La vie est une fête mais elle avait l’air d’être finie, annulée, reportée, ces derniers temps. Elle est à nouveau partout, peut-être plus intense encore. Parmi ceux qui colorient le mieux la nuit, French 79 est un incontournable de l’électro française. Sur scène ou avec ses albums, Olympic (2016) et Joshua (2019), il propose une électro à la discipline curieuse, en mouvement. À l’aventure, on a discuté avec lui.

Tu es prêt pour ce soir ? Ça va être intense je te préviens. 

Oui je suis échauffé ! Et puis c’est un peu chez moi ici. Je suis né à Epinal. 

Tu en gardes quelque chose, dans ta démarche artistique ? 

Ce qu’on peut garder de ce genre de période, la jeunesse, l’adolescence, c’est souvent assez inconscient. Je ne vais pas faire semblant. Mais par contre, c’est sûr que des choses se ressentent dans ma musique. 

J’ai besoin de vivre des choses intenses pour composer.

Qu’est-ce que tu essaies de recréer à chaque fois quand tu composes, quand tu commences à bosser sur un nouveau morceau ?

Ce que j’essaie de faire au maximum, c’est de retranscrire une émotion, quelque chose comme ça. Je puise dans des choses que j’ai vécues à un moment donné. J’ai besoin de vivre des choses pour composer. C’est pour ça que la période du Covid ce n’était vraiment pas parfait pour bosser. Pour retranscrire des émotions, il faut en vivre, on ne peut pas tricher. Je n’essaie pas de faire des choses “belles”, j’essaie plutôt d’invoquer la mélancolie par exemple. 

https://www.youtube.com/watch?v=u_Mw9dEHW3w

Et ça passe par la tournée, par ce que tu vis, ce que tu fais ?

J’essaie de faire pas mal d’activités, je fais de la montagne, des trucs comme ça. Je fais de la voile aussi. Quand tu te retrouves seul sur un bateau pendant une semaine, là tu engranges pas mal de choses. Des émotions très différentes de ce qu’on peut vivre en tournée. En tournée, on est parfois même surprotégé, tout le monde s’occupe de nous. C’est bien aussi de vivre des choses différentes. Si je ne composais qu’en rentrant de tournée, je composerai seulement pour le dancefloor. Mais je pense qu’il ne faut pas faire que ça. Et d’ailleurs, je n’ai pas envie de faire que ça. 

Le live, c’est cool pour voir les gens bouger, pour les écouter, pour tout ça. Mais j’ai besoin de solitude, et de grands espaces. Quand j’ai passé du temps au grand air, j’arrive à m’enfermer au studio. 

J’ai besoin du live et des gens, mais aussi de solitude et de grands espaces. 

Tu arrives à provoquer ce genre de moments, où tu vas trouver la matière ?

Oui, mais je pars nulle part avec un synthé sous le bras ! J’y vais, et quand je reviens j’ai l’impression d’avoir des choses à retranscrire. 

French 79 pendant le NJP par Nathan Roux

Est-ce que même avec le temps, le meilleur test pour un morceau ça reste le live ?

Ça dépend quand-même du morceau. Je joue rarement les morceaux très calmes en live. Mais ce soir je joue à minuit vingt, je ne vais pas jouer les morceaux ambiantes tu vois. Sur les morceaux électros, on comprend lesquels on doit jouer à chaque fois et lesquels on peut laisser tomber. Ça se vérifie surtout sur les morceaux qui se dansent. 

Tu as identifié des émotions particulières dans le public, quand tu as recommencé à jouer ? 

Évidemment une grande euphorie. Quand-même ça se voit. Et dans les retours, les gens disent que ça fait du bien. Il y a eu quelque chose de l’ordre de la libération. On avait presque oublié que c’était possible de faire ça. C’est vrai que dans les premiers concerts, j’ai bien vu que dans le public des gens se regardaient, presque étonnés d’avoir le droit d’être ensemble. 

Tu vis à Marseille maintenant, qu’est-ce que tu trouves dans l’énergie de la ville comme espace justement ?

Je cherche plutôt un mode de vie je crois. Chaque ville a un mode de vie je crois. À Marseille, il y a quelque chose qui tourne autour de la mer, du fait qu’on puisse s’évader plus facilement qu’ailleurs. Ça reste une ville immense, mais avec la mer au bout de la route, quand tu lèves les yeux. C’est hallucinant ça. J’ai l’impression que j’arrive à respirer. Je ne peux plus m’en passer maintenant. 

Dans les premiers concerts, je voyais les gens presque étonnés de pouvoir être ensemble. 

Donc l’espace est aussi visuel ? 

Oui, totalement, et ça compte. Après, c’est une grosse ville, avec des énergies très fortes et très différentes, sur la musique, les tournages, et toute la culture. Il y a une scène, mais le truc en plus, c’est l’espace extérieur.  

Comme à Epinal finalement ! On a bouclé la boucle. 

Ahh très bien joué. Mais oui c’est vrai. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la première pluie ?

La première pluie, ça m’évoque une odeur. L’odeur de la terre après la sécheresse. Une odeur que j’aime beaucoup et qui est justement synonyme d’espace en général.

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Entretien réalisé à L’Autre Canal à Nancy, dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations.

Arthur Guillaumot / Photo de Une : Cauboyz

French 79 vient tout juste de sortir un documentaire très inspirant avec le navigateur Achille Nebout :