Je me suis libérée, pour parler de tout, encore plus franchement qu’avant. 

Il faut que ça soit instinctif.

Qu’est-ce que tu as fait pour la première fois ? 

Je n’avais jamais fait de feat, sur mes projets à moi. Une vraie collaboration, je n’avais fait. J’ai eu mon featuring avec Joanna, et un autre Dani Terreur. J’en suis fière parce que je trouve que ça a été l’occasion d’un mélange d’univers. C’était intéressant pour moi de travailler avec d’autres voix, d’autres regards. 

Photo : Marion Midnight

Au niveau de la composition, est-ce qu’il fallait aussi du temps pour trouver la dream-team pour faire Drama ? 

Oui ! C’est vrai que trouver les bonnes personnes avec qui travailler, c’est ce qui a pris le plus de temps. Surtout que j’ai travaillé avec plein de personnes différentes. Il y avait Dani Terreur, Majeur Mineur, les Shawondasee, Tristan Salvati, Nino Vella. Il y a eu beaucoup d’interventions. Mais une fois que cette équipe était formée, il y avait une vraie énergie. J’aime prendre le temps de travailler quand c’est important mais je n’aime pas m’acharner en art. Donc, si la musique avait quelque chose qui fonctionnait, si je sentais que c’était trop compliqué, je laissais tomber. La musique ne doit pas toujours être une dissertation, il faut que ça soit instinctif. On a beaucoup travaillé, mais je voulais que les musiques retransmettent leur spontanéité. 

C’est des leçons que tu as tiré de tes premiers eps ? 

Oui ! Je fonctionnais déjà un peu comme ça d’ailleurs. Mais là j’ai vraiment pu le faire à fond. J’ai aussi eu le temps de tester des choses. Et toujours avec l’instinct. C’est très important de faire confiance à son feeling, surtout quand tu bosses avec plein de gens différents. C’est pour ça que je proposais de faire les arrangements sur les titres qui leur plaisaient le mieux. J’avais aussi Dani Terreur qui faisait le lien pour moi entre tous les titres. C’est la touche en plus. 

À un moment, j’ai compris que ma voix et mes textes feraient le plus gros lien entre les chansons. Et qu’en suite, si les styles sont différents d’une chanson à l’autre… Pas grave. Aujourd’hui, je trouve qu’en musique, rien ne nous oblige plus à rester cantonnés dans un style fermé. Tu peux te balader. 

C’est quoi ta saison préférée pour faire de la musique ? 

Ah j’aime bien cette question. C’est étrange, on pourrait croire que l’été c’est hyper propice, mais finalement pas tant que ça. Moi quand je suis en plein été, je ne suis pas dans la création, je me ressource, je suis avec ma famille. Mais en même temps, peut-être que ça participe à alimenter la création. Des choses se passent. 

Mais parfois, écrire quand tu es dans ta chambre, en hiver, il y a quelque chose de poétique qui peut être intéressant. Au printemps aussi, avec la promesse d’un nouveau temps qui arrive. Il y a tous les espoirs. J’aime les entre-deux. 

Après, en temps de Covid… J’ai du mal à faire la différence entre les saisons…

J’aime les entre-deux.

Qu’est-ce qui te manque, quand tu fais de la musique ? Est-ce qu’il y a des choses qui sont plus fortes que la musique ?

C’est une grande question. Mais je crois sincèrement que la musique est mon refuge dans la vie. Quand je fais de la musique, je suis toujours bien. Mes nombreux problèmes… c’est dans la vraie vie : la vie sociale, le quotidien et ses angoisses. Quand je suis en studio, en train de créer, je pense que rien ne me manque. J’aimerai dire autre chose mais c’est vrai. 

Photo : Cyril Masson

Si Drama devait être une fleur, ça serait laquelle ? 

Ouh, j’aime bien cette question aussi. Est-ce que les plantes ça marche ? 

Allez, j’accepte les plantes, avec plaisir. 

En fait j’ai une réponse qui me vient directement. Et ça va même être mon tout premier tatouage. J’aime beaucoup les roseaux. Dans les fables de La Fontaine, dans la fable du Chêne et du roseau, il est souvent mal vu, parce qu’il plie tout le temps. Un peu comme moi. Il déborde d’émotions. Il va d’un côté à l’autre. Mais quand il y a une grande tempête, il plie mais ne rompt pas. Il reste. Alors que le chêne est déraciné. 

Ce que j’aime avec le roseau, c’est sa petite taille, c’est flexible, ça bouge avec le vent, c’est intense, mais au final, ça a les pieds sur terre. J’espère que mon album reflète ça de moi : ce débordement d’émotions. Cette dualité qui fait que je passe d’un sentiment à l’autre, mais que finalement, tout se tient. La musique est une gigantesque catharsis et d’aller très bien en fait. Et d’être une drama-queen assumée. C’est pas le drama qui fait que tu déprimes. C’est le drama de la vie qui nous rend vivant. 

C’est le drama de la vie qui nous rend vivant

Et on est toutes et tous des Dramas au fond ! On peut tous se reconnaître dans les méandres et les tumultes émotionnels de cet album. 

Je suis très contente que tu dises ça, ça a du sens. Je ne voulais pas mettre drama-queen. La drama c’est pour tout le monde. Je suis persuadée qu’on est tous drama au fond, parce qu’on est humains. Même si certains le cachent mieux que d’autres. Il y a des dramas intérieurs et extérieurs, des dramas à retardement. Pour moi le drama fait partie de la vie et on est tous membres du gigantesque drama-club. 

Au drama-club, si cet album devait être une odeur maintenant ? 

Oh, je réfléchis. Je pense que je ferai un mélange entre la fleur d’oranger. Dans mes plats d’enfance, il y avait de la fleur d’oranger. Quand t’es gosse tu n’aimes pas trop. Et en grandissant j’ai aimé. J’aime cette évolution. Je mettrai aussi une pointe de fleur de monoï, pour le côté chaleur et vacances. Quand-même, j’ai mis des chansons pour la plage. Et pour finir, je rajouterai un truc plus fort : de l’ambre. Un truc qui tape. Je ferai une petite bouteille de parfum avec mes trois, parce que je n’arrive jamais à choisir. 

Et l’ensemble raconte cet album fait d’équilibres. Dernière question : qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

Attention, tu as déjà répondu à cette question en février 2019. 

Mais oui je sais ! Aïe, il faut que je me renouvelle. Il ne faut pas que je me loupe. 

Pour moi, la Première Pluie, c’est une promesse, de plein de choses qui peuvent arriver. D’ailleurs pour moi c’est 100% drama. C’est aussi le moment dans les films, les gens qui s’aiment s’embrassent enfin. Ou qu’il y a une grande révélation. La pluie amène souvent à l’introspection et à la réalisation de choses dans la vie. Mais alors la première pluie, pour moi c’est le dénouement, le moment de vérité. 

Ah c’est vrai que c’est une énergie très drama. Les gens qui courent trempés pour rejoindre leur amour en pleurant et en portant un trench-coat… 

Un drama-movie sans scène sous la pluie ? Tu imagines ? Impensable.  

_______

Arthur Guillaumot / Photo de Une : Marion Midnight

Vous pouvez retrouver Alice et Moi sur ses réseaux sociaux : sur YouTube / Sur Instagram / Sur Facebook / sur Twitter.