Di-Meh, c’est une histoire d’énergie. Celle qu’il diffuse, depuis quelques années, dans sa musique, et qu’on a eu le temps d’apprendre à capter. Une histoire de voix, qui s’est élevée depuis Genève, et à la conquête des scènes. Di-Meh, Di-Meh, Di-Meh, si on le répète jusqu’à l’infini, un 10 mai, devant son miroir, normalement, ça lance un nouveau projet de Di-Meh. Pour la première fois, la sortie a eu lieu le 14 mai, normal, c’était un premier album, Mektoub. Et quel premier album. Vrai voyage, course inarrêtable d’une comète, qui voit la vie en rouge, en trouble, envers et contre tous. Grande discussion avec Di-Meh. 

Mektoub, le premier album de Di-Meh, est sorti le 14 mai. Vous pouvez l’écouter ici, et partout sur les plateformes. 

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Ton premier album est sorti il y a quelques jours maintenant, c’est une sensation particulière ?

Oui et je peux te dire que je l’attendais. Je suis très content. Je vois les réactions des gens, c’est que du positif, ça fait plaisir. C’est bien de les voir s’approprier le projet. 

Qu’est-ce qu’il a fallu que tu oses faire, pour que dans ta carrière, tu fasses ce premier album ? 

Je crois que c’est passé par la dimension physique de l’album. Je tenais vraiment à le rendre physique. Là, on a bien bossé, il est là. On a pris le temps de faire les choses sérieusement.

Jusqu’à mettre le visuel sur le tram de ta ville. 

Exactement. C’est fou. 

Tu te voyais aller jusque là ? 

Non, je t’avoue que je n’imaginais pas. Mais en fait, comme c’est pas prévu, c’est encore mieux. 

Maintenant que tu as réussi à sortir ce premier album, est-ce que tu as eu besoin de définir de nouveaux objectifs pour la suite ? 

Exactement. Pour le coup, j’ai vraiment plein de nouveaux objectifs. Par exemple, je veux monter ma structure. L’idée c’est d’avancer, toujours. Et pour ça, il faut créer de nouveaux espaces. 

Moi je te suis depuis très longtemps. Et il a fallu que j’aille vérifier, quand j’ai vu que c’était ton premier album. Pourquoi il a fallu que tu attendes aussi longtemps pour faire un album ? 

C’est vrai que j’ai fait beaucoup de projets, qui se sont enchaînés. En fait, pour sortir un album, il faut des ressources. Par ressources, je parle d’argent, mais aussi de temps disponible. On a toujours tout fait nous-même. Maintenant, on continue de tout faire à la main, mais avec plus de ressources. Alors, quand tout s’est aligné, on a naturellement pu passer à la création d’un album. 

J’avais la dalle et j’ai toujours la dalle. 

Et l’histoire est encore plus belle quand ça prend du temps non ? 

J’ai travaillé dessus pendant deux ans. J’ai pu approfondir plein de choses. T’as capté. Je suis pleinement content. Je te jure. On a assuré aussi pour aller bosser, les clips, la pochette, les visuels. Tout devait être bon. 

Arthur Couvat

Tu croyais en ton Mektoub toi, au début, dans le skate, puis dans le rap ?

Figure-toi que oui. Quand j’étais petit, j’étais persuadé que j’allais le faire. Passionné mec. J’avais la dalle et j’ai toujours la dalle. 

Qu’est-ce que tu t’étais promis de faire apparaître sur ton premier album ? 

Les assonances et les sonorités maghrébines. Ça a une charge émotionnelle et symbolique très forte pour moi. Je voulais que ça m’accompagne. 

Pourquoi les mecs de la SuperWak Clique (crew genevois composé de Makala, Slimka, Varnish La Piscine et Di-Meh) ne sont pas sur Mektoub ?

Ah ! Alors, c’est une vaste histoire de calendrier. J’ai bouclé l’album en mars, j’étais dans la dernière ligne droite. Et puis, on avait fait des morceaux auparavant, qui ne rentraient pas dans les codes de Mektoub.  

Qu’est-ce que tu as appris sur toi en faisant cet album ? 

Que je pouvais faire de sons différents et que c’était validé. Parce que je considère que j’ai pris des risques en allant vers des sonorités différentes, des sons construits de plusieurs manières. Il y a des sons plus sombres, des sons affros, des sons dansants. Tu vois ce que je veux dire. Et au final, tant que tu le fais bien : lessgo. 

Est-ce qu’il y avait aussi la volonté de se rendre accessible à un public plus large ? 

Oui, c’est vrai qu’il y avait cette volonté. Qui allait aussi avec celle de s’ouvrir musicalement, et ne pas rester toujours au même endroit, dans une niche. 

