Lujipeka a du panache. Échappé de Columbine, il a “mis un coup de pied dans la fourmilière” alors que tout marchait bien. En solo, il continue ses explorations de la vie, son premier album, Montagnes Russes a été augmenté d’une version XL le 3 février dernier. Les salles se remplissent pour applaudir les prises de risques du Rennais. En France, on a pas de pétrole, mais on a des idoles. 

Qu’est-ce que tu as fait sur Montagnes Russes que tu n’avais jamais fait avant ? 

J’ai abordé des thèmes, des histoires personnelles plus frontalement que jamais. Quand j’étais en groupe, j’écrivais de façon plus abstraite, maintenant je travaille de façon plus introspective. C’est ce qui a permis le départ en solo. 

Sur quoi le passage en solo a-t-il eu le plus d’influence ?

Au sein de Columbine, on ne se bloquait vraiment pas. On avait beaucoup de morceaux en solo, qui annonçaient la suite. Même sur mes premiers eps*, c’était la continuité. Mais quand j’ai commencé à bosser Montagnes Russes, je l’ai pensé comme comme un album et pas comme une accumulation de morceaux. C’est passé par la recherche d’une autre esthétique, et la découverte de mon identité via des histoires personnelles que j’ai abordées. 

Justement en partant à la recherche de cette nouvelle identité, et en publiant de la musique en ton nom, qu’est-ce que tu as appris sur toi ? 

C’est un peu dur de répondre. J’ai pu comprendre un peu plus ce que je pouvais représenter. Même en groupe, on ne le comprenait pas tout à fait. Seul, j’ai eu plus l’occasion de comprendre ce que je faisais et comment ça résonnait chez les gens. Ça a rendu les choses plus lisibles et ça fait évoluer. J’ai compris ce que je voulais raconter, et qui je suis.

“Je suis content d’avoir mis un coup de pied dans la fourmilière”

Est-ce que tu as retrouvé certaines sensations des débuts en repartant avec un nouveau projet ?

Oui à 100%. J’ai très vite capté que c’était presque un nouveau départ à zéro. C’est assez dur de quitter un groupe qui marche bien pour repartir tout seul. Il y a forcément des déçus, et encore plus si la musique évolue. Il faut vraiment reconstruire quelque chose, avec une nouvelle énergie. Ça a été assez sportif, parce que c’était pendant la période covid, donc il y avait pas de concerts et peu de moyens d’aller chercher les gens pour leur présenter ce que je faisais. Il a fallu se battre, trouver des nouveaux concepts, mais j’ai grave kiffé. Comme tu dis, j’ai retrouvé les sensations du début. Quand les concerts ont repris, on a refait des salles que j’avais connues en groupe en 2017. C’était cool de les vivre avec une autre vision. Avec du recul, j’ai vraiment bien vécu cette période. Là on arrive à un moment où tout commence à bien rouler, je suis content de ne pas m’être enlisé dans quelque chose qui marchait bien et d’avoir su mettre un coup de pied dans la fourmilière. Même personnellement ça m’a beaucoup fait évoluer. 

Photo : Magdalena Lawniczak

Tu dis qu’on peut décevoir en quittant un groupe, mais on peut aussi décevoir en continuant un projet, en faisant la saison de trop. C’est aussi un choix artistique d’arrêter avant de s’essouffler. 

C’est ça. Quand je regarde la discographie de Columbine, je suis fier de tout ce qu’on a fait. C’était un symbole de jeunesse, c’était adolescent. Je m’en suis rendu compte avec le temps. En évoluant, c’est cool de changer, plutôt que de dénaturer la base. Finir sur Adieu bientôt et Adieu, Au Revoir, c’était classe. Après comme je dis souvent, le groupe n’est pas enterré, on ne sait jamais de quoi demain est fait. Mais on a bien terminé les choses, tout s’est bien emboîté. 

“Je me suis forgé en direct”

Justement, d’accompagner une génération qui mute et qui grandit, on passe des Prélis à Juno, les préoccupations ne sont plus les mêmes, ça s’est fait naturellement ? 

J’en ai conscience. C’est aussi en lien avec le côté très intime de ma musique. Je sais qu’on peut facilement s’identifier. Ceux qui ont suivi tout le projet, on a vraiment évolué ensemble. moi aussi j’ai grandi comme ça. Je me suis forgé en direct. Il y a quelque chose de mutuel. 

Il y a parfois une question de responsabilité dans ce que tu incarnes ? 

Non, parce que je ne veux pas sacraliser les choses, ni que ça deviennent trop premier degré. Je raconte ma vision des choses, mais je ne suis le porte parole de rien. Parfois je raconte des choses lourdes, mais j’aime bien casser les choses avec des morceaux plus légers. 

Quand tu dis ça, je pense à une chanson comme Plus jamais ça, qui flirte entre le journal intime, la ballade légère et les conseils de grand frère. 

Ah c’est vrai que parfois il peut y avoir ce rapport là. 

Je t’avais vu aux Transmusicales à Rennes en 2021, où tu mettais en scène un show

En vrai oui. C’était un moment incroyable. Ça nous a beaucoup rapproché en plus, le temps de la création et de la présentation. Quand j’ai commencé, c’était plus à l’énergie, là j’ai beaucoup aimé le côté spectacle. 

Comment tu continues de te nourrir, musicalement, pour chopper ce qui se fait de mieux au jour le jour ? 

Je suis resté un digger. J’aime trop ce qui se fait en ce moment. Pour les auditeurs le choix est fou. La nouvelle génération crée quelque chose de neuf. Je vais encore voir pas mal de concerts autant que je regarde des vieux films, c’est le fruit de tout ça. Je cherche à droite à gauche. Tout se fait très naturellement. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

C’est très poétique. Ça m’évoque la naissance des choses.

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Lujipeka sera en concert à L’Autre Canal à Nancy le 23 mars / Toutes les dates sont ici

Interview : Arthur Guillaumot / Photos : Magdalena Lawniczak