Il a des semelles de vent, presque pas de maison, mais des airs qui balayent au devant. Toujours en quête, Frànçois and The Atlas Mountains est un chevalier pop, conteur des grands chemins, et se livrent dans un nouveau disque aux parfums aériens, Banane Bleue. Grand entretien. 

Depuis le 26 février, vous pouvez écouter Banane Bleue ici.

Ce nouveau disque, Banane Bleue, est né en mouvements, entre Athènes, Paris et Berlin, quelle énergie tu as cherché cette fois-ci ?

Je crois que j’aime l’art, et la musique, quand l’air et l’environnement prennent le dessus. Généralement, quand les choses sont trop marquées, je trouve ça ennuyant, j’aime quand les choses se passent d’elles-mêmes. Donc, changer de ville, c’est se baigner dans de nouveaux parfums, de nouvelles ambiances, de nouvelles sensations, qui sont difficilement déchiffrables. L’avantage dans les pays étrangers, c’est d’être allégé du discours, quand on ne comprend pas la langue. Je trouve ça enivrant. 

Est-ce qu’il y a aussi quelque chose de l’ordre d’aller provoquer de nouvelles premières fois ? 

Peut-être oui effectivement. Cette sensation de retrouver les inspirations premières, et qu’on est de nouveau perceptible et sensible aux muses. Ça aide sans doute de sortir de ses habitudes, pour arriver à un nouvel état sensible, avant les liens, et avant la compréhension des choses. 

D’ailleurs qu’est-ce que tu faisais pour la première fois sur Banane Bleue ? 

C’est la première fois que je délègue entièrement la prod à un autre musicien. Jaakko Eino Kalevi. C’est la première fois que je livrais autant ma musique à quelqu’un d’autre. 

Est-ce que ton état d’esprit a beaucoup évolué entre le moment où tu as commencé Banane Bleue et le moment où tu l’as terminé ? Entre les villes. 

Non, je crois que j’ai réussi à rester dans le même mood. Je trouve que le disque est assez entier. Surtout que certains morceaux sont assez anciens maintenant. Tout vient sans doute de l’identité simple et sobre du disque, j’étais dans cet état d’esprit, de m’abandonner et d’apprécier l’espace. C’est ce que je retrouve en l’écoutant, et c’est ce qui m’accompagnait. 

J’ai l’impression qu’on est dans nos cabanes et qu’on répare.

Comment tu vis la période, qui justement contraint parfois à l’immobilité ?

Je vis ce temps comme une période d’étude. Pas entièrement comme une époque de création, mais plutôt de pratique et d’étude. Et de nettoyage aussi. 

C’est important de prendre du temps, parfois. 

Oui, c’est ça. Disons qu’on est pas dans un élan. Et c’est difficile d’en gagner un nouveau, comme on ne sait pas où on va mettre les pieds. J’ai l’impression qu’on est dans nos cabanes et qu’on répare.

© Oihan Brière

Mais c’était important, malgré tout que Banane Bleue paraisse dans cette période ? 

Oui, parce que sinon on interrompt le chemin. Quelque chose bloque la route. Quand on a créé une œuvre et qu’elle ne sort pas, elle trône dans le salon, ou dans la cuisine, elle est là, elle traîne, et on ne peut pas faire de la place pour autre chose. C’était important que le disque sorte même si la période n’est pas idéale. Après, elle s’inscrit dans ce temps où on cherche du minimalisme dans les œuvres, parce que nos esprits saturent des écrans. Banane Bleue épouse cette mouvance, il est plutôt en phase avec le temps. Et puis, contrairement aux précédents, il n’est pas pensé pour le live. C’est plutôt un exercice qui sort d’un laboratoire, d’un home-studio. 

Je ne sais pas toi, mais comme les albums vivent différemment, sans les lives, je suis peut-être plus sensible aux campagnes d’affichage. Et là, j’étais content de croiser Banane Bleue, sur les murs de Marseille, Paris, Lyon, comme un jeu de piste qui surgissait au coin des rues. 

Oui, j’étais content aussi. C’était nouveau cette impression de sortir un disque comme si c’était plutôt un livre. J’ai eu de la chance avec cette campagne, de donner cette petite fenêtre de ciel bleu sur les murs de la fin d’hiver. 

Je fais de la musique pour desserrer des nœuds.

Est-ce qu’il y a des choses que tu n’as pas réussi à faire, sur ce disque ? Des tentatives inabouties. 

