Et si se connaître, c’était s’imaginer ? Et si comprendre qui on est maintenant, c’était aussi faire un exercice entre le passé et le futur ? La nouvelle aventure d’Olivia Merilahti manie des futurismes et invente des possibles, depuis qu’elle est devenue Prudence. Une nouvelle façon de se raconter, qui dessine des planètes, où tout varie. Beginnings, son premier album solo vient de sortir, premier pan d’une belle aventure. Grande discussion.

Beginnings, le premier album de Prudence est sorti le 28 mai. Vous pouvez le découvrir ici

Comment s’est construite cette nouvelle identité musicale ? Est-ce que tu as eu besoin d’une période de transition pour réfléchir à la direction que tu prenais ?

Ce n’était pas une évidence au début. Le point de départ de ce cheminement, c’est la fin de la tournée de The Dø en 2015. À partir de ce moment, j’ai voulu me retirer. C’était une forme de retraite psychologique. J’avais besoin de repos et de ne surtout pas être sur le devant de la scène on va dire. 

J’ai envisagé plusieurs pistes, comme celle d’écrire pour d’autres. J’ai fait la B.O d’un film dans lequel j’ai joué. Des choses que je n’avais pas faites avant. 

J’ai eu la chance de pouvoir me laisser le temps. 

J’ai eu un enfant aussi. À partir de ce moment-là, Prudence, s’est révélée, s’est imposée à moi. Je savais que j’avais besoin d’un alter ego. Cet alter ego m’a permis d’être sans limite. J’ai pu me faire plaisir au niveau de l’imagination, et des évocations, au-delà de la musique. 

Est-ce qu’il a fallu que tu te remplisses à nouveau, après avoir beaucoup donné avec The Dø ?

Oui, clairement, il y a toujours ce processus. Mais même d’un album à l’autre. C’est assez juste comme façon de dire, parce qu’on se sent vidé après une tournée. On donne tellement… On reçoit beaucoup aussi bien sûr, mais c’est physiquement éprouvant. J’avais besoin de me nourrir. De faire un vrai break, de me poser les bonnes questions, et de ne pas me lancer sans réfléchir dans une suite un peu automatique. J’ai eu la chance de pouvoir me laisser le temps. 

Qu’est-ce que tu avais envie de tenter en revenant avec un nouveau projet ? 

Prudence, pour moi, c’est une histoire d’émancipation. C’est un parcours de connaissance de soi. 10 ans dans un duo, ou dans un groupe, c’est un terrain partagé, alors que là j’étais face à moi-même. J’étais obligée de prendre des décisions seules, de faire mes propres erreurs seules. Il y avait beaucoup de choses à assumer et c’était nécessaire. Pour moi, en tant qu’artiste et qu’être humain, c’était indispensable de passer par là. 

Photo : Enzo Orlando

Qu’est-ce que tu faisais pour la première fois et que tu étais heureuse de tester avec cet album ? 

Je n’ai pas encore mis le pied sur scène avec ce projet. Le processus d’écriture est resté plus ou moins le même, donc c’est difficile à dire. Le processus d’écriture est resté plus ou moins le même. C’est le dialogue dans les chansons qui a disparu. Soudain, je me suis retrouvé très libre. Presque trop. J’ai parfois dû travailler à délimiter l’imaginaire. 

La liberté, ça passe aussi par le choix des gens avec qui tu as travaillé ? 

Évidemment, travailler avec Xavier de Justice, ce n’est pas complètement neutre. Il y a toujours une esthétique derrière. Travailler avec plusieurs personnes, c’était essentiel. J’avais besoin de connaître d’autres façons de travailler. 

Qu’est-ce que tu voulais mettre sur cet album mais que tu n’as pas réussi à intégrer ? 

Un morceau en finnois ! J’en ai un, que j’ai écrit au tout début, mais je n’ai pas réussi à l’intégrer. Il a une histoire un peu particulière. Il sortira un jour. Il a une place. 

Je me suis retrouvée très libre.

Après toutes ses années de musique, où là tu reviens même, est-ce que tu te demandes parfois pour qui et pourquoi tu fais de la musique ? 

Oui, bien sûr. C’est ces années de préparation qui ont abrité ses questionnements. C’était le laboratoire de Prudence, avant Prudence. Je ne voulais pas me lancer à corps perdu, et je me suis posé beaucoup de questions. Je n’ai pas trouvé d’autres choses à faire. 

C’est à ça qu’on reconnaît une vocation non ? 

C’est sans doute ça. Mais je continuerai de me poser ces questions. Parce qu’il y a peut-être autre chose. C’est très juste ce que tu dis, parce que pour le moment je suis totalement épanouie dans la musique. Rien ne me procure une telle sensation. Et encore, pour le moment il manque le meilleur levier pour faire vivre les morceaux* (Interview réalisée avant la reprise de la scène). C’est là qu’on comprend la place de la scène. 

Et si c’était une façon d’étaler les premières fois ? 

Je le prends avec philosophie. C’est intéressant d’expérimenter, avec les contraintes. Comme je n’ai pas encore d’habitudes avec ce projet, je le prends peut-être mieux. Je suis une artiste adolescente ! 

Et le temps a une place importante dans cet album, Beginnings, ce n’est pas seulement un marqueur. 

C’est vrai. Mais toutes les patiences s’érodent. 

Qu’est-ce que ça t’évoque la Première Pluie ? 

La Première Pluie m’évoque le printemps. Pour moi c’est une renaissance.

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Arthur Guillaumot / Photos : Enzo Orlando