Ce vendredi 24 décembre 2021, Netflix nous offrait son cadeau de Noël en sortant le film Don’t Look Up : Déni cosmique. Une comédie satirique réalisée par Adam McKay avec un casting 12 étoiles (si si ça existe). À caler entre la dinde et la bûche, avec toute la famille.

Il nous raconte l’histoire de Kate Dibiasky, une étudiante en astronomie qui découvre une comète issue du nuage d’Oort. Ses camarades et son professeur, le docteur Randall Mindy, viennent la féliciter et pendant qu’ils trinquent, ils décident de calculer la trajectoire de la comète pour savoir à quelle distance passera-t-elle de la Terre. Mais les résultats du Dr Mindy sont sans appel, la comète ne va pas passer à côté de la Terre mais la heurter de plein fouet. Au vu de la taille de cette dernière, l’impact, prévu 6 mois plus tard, sera tellement puissant qu’il détruira notre planète bleue. Pour contrer cela Kate Dibiasky et Randall Mindy se lancent dans une grande tournée médiatique. Mais ils vont rencontrer un problème auquel ils ne s’attendaient pas, personne ne les prend au sérieux…

UN CASTING JAMAIS VU SUR NETFLIX

La première force de ce film, c’est son casting incroyable, notamment les deux acteurs principaux. Tout d’abord on a l’actrice oscarisée, Jennifer Lawrence (Hunger Games) dans le rôle de l’étudiante Kate Dibiasky. Ces dernières années, elle s’était faite plus discrète avec seulement 3 apparitions au grand écran depuis 2017. Et elle revient au côté de Leonardo DiCaprio (j’ai pas vraiment besoin de vous dire dans quoi il a joué), interprète du docteur Mindy.

Si Jennifer Lawrence s’était faite discrète, alors DiCaprio s’était carrément planqué. Depuis son rôle dans The Revenant en 2015 qui lui a valu son Oscar, la seule occasion que nous avions eu de le voir au cinéma était pour Once Upon a Time in Hollywood en 2019. Quand un film sort avec 2 acteurs super populaires que vous voyez peu depuis plusieurs années, cela participe logiquement à faire accroître la hype autour du film.

Et les interprétations des 2 astronomes sont vraiment bluffantes, leurs personnages oscillent merveilleusement bien entre joie, colère et frustration… (je suis vraiment en train de vous dire que DiCaprio il joue bien ?). On note d’ailleurs qu’il est pleinement investi dans la lutte contre le climat et qu’il est donc peu étonnant de le voir prendre place au casting d’un film qui vient nous avertir sur le problème.

Pour finir avec nos 2 têtes d’affiches, le réalisateur Adam McKay a écrit le rôle de Kate spécifiquement pour Jennifer Lawrence et il a développé son scénario au côté de DiCaprio pour peaufiner son personnage. Connaitre l’interprète d’un personnage pendant son écriture est un réel atout. Cela permet de viser juste, de mieux écrire ses répliques, d’imaginer son jeu, ses intonations, on peut jouer sur un trait de l’acteur en particulier… Bref cela permet d’explorer plus en profondeur le personnage et participe indirectement au travail de préproduction. 

Mon acteur et mon actrice préférés dans les 2 rôles principaux du même film. C’est sérieux ?

Si Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence portent merveilleusement bien le film sur leurs épaules, ils sont entourés d’autres grosses pointures d’Hollywood. On peut commencer par citer Meryl Streep et Jonah Hill qui incarnent respectivement la présidente des États-Unis et son chef de cabinet, qui n’est autre que son propre fils (clairement un clin d’œil au clan Trump).

La relation entre les deux politiques et les deux astronomes est hilarante. Notamment grâce à la performance de Jonah Hill et à ses multiples improvisations. Le film est une comédie sympathique sans qu’on vienne rire aux éclats, mais Jonah Hill est à l’origine de la plupart des rires que j’ai pu avoir devant le film. Meryl Streep quant à elle, nous livre une remarquable performance (comme d’hab) dans son rôle de présidente.

Le casting compte également Rob Morgan qui va aider les 2 astronomes dans leur tournée médiatique, Ron Perlman dans le rôle du héros de guerre bien ricain sujet à quelques dérapages, Timothée Chalamet, symbole d’une jeunesse délaissée qui ne sait que croire dans tout ce merdier et Mark Rylance qui incarne avec brio le PDG d’une marque de téléphone au regard vide et dont l’interprétation nous rappelle celle qu’il a pu avoir dans Ready Player One.

On retrouve aussi le tandem d’acteurs Tyler Perry et Cate Blanchett en présentateurs TV ainsi que 2 artistes musicaux avec Ariana Grande et Scott Mescudi (Kid Cudi). On note même la présence de l’acteur français Tomer Sisley.