Oui, mais je sais que ce n’est pas une frustration, parce que je vais l’explorer différemment ailleurs. Quand j’étais à Berlin, j’ai replongé dans les musiques électroniques, que j’ai toujours aimées. J’ai toujours aimé bricoler, bidouiller ce genre de sonorités. Ce n’est pas quelque chose que j’ai réussi à concrétiser en sortie officielle pour le moment. Mais en 2019, c’est un autre temps, je rentrais d’une nuit en club à Berlin et j’ai écris un morceau inspiré des rythmes de la nuit. Je ne l’ai pas terminé. Sur ce disque, les chansons mettaient plus en avant la voix, et allaient vers le dénuement. Mais c’est à charge de revanche, pour plus tard.

Plus tard, quand tu pourras faire vivre ces morceaux en live, où l’énergie correspondra plus. 

Oui, exactement. D’ailleurs, tout Banane Bleue est lié à une énergie d’écoute intime, chez soi, en voiture, dans un casque, dans sa cuisine. 

Banane Bleue, c’est ton septième album. Aujourd’hui, tu fais de la musique pourquoi, et pour qui ?

Aujourd’hui, je fais de la musique pour être au monde en dehors des complications du quotidien et du langage. Je fais de la musique pour desserrer, délier des nœuds. C’est une manière de parler aux autres, et d’être moins seul. 

C’est très grec, de trancher les problèmes avec l’art. 

Oui, c’est vrai. Je pense que la société, le langage, les relations, nous plongent dans des dilemmes. Et la musique permet d’être comme un oiseau à côté de tout ça. D’être là, présent, avec un nouveau regard et une autre implication. Qui n’est pas désengagée, qui est profonde aussi, mais qui se base sur une autre substance. Ça permet d’aborder les relations avec soulagement. 

© Oihan Brière

C’est quelque chose qu’on ressent chez toi, notamment quand tu emploies plusieurs langues par morceau, comme si la langue est un embarras, que la musique permet de relier. 

Oui, c’est très juste. C’est quelque chose qui se tient et qui nous tient. Il suffit de jouer, sans tout s’expliquer. 

La mélancolie et le mal d’amour me hantent et me poursuivent.

Est-ce qu’il te reste des obsessions ? Des choses dont tu n’arrives pas à te séparer depuis le début. 

Oui, je pense que la mélancolie et le mal d’amour me hantent et me poursuivent. Ça tombe bien, parce que je crois que ça poursuit beaucoup de monde, alors ça fait écho. 

“Un jour, je trouverai les mots justes, et ils seront simples.” professait Jack Kerouac. Tu as cette impression d’avoir touché la simplicité ? 

Oui, c’était l’idée. Cette sobriété qu’on retrouve beaucoup dans l’écriture d’Albert Camus, auquel le titre The Foreigner fait écho. Je cherchais des sensations proches de la simplicité, la sobriété, et l’évidence. Je pense que quand des formulations simples sont adoptées, ça laisse de la place pour tout le reste, pour l’air, pour la lumière. 

Ça s’est fait naturellement de toucher à cette simplicité ? 

C’est le temps qui a fait le travail. C’est le fait d’avoir eu des expériences diverses, d’avoir travaillé sur des compositions beaucoup plus compliquées, à l’époque de El Volo Love ou Piano Ombre, avec des morceaux comme The Way To The Forest par exemple, qui sont très chargés en rythmes. C’était très riche, comme sur Réveil inconnu. Et le fait d’avoir assouvi toutes ses excitations techniques et artistiques, ça m’a libéré. Je peux maintenant apprécier les choses les plus simples. Le temps a fait son œuvre. Je n’ai pas eu à enlever des pistes, tout s’est fait en complémentarité avec ce que j’avais pu faire avant. 

Pour finir, qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ?

La Première Pluie, ça m’évoque l’odeur de la pluie sur le béton, quand il a fait chaud. C’est une odeur que beaucoup de gens adorent et que j’adore aussi. J’ai déménagé dans le sud-ouest là, dans les Landes, il a plu aujourd’hui pour la première fois depuis un mois. Le béton sent bon et libère des senteurs nouvelles. 

___________

Discussion par Arthur Guillaumot / Photos par © Oihan Brière.

Vous pouvez retrouver Frànçois and The Atlas Mountains sur ses réseaux sociaux : Sur Facebook / Sur YouTube / Sur Instagram / Sur Twitter.