Adapté de la BD du même nom de Fabcaro, le réalisateur Françoise Desagnat, habitué aux échecs critiques de ses films, revient cette semaine avec une comédie qui change et bouscule paysage comique français. Le mercredi 23 février est sorti Zaï Zaï Zaï Zaï au cinéma.

Les films de comédie occupent une place significative dans le paysage cinématographique français. Pourtant, ils peinent à se réinventer et opèrent des glissements rapides vers des recettes qui se rapprochent de propos douteux, défendus par des argumentaires du genre “de toute façon, on ne peut plus rire de rien”. Alors dans un paysage comique où les réalisateurs utilisent la paresse de chemins mille fois emprunté, François Desagnat arrive avec Zaï Zaï Zaï. Alors oui, pas facile de se dire que c’est le réalisateur des 11 Commandements qui va pouvoir faire quelque chose pour éveiller les comédies françaises qui perdent tout sens du rythme, du mordant pour se réfugier dans la facilité. Et pourtant, son film essaie tant bien que mal de montrer que la comédie, ce n’est pas une affaire de paresseux. 

C’est peut-être la tendance du moment : adapter les œuvres de Fabcaro au cinéma. On avait déjà l’adaptation du Discours par Laurent Tirard sorti en juin 2021 dans nos salles. Ici on adapte le personnage de Fabrice, dessinateur de bande dessinée dans l’œuvre, acteur de comédie dans le film qui fait l’erreur d’oublier sa carte de fidélité en arrivant à la caisse de son supermarché. Assailli de toute part, Fabrice part en cavale et est poursuivi par toutes les forces de polices. Un scénario absurde, pour un casting qui l’est moins car on retrouve des grands noms du cinéma français : Jean-Paul Rouve comme personnage principal, Julie Depardieu qui incarne sa femme. La suite du film laisse sa place à plein de petits sketchs où on pourra reconnaître nos acteurs de comédies préférés. 

Ce qui fait du bien avec ce film, c’est que sa grossièreté est assumée, mais qu’il n’en reste pas pour autant moins fin. L’absurde est grandiloquent, mais le soucis du détail est là. Le film invite à être redécouvert car il cache bien des petits éléments dans le décor, des subtilités dans le dialogue. Ils témoignent de la richesse, d’abord, de la bande dessinée originelle, mais aussi de la qualité d’une réalisation qui s’attarde à faire une comédie qui réfléchit. Et c’est une comédie qui fait du cinéma : elle ne s’attarde pas à un comique de personnages et de blagues. La comédie va se chercher dans le décor, dans le plan et dans le rythme. Alors oui, la réalisation ne propose pas non plus quelque chose de très innovant, vous y reconnaîtrez une réalisation très similaire à celles de Quentin Dupieux, avec une caméra parfois très statique qui laisse des personnages jouer, comme s’ils avaient été jetés là un peu par hasard. Mais à côté de ça, le film est drôle et fait un bien fou. 

Comment peut-on rire de quelqu’un si on ne sait pas rire de soi-même ? La comédie de Desagnat propose un absurde de tout : de la politique, de la jeunesse, de la tradition et j’en passe. Mais elle n’oublie surtout pas de se moquer d’elle-même. Fabrice, acteur de comédie, invoque la pitié des autres personnages. Le film témoigne que la comédie est un peu le mouton noir du cinéma, et que ce genre est à la fois populaire et détesté. Le film moque les codes qui le traversent, et c’est un exercice qui mérite d’être salué.

Une comédie qui réfléchit donc, et malgré un rythme qui parfois s’enlise et des personnages de la BD qui ne fonctionnent pas dans leur transposition sur le grand écran, Zaï Zaï Zaï Zaï a l’audace de renouveler la pratique de la comédie en France et de la faire sortir de ses sentiers battus. Le film de François Desagnat est visible au Caméo Saint-Sébastien à Nancy, ou au cinéma Olympia à Dijon.

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Paul Dufour