Rien n’est jamais joué, alors il faut jouer. Ben PLG c’est l’histoire de tenter comme Tantale, parce que le rap c’est tout sa vie, comme il le dit dans cet entretien : « Mon père, ma mère et le rap ». La vraie vie, celle des parkings, des abribus, de Lille à Nancy, des files d’attente, il la raconte dans ses morceaux, fabriqués à la main et avec le cœur, sur son nouvel album, Parcours accidenté. Grande discussion, pour la gloire.

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Tu as fait une petite tournée pour présenter ton nouveau projet en avant-première. Est-ce que ça fait toujours partie de ta manière de créer de la musique ce mélange de rage et de détermination ? Ce côté presque bricoleur dans ta manière de faire ?

Pour moi c’est faire du terrain. C’est cool d’aller rencontrer les gens, c’est un moyen de se tester. Il y avait du monde à Nantes, à Clermont, à Nîmes, dans des régions qui sont loin de chez moi. Moi je suis un rappeur en développement donc je ne m’en rendais pas forcément compte. Mais au final on a fait complet dans des endroits où tout le monde connaissait mes morceaux par cœur, presque en mode karaoké.

« Moi le rap c’est la chose qui m’anime le plus au monde. »

Qu’est-ce que tu comprends sur tes projets quand tu vois autant de gens s’approprier tes morceaux dans des villes que tu ne t’imaginais peut-être pas ?

Je comprends que j’avance dans mon projet, dans ma musique. Quand je vois des gens faire 300 bornes pour venir à un concert, je comprends qu’ils sont touchés par ma musique, qu’ils se prennent le truc. Je n’ai jamais été ancré dans une ville, à remplir la salle avec que des potes. J’ai beaucoup déménagé, même si je suis un mec de Lille qui a grandi dans le Nord. Il y a de plus en plus de monde qui vient, que ça soit les curieux comme les soldats. Mes streams sont bons, mais ne laissaient pas forcément présager ça. Des gens qui sont touchés par ma musique. C’est un bon signal, ça fait plaisir.

Entre les streams et le public aux concerts tu as fait ton choix

Je pense que la finalité c’est d’avoir du monde qui vient à mes concerts oui. On a fait la release à Lille, il y avait 350 personnes à l’intérieur, et autant dehors.

On se rend également compte que tu franchis des paliers à chaque nouveau projet. Est-ce que tu as des moments de doutes quand tu en sors un nouveau ?

Je pense que le propre de chaque artiste c’est de douter. Si tu ne doutes pas tant mieux pour toi, mais je ne sais pas comment c’est possible.

Mais qu’est-ce qui fait que chaque projet marche mieux que le précédent ?

C’est un pari à chaque fois de toute façon. Je me dis que je progresse dans ma manière de fonctionner et dans mon exigence. Mes premiers projets m’ont permis de me faire connaître notamment auprès de certains médias spécialisés. Mais si je compare les chiffres au démarrage de Parcours Accidenté par rapport aux deux derniers, je fais trois fois plus de streams par exemple, sans même me retrouver dans les playlists des grosses plateformes.

Et finalement, tu le sors au bon moment, parce que si ça se trouve, un mois plus tard et tu ne pouvais pas faire de dates.

Ça c’est clair que ça tue. On s’adapte en permanence. Là tu vois, mon backeur a le covid.  

C’est quoi la chose que tu as fait pour la première fois sur ce projet que tu n’avais jamais osé faire avant ?

Plein de choses ! Je me dis que j’ai encore des meilleurs morceaux qu’avant. J’ai fait des featurings alors que je n’en avais pas fait avant. Je bosse avec des nouveaux beatmakers également. J’ai l’impression que je précise encore un peu plus mon style tout en prenant des risques. J’arrive mieux à jouer avec le personnage que j’ai créé sur le projet Dans nos yeux. Un morceau comme Tous les jours, je n’aurai pas forcément été capable de le faire. Il y a des morceaux de Parcours Accidenté que je n’aurais pas été capable de faire ni d’assumer à l’époque.

Tu parles de faire des meilleurs morceaux, c’est quoi pour toi un bon morceau ? C’est un titre que les gens vont venir hurler en concert ?