Les posters des têtes d’affiche de Don’t Look Up (Jonah Hill a clairement la meilleure)

LA DOUBLE LECTURE DU DÉNI COSMIQUE

Si vous regardez l’affiche du film, vous lirez à côté du titre : inspiré de faits potentiellement réels. Si j’ai d’abord cru à une petite boutade du réalisateur, j’ai compris en regardant le film que ces quelques mots étaient tout sauf une blague…

Le casting est irréprochable, mais n’oublions pas de présenter le chef d’orchestre Adam McKay. Ce réalisateur s’est fait mondialement connaître avec son film The Big Short sorti en 2015 qui présentait la crise économique de 2008 sous forme d’une comédie dramatique. Il a confirmé les attentes que le public avait placées en lui avec son biopic Vice sorti en 2018 où il mettait en lumière l’ex vice-président des États-Unis, Dick Cheney.

Cette fois-ci Adam McKay s’attaque au plus gros problème de notre société, le réchauffement climatique. Il avait envie de faire un film sur les problèmes environnementaux et s’est entouré de scientifiques pour cela. Il raconte dans une interview qu’il était à la quête de bonnes nouvelles et que chaque chose qu’il entendait sur ce sujet était pire que celle d’avant.

C’est en continuant de s’interroger sur cette thématique que lui et son ami journaliste David Sirota ont émis une frustration commune. Pourquoi les médias ne prennent-ils pas cela plus au sérieux ? « C’est comme si une comète nous fonçait dessus et que tout le monde s’en foutait » lui dit son ami David. À cet instant précis, Adam McKay venait d’avoir l’idée de son prochain film.

Il se mit alors à développer son scénario. Mais la crise du Covid-19 est venue chambouler ses plans. En effet, Adam McKay s’est dit que tout son script tombait à l’eau car son histoire ne valait plus la peine d’être racontée. Le coronavirus était la comète de son film. Mais en voyant comment le monde réagissait, il s’est rendu compte que non seulement son histoire valait la peine d’être racontée mais qu’elle avait encore plus de sens. Il regardait dehors, et voyait un nombre incalculable de personnes qui ne croyaient pas au virus et parmi eux, le président des États-Unis en personne. Il se demandait comment on pouvait être autant dans le déni des chiffres et des prévisions des scientifiques. La gestion de la pandémie lui a permis de retourner dans l’écriture de son scénario et d’aller encore plus loin dans la satire de la société.

La pandémie a forcément impacté le tournage du film pendant l’été 2020

Comme dit plutôt, ce qui frustrait le réalisateur, c’est la désinformation des médias face à notre plus gros problème, la crise environnementale. Et ça se ressent dans le film. Il appuie le manque de sérieux qu’accordent les présentateurs TV (et les médias en général) aux scientifiques. Et tourne au ridicule le fait que ces derniers cherchent à contourner le problème, à relativiser et à faire des blagues pour éviter de s’y frotter. Mais comme le dit le personnage de Jennifer Lawrence : « Peut-être que la destruction de la planète entière n’est pas censée être fun ».

Le but n’est pas uniquement de réveiller les médias sur le sujet mais aussi les spectateurs. Durant leur tournée médiatique, les 2 astronomes passent sur un plateau TV pour présenter le problème. Et même si les médias leur accordent une faible crédibilité, ce n’est rien par rapport à celle des spectateurs. L’émission a eu un score d’audience bien plus élevé quand ils présentaient les problèmes de cœur d’une star de la pop plutôt que le problème de la comète…

Les médias s’adaptent aux demandes et attentes des spectateurs et les spectateurs s’adaptent à l’offre des médias. Il faut donc une prise de conscience des 2 côtés pour que tout le monde soit correctement informé sur ce sujet et puisse agir en conséquence. Le fait que les humains ne prennent pas leurs responsabilités est un des points que le réalisateur met en lumière.

On peut également le retrouver dans les propos de Jennifer Lawrence lors d’une interview : « C’est marrant la façon dont le public (celui dans le film) réagi différemment à Kate et Randall, cela veut dire beaucoup sur la manière dont les gens réagissent à la dure vérité ». Certes tout le monde a le droit de se divertir en regardant des contenus qui ne se veulent pas très instructifs et qui ont pour seul but de nous faire passer un bon moment, mais il faut également savoir s’informer sur les sujets importants et prendre nos responsabilités quand il le faut.

En bref Don’t Look Up, on décide de le regarder pour le casting, on s’amuse et on se pose des questions pendant le visionnage, mais ce qui nous reste en tête, c’est la triste analogie de notre société. Car la principale chose que fait ce film, c’est nous tendre un miroir, et le reflet de ce dernier est vraiment médiocre. Améliorable certes, mais médiocre quand même.

