< Tous les articles Théâtre Les Illusions Perdues de Pauline Bayle au NEST Par Josh 10 décembre 2022 Adapter un roman de 700 pages au théâtre est un pari osé, surtout lorsqu’il est signé Balzac, le seigneur du réalisme et de la description. La metteuse en scène Pauline Bayle a choisi de le prendre à contre-pied. C’est sur une scène nue de décors, entourée par le public et avec seulement 5 comédien/nes pour interpréter les 18 rôles qu’elle nous présente ses Illusions Perdues. On a découvert la pièce au théâtre du NEST, à Thionville. Illusions Perdues, un des romans phares de Balzac, présente l’histoire de Lucien de Rubempré, un poète de province qui vient à Paris en recherche de gloire littéraire au début du XIXe siècle, alors que la royauté vient de se remettre en place. Confronté aux cercles d’influence de la capitale, il oscille entre les intellectuels, les journalistes ou les aristocrates et tente de s’y faire un nom tout en gardant ses valeurs morales et son amour de l’art. Il fallait trouver comment le monter, ce roman monstre, et comment le rendre digeste pour le public. Les solutions de Pauline Bayle en la matière sont fortes de sens. Elle n’essaie pas de nous transporter au début de la Révolution Industrielle, de nous montrer le début d’un capitalisme qui se joue de la noblesse. Elle monte Illusions Perdues car ses thèmes font encore écho deux siècles après : l’arrivisme, le pouvoir des médias, l’art face à l’argent, l’hypocrisie, la frontière entre province et Paris, les désillusions, etc. Son choix de rendre la scène vide et de ne pas prendre de costumes d’époque permet de rendre l’histoire actuelle sans la défigurer. Simon Gosselin Chez elle, c’est une évidence d’adapter Balzac au théâtre. Ses personnages sont remplis de contradictions, ce qui leur donne une force théâtrale naturelle et les rend intemporels. On s’imagine sur scène les Lucien de Rubempré et les Etienne Lousteau de 2022, en étudiant/e des grandes écoles et en entrepreneur/se en vogue. Grâce à la proposition sans artifices, les comédien/nes n’ont rien à quoi s’accrocher sur scène. Seules leurs émotions font vivre le texte. Cette mise en scène sert à creuser encore et encore pour trouver les sentiments les plus justes des personnages. Portée par l’intense interprétation de ses 5 comédien/nes, la pièce de Pauline Bayle atteint son objectif. Cependant, sur 2h30 de spectacle, et face à un texte qui reste lourd, certains moments perdent en magnitude et la mise en scène semble parfois tourner en rond face à un public en 360°. Heureusement, cette baisse de régime ne dure pas et laisse place à des moments de grâce, comme le baptême journalistique de Lucien et la danse qui en suit. La metteuse en scène a le sens du rythme et ne permet jamais de s’assoupir, quelle que soit la qualité des sièges. Simon Gosselin Un rythme aidé par les nombreux changements de rôles, formule que la metteuse en scène maitrise parfaitement après l’avoir déjà utilisée pour son adaptation de l’Illiade et de l’Odyssée. Mis à part le rôle de Lucien qui est tenu par la même actrice, les 4 autres comédien/nes se partagent 17 personnages et leur justesse impressionne. La structuration du récit permet de ne jamais nous perdre et de nous tenir concentrés. Ce partage ne rallonge pas les transitions, au contraire il permet d’enchainer entre les différents cercles que fréquente Lucien et de partager sa frénésie quotidienne, passant d’une minute à l’autre d’une rencontre avec une marquise à une répétition de sa bien-aimée actrice. Simon Gosselin Cela peut paraitre paradoxal, mais la mise en scène de Pauline Bayle, avec une scène vide et seulement 5 comédien/nes, fonctionne particulièrement bien pour adapter Balzac. Elle rend le roman actuel sans le caricaturer car elle s’appuie sur ses thèmes qui résonnent toujours. Actrices et acteurs livrent une puissante performance et nous font (re)découvrir les Illusions Perdues avec des yeux nouveaux. En ajoutant le film de Xavier Giannoli sorti en 2021, le roman de Balzac a fait naître deux adaptations qui se complètent et qui nous donnent, ici en province, l’envie de rire de cette capitale théâtrale, foyer des faux-semblants et scène principale de la comédie humaine, depuis plus de deux siècles. __ Jeu : Charlotte Van Bervesselès, Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Alex Fondja, Anissa DaaouMise en scène : Pauline BayleCompagnie À Tire-d’aileTexte : Honoré de Balzac / poèmes de John Keats et Émile VerhaerenAssistance à la mise en scène : Isabelle AntoineScénographie : Pauline Bayle et Fanny LaplaneLumières : Pascal Noël Régie générale / lumière : Jérôme Delporte et David OlszewskiRégie plateau : Ingrid Chevalier, Lucas Frankias et Juergen HirschDurée : 2h30minÀ partir de 15 ans Plus d’informations sur le spectacle ici. Photos de Simon Gosselin. __ Josh À lire aussi Théâtre La Terre d’Anne Barbot au NEST à Thionville 24 Avr 2024 La Terre est une pièce d’Anne Barbot, qui sublime le texte éponyme d’Émile Zola. Dès les premiers pas dans la salle, le public est intégré à cette famille paysanne des années 1860, tant unie que tourmentée, dans une histoire qui résonne fortement avec l’actualité. La pièce a été programmée par le NEST lors du festival Théâtre Silence Vacarme de Pauline Ringeade à la Manufacture 17 Avr 2024 On était à la première de Silence Vacarme ce mardi au Théâtre de la Manufacture. Un spectacle sonore porté par une comédienne, où chaque détail qui l’entoure peut prendre vie. Elle manie les sons, les transforme. Ils naissent de souvenirs puis deviennent ses partenaires de jeu, son décor. C’est une aventure sensorielle unique, où le Théâtre À mon seul désir de Gaëlle Bourges au CCAM à Vandœuvre 17 Avr 2024 Avec À mon seul désir, présenté lundi 14 et mardi 15 avril au CCAM à Vandoeuvre, Gaëlle Bourges a fait de La dame à la Licorne, une tenture du début de la Renaissance en six tapisseries, sa pierre de rosette. Un décryptage délicat pour mieux voir tout ce qui de prime abord nous est caché. À la loupeCartes postalesDossiersHoroscopeInterviewsPlaylists