Festival d’Avignon, chaleur assommante et des tonnes d’affiches le long des murs, empilées les unes sur les autres. Dans la cour du Théâtre de la Manufacture, des groupes de gens se reposent, mangent sous les peupliers, boivent des verres qui semblent les rafraîchir. D’autres attendent patiemment que les portes du théâtre s’ouvrent.

15h20. Sur scène, Vincent Menjou-Cortès, comédien et metteur en scène de “La Cicatrice”. Le public écoute avec attention l’histoire qu’on lui raconte, dans cette petite salle sombre et sobre. Je sors une heure plus tard avec Vincent. J’ai mon trépied à la main; lui, un sac, un coca et son vélo. Il me raconte l’histoire de ce projet, autour d’un PAC à l’eau, au détour d’une rue.

“La Cicatrice”, c’est un bout de vie d’un petit garçon de 13 ans au bec-de-lièvre, Jeff. Dans sa première école, personne ne fait vraiment attention à ce visage d’enfant qui semble abîmé. Mais un jour, la famille de Jeff déménage. Nouvelle maison, nouvelle école. Cette fois-ci, le petit garçon reçoit des regards et des remarques sur cette cicatrice qu’il porte au visage. C’est alors que s’entame cette descente aux enfers, jours après jours, minutes après minutes. Tout fini par ces mots bruts, que l’on encaisse mal et qui bourdonne encore dans nos oreilles.

C’est la première année que Vincent présente une pièce au Festival d’Avignon. Tout le monde lui demande si cette histoire est la sienne : non, pas de bec-de-lièvre sous cette barbe. “La Cicatrice”, c’est un livre qu’il avait lu quand il était petit, d’un américain du nom de Bruce Lowery. Ça l’avait bouleversé. Vincent l’a relu, vingt-cinq ans plus tard. Mêmes sensations, mêmes frissons. Alors, il l’a adapté au théâtre. C’est un défi de taille qu’il s’est lancé : présenter un spectacle seul, en une heure, avec un micro pour unique accessoire :

“Je voulais vraiment retranscrire sur scène ce que j’avais ressenti en lisant ce livre. Je voulais de la sobriété, de la simplicité, retrouver l’ambiance du livre, comme si je le lisais au public.” – Vincent.

Cette pièce n’est pour lui ni une leçon de morale, ni une tentative de sensibilisation au harcèlement scolaire ou au respect des autres. C’est une histoire, point. De celles que l’on raconte pour recréer l’imaginaire et l’inventivité de ceux qui l’écoutent. L’auteur du livre, puis Vincent en reprenant la pièce, ont choisi de laisser le public sur leur perception du récit, de les faire réfléchir sur cette fin qui laisse sans voix.

“Beaucoup de personnes m’en reparlent, des semaines ou des mois après. Ils ont du mal à oublier la manière dont finit l’histoire. Ils sont troublés. Ils y repensent quelques fois. J’aime l’idée que tout cela ne laisse pas les gens indifférents.” – Vincent.

Un fort succès en cette 73ème édition du Festival d’Avignon, c’est ce que récolte “La Cicatrice”. Vincent nous livre un récit juste, dans une tension constante qui nous étouffe jusqu’à la dernière seconde. Emportés avec lui dans cette histoire troublante, on en vient à oublier le monologue d’un homme seul sur cette scène sombre, et le chant des cigales, derrière la porte donnant sur la cour, où les gens mangent et se reposent sous les peupliers. 

Vous pouvez retrouver Vincent Menjou-Cortès sur Facebook ou Instagram.
« La Cicatrice » se joue encore du 2 au 30 août 2019 au Théâtre de Belleville, à Paris.

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Crédit Photo : @Arthur Crestani

Pauline Gauer