Lundi, France Inter a eu la bonne idée d’inviter Jérôme Cahuzac dans sa matinale. On ne peut pas leur jeter la pierre, dans la foulée C à vous ou Sud Radio ont également invité l’ancien ministre. Il y a 10 ans, alors ministre du budget, il mentait à tout le monde. 

Rappel des faits : En décembre 2012, Mediapart révèle que le ministre du budget de François Hollande, Jérôme Cahuzac a possédé des fonds non déclarés sur un compte en Suisse puis à Singapour. Le ministre, qui a fait fortune en conseillant des laboratoires pharmaceutiques, va alors mentir droit dans les yeux à tout le monde, aux journalistes et à l’Assemblée Nationale. Il reconnaît finalement les faits début avril 2013. Il a été définitivement condamné en 2018 à 2 ans de prison ferme (peine aménageable en bracelet électronique), 300 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité. Pendant les 4 mois entre les premières révélations de Mediapart et les aveux du ministre, l’affaire a été au cœur de toutes les préoccupations politiques et médiatiques.  

Dans une classe politique normale, Jérôme Cahuzac aurait démissionné au moment-même des premières accusations de Mediapart. Chez nos voisins européens, une barre chocolatée en note de frais peut pousser un ministre à rendre ses fonctions. En France, les hommes politiques passent tous devant la justice. Et sous le mandat d’Emmanuel Macron, qui voulait restaurer la probité, le bal des mises en examen est permanent. Ces derniers jours, pour la première fois, un ministre de la Justice en exercice, Eric Dupont-Moretti, est passé devant un tribunal pour prise illégale d’intérêts. Cette semaine, 10 mois de prison avec sursis ont été requis contre le Ministre du Travail, Olivier Dussopt, dans une affaire de favoritisme. En France, la politique est un métier et le pouvoir une drogue. Et rien n’est trop grave pour ne pas tenter un retour sur le devant de la scène. 

Alors pas étonnant qu’au micro de France Inter, Jérôme Cahuzac déroule un discours bien préparé. Il a pensé à tout. Il retourne en sa faveur la question de la morale, invoque Kant et trouve toujours d’autres coupables, comme François Hollande ou la Nupes. C’est l’hôpital qui se fout de la charité. S’il reconnaît avoir commis une faute, il juge que sa faute politique est moins grave que celle de celles et ceux qui ont fait campagne commune avec La France Insoumise. 

La double peine n’existe pas, Jérôme Cahuzac a purgé la sienne. Mais pourquoi lui donner de la lumière ? S’il faut interroger le système politique qui permet le retour ou le maintien aux fonctions des délinquant.es en cols blancs, il ne faut pas oublier qu’il y a toujours des médias pour leur tendre le micro. Jérôme Cahuzac est à nouveau éligible depuis cette année et il briguera bientôt un nouveau mandat selon ses dires. La justice l’y autorise, mais rien n’oblige à lui donner de la force dans cette entreprise douteuse, dont il ne comprend pas lui-même l’indécence.  

À droite comme à gauche, qu’une condamnation défigure leur trajectoire ou non, les femmes et les hommes politiques de ce pays s’accrochent aux fonctions et abîment profondément la politique. La crise majeure de la représentation que traverse le pays vient de là. Un jour, l’extrême droite arrivera au pouvoir, et il sera trop tard pour jouer la surprise.

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Arthur Guillaumot