Et si le projet de JeanneTo, c’était de faire danser tout le monde, tout le temps ? La fête deviendrait un état permanent, rythmée par sa musique, au croisement de plusieurs genres qui se répondent. Depuis le début de l’année, JeanneTo nous écrit une carte postale dans le magazine, pour raconter son quotidien, ses projets, et façon de faire de la musique. À l’occasion de la sortie de son ep Pochette Surprise 2/3, on a discuté avec elle, place Saint-Louis à Metz.

C’était quoi l’idée avec les Pochettes Surprises ? C’était une façon de trouver un rythme ?

On a hésité à sortir un album. Mais les sons sont très différents. Le fait de sortir des projets en plusieurs temps, ça permet de réunir des styles très différents. Pour un album, il faut que les morceaux aient une certaine cohérence. Sur un ep, on peut se lâcher un peu plus. 

C’est un besoin de liberté en fait ?

J’avais envie d’avoir encore un peu la liberté de changer de style. Au début, on avait assez de morceaux pour faire un album. Mais on en a jeté pour en faire de nouveaux. Parce que je suis encore en train de chercher mon style. En fait je pense qu’il ne sera jamais définitif. Je ne suis jamais la même qu’il y a 3 mois. Quand des morceaux sortent, il y a parfois une longue attente, alors que j’ai déjà hâte de sortir ceux que je viens de finir la veille ! Sortir des eps souvent, ça permet de coller au plus près de ce que je viens de faire. 

Tu te verrais faire de la musique qui sort tout de suite ?

Dès que j’écoute un morceau que je viens de faire j’ai envie de le sortir tout de suite donc… Oui, ça serait marrant. Mais souvent ce qui est bien c’est que quand les morceaux sortent, ils ont déjà eu une vie sur scène. Borderline, c’est le deuxième morceau que j’ai écrit en français… Le premier de toute ma vie c’était FOMO, qui est sorti sur le Pochette Surprise 1. Quand j’habitais seule en Irlande, j’écrivais naturellement en anglais. 

Je laisse venir les morceaux.

Comment tu as décidé de repasser au français ? 

En revenant habiter en France. En vrai mon anglais s’est un peu perdu. Quand je suis revenu, j’arrivais du Canada, je pensais encore en anglais et je faisais naturellement de la musique en anglais. Mais j’ai rapidement eu besoin de passer au français, ne serait-ce que parce que j’avais quand-même envie que les gens comprennent mes chansons. Je me souviens d’un de mes premiers concerts, j’avais joué 1h, et j’ai choke pendant un couplet entier, sauf que personne n’a remarqué que je racontais n’importe quoi en anglais. 

Comment tu fais, justement, quand les gens entendent d’abord les morceaux en live, avec l’énergie du live, pour les poser ensuite sur des projets ?

J’avais un peu peur de ça justement. La crainte c’était que certains morceaux étaient trop faits pour le live. Je pense à un morceau comme Zelda par exemple, je me dis que c’est marrant pour le live, mais comment ça rend sur un projet ? Je pense que le 3ème ep des Pochettes Surprises era plus centré sur le texte. 

Je laisse venir une phrase ou deux, et je comprends au fur et à mesure le sujet que je suis en train d’aborder. 

Tes eps s’appellent Pochettes Surprises, mais justement, quelle place tu laisses à la surprise dans ta démarche toi ?

Là je suis en train de faire un morceau, j’ai le premier couplet, il me reste le deuxième. J’ai une idée de ce dont je vais parler, mais je ne suis pas encore sûre. En général quand j’écris, je ne sais pas de quoi je vais parler. Je laisse venir une phrase ou deux, et je comprends au fur et à mesure le sujet que je suis en train d’aborder. 

Tu fais confiance aux premiers mots ? 

Oui. C’est rare que je veuille de moi-même aborder un sujet. 

Tu es parfois toi-même surprise de comprendre que tu es en train de traiter un sujet que tu n’avais pas prévu d’aborder ?

Ça m’est arrivé là, dans l’un des morceaux du deuxième ep. Quand je le fais, je ne rends pas compte des choses, puis quand je l’écoute quelques mois après, je comprends ce que j’ai voulu dire. Là, le morceau qui s’appelle Attends deux secondes, je l’ai écrit comme une fiction, je trouvais que les mots sonnaient bien, mais maintenant j’ai l’impression que ça parle de ma vie en ce moment. C’est pour ça que finalement ça a aussi un côté cool de laisser les morceaux maturer pendant quelques mois. Après dans la création, il y a aussi une grosse partie pour la prod. On travaille à deux avec Cadillac et pour ça, je lui fait confiance. On est en studio, il me montre des choses et les émotions viennent naturellement avec sa musique. 

Je fais 15 000 trucs en même temps et j’ai peur de rater le bon moment. 

Est-ce que tu as appelé ça Pochettes Surprises pour celles des aires d’autoroute quand on était gosse, où il y avait tout et n’importe quoi ? 

Je ne m’étais jamais trop posé la question de la surprise dans mon travail. La pochette surprise c’est pour le public, les morceaux ne se ressemblent pas beaucoup. Si tu écoutes Zelda et Borderline, ce sont des ambiances différentes. On ne savait pas trop comment on devait appeler ça. Mixtape ? Ep ? Tous collés ensemble, les morceaux ne pouvaient pas donner un album, mais on avait envie de les sortir. Je n’avais pas tellement envie de me prendre la tête. Je fais 15 000 trucs en même temps et j’ai peur de rater le bon moment. 

Comment tu agences tes journées de travail ? 

Quand tu es artiste, il faut parfois trouver la motivation, l’énergie adéquate, et surtout, de la matière pour créer. Tu as parfois des mois sans jouer, où tu es livrée à toi-même. Quand j’enchaîne les dates, j’ai de la facilité à écrire, je fais des morceaux entre les concerts, l’inspiration vient toute seule. Mais parfois, pendant les périodes de creux, il faut aller au devant des histoires. J’ai repris un petit boulot, pour avoir un autre prisme. C’est des thèmes que j’aborde dans le troisième ep. 

Comment tu te nourris musicalement toi ? 

Je suis restée une grande digueuse. En plus, je suis encore un peu DJ. J’écoute 2 styles de sons en masse, du rap, genre next gen. J’aime beaucoup H JeuneCrack. Il y a beaucoup de rappeurs qui se lâchent. Il y a une vraie place qui se fait pour les beatmakers. C’est de moins en moins des progs catégorisées rap. Je pense à Winnterzuko aussi. Et sinon beaucoup de techno, d’eurodance, que je Digg pour mes DJ set. J’aime bien mélanger les deux. 

Tu passes des morceaux à toi ?

J’ai encore un peu de mal, ça m’arrive, mais je suis timide. 

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Texte : Arthur Guillaumot // Photos : Romain Vadala

Interview réalisée à Metz le 7 avril 2023

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