Ouais carrément. C’est un morceau qui touche les gens. J’aime quand les gens se reconnaissent. Quand je vois du monde se l’approprier, chanter et danser dessus, il y a un côté presque grisant.

« Quand tu fais de la musique, tu as des pouvoirs. »

Pourquoi t’as commencé à faire de la musique ?

Je pense que j’aimais tellement le rap qu’à un moment j’en ai fait. À la base je ne m’imaginais pas du tout être artiste mais je voulais faire quelque chose dans le rap. Je voulais aider, participer à tout ça. Puis un jour j’ai commencé à rapper, juste comme ça, et il se trouvait que c’était pas mauvais donc j’ai continué et j’ai kiffé. La première que je suis rentré en studio c’était incroyable comme sensation, je rappais, j’entendais ma voix dans le casque. J’étais comme un gosse. Je suis rentré chez moi avec mon morceau. Après, la première fois que tu testes l’autotune, tu hallucines. En fait, quand tu fais de la musique, tu as des pouvoirs.

Ça t’a donné quel super pouvoir, le rap ?

Je pense que ça m’a permis de m’exprimer, mais c’est quelque chose qui existe pour chaque passion. Moi le rap c’est la chose qui m’anime le plus au monde. Le rap m’a éduqué, il m’a élevé, il m’a accompagné tous les jours, c’est un peu comme si j’avais mon père, ma mère et le rap. Et pratiquer le rap ça m’a permis de m’affirmer, de raconter des choses. Le but, c’est aussi de pouvoir exister sans reconnaissance. Je ne suis que Ben PLG, mais parfois j’en ai marre. J’ai envie d’être chez moi, qu’on m’appelle par mon vrai prénom. En plus, je ne raconte pas les aventures de Ben PLG, je préfère la vraie vie. Ok, des choses évoluent, il y a des gens dans les concerts, ma tête est sur Booska-P, je fais plus de streams, mais la vérité ? La vérité c’est que je suis à découvert mon reuf. (Rires)

Tu penses que le public a besoin aussi, maintenant, de se reconnaître dans des projets qui ressemblent à leur vie ?

Je pense oui. Mais chez moi ce n’est vraiment pas calculé. J’ai besoin de vivre des vraies choses, avec mon entourage, pour avoir des choses à raconter ensuite. En ce moment, je fais beaucoup d’interviews, de concerts et tout ça. Je me faisais la réflexion : ce n’est pas de la matière. Il y a des gens qui aiment bien écouter ça. Moi je n’ai pas envie de raconter que je suis dans un tour-bus. Moi mon univers, c’est Benoît Poelvoorde qui fait du rap.

« C’est un peu comme si j’avais mon père, ma mère et le rap. »

Qu’est-ce qui fait une bonne matière, pour tes morceaux ?

Le ciel est gris 80% du temps pour tout le monde. Je veux raconter ça. Je rentre dans un magasin, les gens font la queue. Je regarde leurs têtes. Leurs yeux. J’écoute leurs vies. C’est pas banal, c’est juste extraordinairement normal. C’est ce qui m’inspire.

Tu peux avoir un début de morceau dans la file ?

Non, pas tout à fait. C’est plutôt comme ça que j’emmagasine. Je suis seul, je me promène. Après, je n’écris qu’en studio.

Tu arrives à retrouver l’énergie et les détails ?

Ça va. Parfois je note des choses quand-même. Il y a pas longtemps, on est sortis à 7h du matin du studio. On a entendu les éboueurs avant les oiseaux. C’est le genre de truc que je vais retenir. Je pense que je suis sensible.

Qu’est-ce que ça t’évoque la première pluie ?

Je suis pas né de la dernière pluie, comme on dit… Chez moi il pleut tout le temps. Pour moi ça veut dire qu’il y en a eu une avant, et qu’il y en aura une après.

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Arthur Guillaumot, avec Valentin Regazzoni / Photo : Quentin Rossi

Pour prolonger avec Ben PLG, vous pouvez relire le papier que Valentin Regazzoni lui a consacré il y a quelques semaines sur Première Pluie.

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Entretien réalisé à L’Autre Canal, à Nancy, le 9 décembre 2021. Vous pouvez également lire cette discussion sur Splash, le blog de L’Autre Canal.