On est au Livre sur la Place, à Nancy. Il faut encore chaud, c’est septembre. On est dans un bar, c’est septembre. On s’enfile des grenadines. Une discussion intense et vive, comme son premier roman, La Petite Dernière. Grande discussion, l’une des plus belles, avec Fatima Daas.

Remarque préalable : L’entretien a duré plus de 2 heures. pour des questions de lisibilité et de respect de la spontanéité et de la densité du propos, cette discussion sera publiée en plusieurs parties. Vous pouvez acheter le roman ici, et dans vos librairies indépendantes de proximité. Vous pouvez retrouver la première partie de cet entretien ici.

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La petite dernière, n’est pas un manifeste. Derrière le texte qu’on a voulu en faire, il y a une vraie matière quotidienne, des vrais moments. Moi j’aime tes passages sur les transports. J’aime aussi, le moment où la narratrice s’inquiète de ses péchés et demande à l’imam des conseils pour une prétendue amie. Alors elle prie, et elle prie…

Sans être blanc, ou noir, je trouve que cette dimension là est très importante. La religion, on veut en faire soit un truc terrifiant, soit un truc magnifique, dont on ne souffre pas. Moi j’ai voulu partir du réel. Oui, j’ai grandi dans une famille où on pratiquait sans se poser de questions. À un moment, je me suis posé la question de mon attachement. Et c’est aussi ce que formule le roman. Je me suis rendu compte que dans ma vie, rien n’était plus important que ma foi. Et même en dehors de toute pratique. Juste ma foi, ma foi en Dieu. Je me serai tirée une balle. Ce monde m’angoisse. Je suis hypersensible. J’ai tout le temps peur, je suis tout le temps mal. Dieu, et l’écriture – parce que je ne dissocie pas les deux, mon inspiration ne vient pas de nulle part, m’ont fait tenir. J’ai envie de parler de ça. Mais aussi du fait que la religion fait souffrir. Comme on souffre dans nos relations amoureuses. Ma narratrice souffre en amour. Avec Dieu c’est pareil.  

Moi, tu vois, je ne suis pas croyant. Mais je suis bouleversé par la foi. Et je me dis que j’aurai aimé être touché par la foi, quand je te lis. 

Ça me fait tellement plaisir. On m’a dit ça quelques fois. 

Vous avez écrit ce roman pour cocher toutes les cases.

Un présentateur, en off, à la télé.

De quel accueil tu rêvais, quand tu écrivais ce roman ? 

Je rêvais que les gens s’approprient mes textes. En mode citations tu vois ? Parce que moi j’adorais faire ça. Tu mets une photo sur instagram, avec une citation du livre. Ça ? C’est le plus beau cadeau. 

Là, en plus, c’est des gens qui lisent pour de vrai. Pas des gens qui sont là pour déclencher une polémique. Ils font un geste pur. 

Moi, avec tout ce qui s’est passé, j’ai beaucoup lu les retours des lectrices et des lecteurs. pour voir. Et personne ne polémique. Il n’y a que des bons retours, beaux. Ceux-là font du bien. Les gens parlent mieux du livre que moi. J’aime ça. Comme ils cernent ce que j’ai voulu dire. 

J’ai l’impression que mon roman nique toutes les cases.

On va parler de la question des choix, l’idée de ne pas avoir envie de faire de choix est passionnante dans ton roman. 

Il y a des gens, sur des plateaux, qui me disent “Vous avez écrit ce roman pour cocher toutes les cases.” En fait, je n’ai pas choisi d’être lesbienne, d’être musulmane, de banlieue. J’ai juste envie de dire “Excusez-moi d’exister.”

Moi j’ai l’impression que mon roman nique toutes les cases. Il n’y a même pas de chronologie. Il n’y a pas de case. 

Ceux qui l’ont réduit à ça, c’est des gens qui ont peur. T’es un prototype pour eux. 

Je trouve ça très juste ce que tu dis. Cette peur-là, je la ressens. Je leur fait peur, mais c’est horrible, j’ai peur d’eux aussi. Je ne suis pas une menace. J’existe, excusez-moi.

à suivre…

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Discussion par Arthur Guillaumot.

Merci au Livre sur la Place et aux Editions Noir sur Blanc, Notabilia.

Photo de Une : Joel Saget / AFP