UN GRAND FILM SUR PETIT ECRAN

En 2019, le film The Irishman de Martin Scorsese sortait sur Netflix, ce film marquait un certain tournant dans l’histoire du cinéma selon moi. En effet, c’était une première qu’un film avec un tel casting (Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci) et réalisé par un puriste comme Martin Scorsese était produit par Netflix (et donc ne passait pas par les salles de cinéma).

Je me suis souvent demandé pourquoi des cinéastes aussi populaires qui se sont fait un nom dans les salles de cinéma acceptaient d’être produits par Netflix. Oui j’aime Netflix, c’est pratique pour voir ou revoir des films de plus de 3 ans, ça réduit le streaming illégal, ça permet au monde de découvrir le septième art pour pas cher. Mais j’ai plus de mal avec les productions Netflix car une chose que j’aime aussi dans le cinéma, c’est aller découvrir un film sur grand écran pour l’apprécier à sa juste valeur. Et en particulier les films avec des castings aussi exceptionnels.

Pour The Irishman, la réponse est simple, les grands studios américains ont fermé la porte à Scorsese qui est alors allé voir Netflix. Après réflexion, c’est pas si mal car le film dure 3h45 (c’est plus compliqué de distribuer/projeter le film et d’être rentable). Mais Don’t Look Up dure 2h23. C’est une durée relativement classique pour un film américain. Alors pourquoi Netflix est-il le producteur de ce long-métrage ?

J’ai découvert qu’à la base, la Paramount avait acquis les droits du film. Puis Netflix les a rachetés. J’ignore pourquoi mais j’obtiens peut-être ma réponse dans une interview de Tomer Sisley. Il y explique qu’au premier montage, le film durait plus d’une heure de plus (au moins 3h30 donc). On comprendrait alors pourquoi la Paramount a pu revoir sa position s’ils étaient au courant de la durée approximative du film. Puis Adam McKay a revu son montage pour l’écourter. Tomer Sisley y explique que cette heure de coupée lui a retiré quelques scènes mais qu’il avait survécu à la nouvelle version ce qui n’était pas le cas de tous les acteurs. Je tenais enfin la réponse à ma question et déception : Pourquoi Matthew Perry (accessoirement Chandler dans Friends) n’était pas dans le film alors que les premiers communiqués sur le film confirmaient sa présence.

Pour revenir au sujet principal, les gens vont dans des salles depuis la création du cinéma en 1894 pour voir des films. Mais l’arrivée de Netflix et leurs récentes productions viennent chambouler tout ce système. On peut bien entendu faire le même parallèle avec Prime Video et autres plateformes, mais leurs créations originales ne sont pas encore aussi massives et attendues que celles de Netflix.

Aujourd’hui, beaucoup de cinéastes pensent qu’à long terme, seuls les films types Marvel ou autres grosses productions auront le mérite d’être projetés dans les salles. Et que les films plus petits et les productions indépendantes sortiront directement sur les plateformes de streaming. C’est peut-être ce qui va se passer, mais à l’heure actuelle, je ne le souhaite pas… 

Bien que le film ne se veuille pas moralisateur, il est évident qu’il ouvre à la réflexion. À revoir les priorités de notre monde. Et je tiens là peut-être la raison principale à la question : Pourquoi Netflix ? Aujourd’hui, un nombre incalculable de personnes ont Netflix et ont donc la possibilité de visionner Don’t Look Up. Quand on veut porter un message, on désire qu’un maximum de personnes le reçoive. On peut alors conjecturer que le nombre de personnes qui regardent ce film sur Netflix est supérieur au nombre d’entrées qu’il aurait fait au cinéma. On peut imaginer qu’aujourd’hui, Netflix est un canal de diffusion plus large que les salles de cinéma (surtout depuis la crise du Covid) et que cela permet de toucher plus de personnes.

Si le film était sorti à la même période au cinéma, j’aurais été curieux de connaître son nombre d’entrées face à des films comme Matrix Resurrections ou encore Spider-Man : No Way Home. Si vous deviez aller voir qu’un seul film (pour des raisons de budget par exemple) durant cette période de Noël, vous seriez allés voir lequel vous ? Si on m’apporte la preuve que sortir un film sur Netflix permet de toucher plus de personnes que par les salles de cinéma, alors je serai obligé de reconnaître la logique selon laquelle les réalisateurs préfèrent passer par ce canal de diffusion… 

On a appris des mesures gouvernementales qu’il est désormais interdit de manger dans les salles de ciné. Une aubaine si vous détestez les bruits de paquets de bonbons et les gens qui mâchent du pop-corn. Après avoir vu Don’t Look Up en famille, vous pourrez donc foncer dans une salle de ciné, voir Tromperie d’Arnaud Desplechin ou La croisade de Louis Garrel par exemple.


Clément REGAZZONI