Hier soir, ce n’était pas à Los Angeles pour la cérémonie des Oscars qu’il fallait être, mais à Nancy. L’historique tram de la ville a tiré sa révérence après 22 ans de « bons et loyaux » services. Il y avait de l’émotion sous les pneus, on y était.

Minuit 30, comme à leur habitude, les deux derniers trams de la journée se croisent à Nancy Gare. Mais ce dimanche soir, le croisement avait une odeur particulière : c’était le coucou final pour les chauffeurs. Leurs trams étaient les derniers de leur espèce à fouler les rails de la ligne 1. Nombre de nancéien·nes étaient sur place pour suivre l’événement et faire partie de ce petit moment d’histoire.

Une fois à l’arrêt, tout le monde descend, on admire les deux machines côte à côte et on prend le temps de réaliser. Puis on célèbre, fête de village au milieu de la cité ducale. Les paparazzis sont de sortie, les forces de combat du réseau Stan sont les stars de la soirée. Les gens sont heureux et le tram se meurt.

Photo de Sabrina Benmokhtar

Il a bien fait son temps, ce vieux tram déficient. Modèle TVR Bombardier, pas le tram le plus aiguisé du tiroir. Seules deux villes le choisiront, Nancy en 2000 et Caen en 2002. Sa production s’arrête à cette époque, faute de commandes supplémentaires. Il devient donc vite obsolète, difficile à réparer, et ne se montre pas très performant. Caen le fait cesser en 2017, et nous, on a attendu 2023.

Malgré tous ses défauts, Nancy a fini par s’attacher à son tram, comme à un enfant un peu nul qui essaie de faire de son mieux. Nancy a fini par apprécier les fracas de sa « vieille chenille », comme le nomme la célèbre Vivianne, la CM du réseau Stan. Et Nancy a fini par en être nostalgique, avant sa mort si prévisible.

L’émotion était donc palpable en ce 13 mars à minuit 30. Personne n’avait payé son ticket mais tout le monde était là pour réaliser un dernier trajet avec son joujou défectueux. Il y avait de la musique, Capri c’est fini pour le tram qui montait jusqu’au CHU, Les démons de minuit pour celui qui filait jusqu’à Essey. Chacun son ambiance. Les usagers tapaient des mains, dansaient, profitaient de l’énergie des derniers instants. À l’arrivée, des pleurs, de la joie, mais surtout une aventure commune qui se termine enfin.

Ce tram faisait partie de l’âme de Nancy, et hier soir on a vécu un moment particulier de notre ville. Un moment qui rappelle à quoi ça sert une ville : à vivre des moments un peu nazes et inutiles, que seul·es les habitant·es peuvent comprendre, mais dont on est toutes et tous fièr·es d’y participer ensemble.

Essey Mouzimpré. Essey Roosevelt. Clinique Pasteur. Washington Foch. Saint-Livier. Gérald Barrois – Stade Marcel Picot. Cristalleries. Saint-Georges. Division De Fer. Cathédrale. Point Central. Maginot. Nancy Gare. Kennedy. Mon Désert. Garenne. Jean Jaurès. Exelmans. Campus Artem Blandan. Montet Octroi. Vélodrome. Callot. Le Reclus. Saint André – Jardin Botanique. Doyen Roubault. Faisanderie. Forêt de Haye. Vandoeuvre CHU Brabois.

Ouch, larmichette à l’œil en effectuant cette liste. Tout ça c’est fini, enfin pas vraiment puisque le nouveau trolleybus reviendra prendre la ligne 1 à partir de septembre 2024, selon la mairie. Pendant les longs travaux, deux lignes de bus la remplacent et c’est pas dans cet article qu’on va vous expliquer quel arrêt prendre à partir d’aujourd’hui.

Le tram était vieux, le tram est mort. Nancy est nostalgique mais Nancy va de l’avant.

Photo à la une de Diego Zébina.


Josh