La musique, ça demande du temps, et d’être pleinement investie.

Comment tu te nourris musicalement toi d’ailleurs ? 

Ma famille, mes amis, et puis ma ville, tu t’en doutes. Après, j’écoute la musique du monde. Dans mes playlists, il y a pas mal de destinations. 

Si c’était à refaire, si tu devais revenir sur ces dernières années, est-ce qu’il y a des choses que tu changerais ? 

Je pense que je ne ferai pas autant de tournées. Je me concentrerai plus sur la musique. Pendant ces années à enchaîner les dates, je n’ai pas eu vraiment le temps de me poser pour travailler pleinement sur ma musique. Les deadlines étaient toujours trop proches. c’est pour ça que j’ai sorti des Focus, vol 1, puis 2. La musique, ça demande du temps, et d’être pleinement investie. On ne peut pas tout faire en même temps.

Tu fais de la musique pour qui maintenant ? 

Je fais la musique que j’aime écouter. T’as capté ? Et j’aime me challenger. Quand j’entends quelque chose qui m’interpelle, j’ai envie de tester. J’ai encore ce rapport avec la musique. C’est pour ça que j’ai besoin de temps pour faire de la musique, comme je te disais, parce que pour moi, ça passe par beaucoup d’expérimentation. 

Est-ce que ça, ça va de pair avec le fait de venir de Suisse, et donc de se sentir moins bien représenté. Est-ce que l’idée c’est de se mettre sur la carte, de mettre ses goûts au goût du jour ?

Fréro, c’est exactement ça. Genève, c’est sans doute l’une des villes les plus cosmopolites du monde. Les origines et les influences se mélangent mieux. Il y a ici des sonorités qui sont moins développées ailleurs. À Genève, les sonorités latines, brésiliennes et afros par exemple, comptent vraiment dans les identités collectives. Alors dans notre musique, et dans notre démarche, ça permet de surprendre et de se démarquer. 

Il faut faire les choses en voulant changer les codes.

D’ailleurs ce qui fait la marque de la musique Suisse, et de votre équipe.

Oui, je crois. En France, la musique vient d’une longue tradition, souvent centrée sur elle. C’est pas comme aux Etats-Unis où il n’y a que 300 ans de musique et où l’héritage s’invente, s’échange. Je pense qu’il faut juste détendre les mentalités. Et il faut faire les choses en voulant changer les codes. 

C’est comme ça que tu fonctionnes toi, en voulant changer les codes ? 

Oui, c’est vrai, je me dis ça. C’est pour ça que je prends des risques et que j’ai pas peur. 

C’est là, la rencontre entre le skate et le rap : si je le fais, c’est en prenant des risques, sinon on s’ennuie ? 

Exactement. C’est nul la vie si on prend pas de risques. Il faut se tauler dans la vie pour apprendre. Si tu restes dans ta zone de confort, en toute sécurité, tu vas avancer, mais lentement. Quand tu prends des risques… Généralement il se passe des choses. 

Tu t’es taulé souvent toi ? 

Ouais bien sur. Dans la musique et dans la vie. 

Photo : Arthur Couvat

Est-ce que justement, dans la musique il y a des choses que tu n’as pas encore réussi à faire ? C’est quoi les prochains objectifs ? 

Plein de choses. Il y a plein de feats que je n’ai pas encore réussi à faire. Je te disais que je suis en train de monter ma structure aussi, c’est important ça. J’ai envie de continuer à développer le rap Suisse, et à contribuer à développer le rap maghrébin. Je veux insister sur mon aspect producteur aussi. J’ai plein de casquettes.  

Ce genre d’envies, ça vient avec le temps ? 

Tu connais, plus le temps passe, plus tu progresses dans plein de petites choses. Je sais que je suis au point avec pas mal de choses maintenant. Il faut que je me structure et tout ira bien. J’ai envie de me projeter dans le futur. 

C’est nul la vie si on prend pas de risques.

Et les étoiles sont en train de s’aligner : on regarde et on écoute enfin la scène suisse à sa juste valeur, et on commence même à écouter du rap marocain depuis la France. 

De fou, c’est vrai. Et si je peux être une partie du pont, comme je l’ai été pour la Suisse, ça sera parfait. C’est le futur. 

Le futur, c’est la scène aussi ! 

Incha’Allah. 

Ça te manque quand-même ? 

Bien sûr, de fou, tu imagines bien. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

La pluie qui a une odeur de journal mouillé. Cette pluie dont je me souviens dans plein de situations différentes, des matins et des soirs. J’ai l’impression de mieux la sentir quand je suis heureux. 

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Arthur Guillaumot / Photos : Arthur Couvat

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