Cette année cinéma a marqué pour moi l’achat d’une carte UGC illimité. Et c’est quand même vachement utile parce que ça coûte malheureusement toujours plus cher d’aller avoir des films en salle et c’est tout sauf normal. J’ai enfin pu voir beaucoup de films, toujours pas assez. De très belles propositions que je conseille de pirater au plus vite si vous les avez ratées. Des grand·es réals qui confirment leurs génies, des premières expériences et des découvertes.

1. Killers of the Flower Moon – Martin Scorsese

Killers of the Flower Moon (Film, 2023) — CinéSérie

USA – Sorti le 18/10 – 3h26 – avec Leonardo DiCaprio, Lily Gladstone, Robert De Niro.

Les années passent et Martin Scorsese est toujours le maître de sa catégorie. Pour son 28ème long-métrage en 56 ans de carrière, il réunit ses meilleurs alliés : De Niro et DiCaprio. Mais Scorsese est un esthète et il ne s’est pas contenté de livrer ses stars au public. Killers of the Flower Moon trace la fresque historique de la tribu native des Osages, découvrant du pétrole sur leurs terres puis se faisant piller par les Blancs. Un film anti-roman national, nouvel engagement artistique du maître. Et, contrairement à d’autres blockbusters américains sortis cette année, le film engage une durée très longue pour les bonnes raisons et ne nous fait pas perdre notre temps.

2. La Chimère – Alice Rohrwacher

La Chimère - film 2023 - AlloCiné

ITA – Sorti le 06/12 – 2h10 – avec Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini

Filmer une quête est un des objets cinématographiques les plus passionnants. Alice Rohrwacher a fait de cet objectif une poésie hypnotisante, où la recherche incessante d’un amour perdu n’est transmis que par l’esprit brisé du personnage principal. Outre l’envie de piller des tombes, on ressort nous aussi avec l’envie de chasser nos chimères. Je ne sais pas quel sortilège la réalisatrice a utilisé pour graver à jamais des images de son film dans mon esprit, notamment le plan final.

3. Anatomie d’une chute – Justine Triet

FRA – Sorti le 23/08 – 2h31 – avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado-Graner

Je n’ai vu aucune critique négative sur le film de Justine Triet, et le consensus est un juste dû. Il n’y a quasiment rien à redire, la trame est déroulée comme un opéra moderne, et la réalisatrice touche, à travers une simple chute, les multiples difficultés d’une vie commune. Après les très bons Victoria et Sybil, Triet a confié le rôle principal à Sandra Hüller, qui lui rend par la meilleure interprétation féminine de l’année, tout simplement. Toujours pas compris pourquoi celui qui a remporté la Palme d’or n’est pas parti aux Oscars pour nous représenter.

4. Vers un avenir radieux – Nanni Moretti

ITA – Sorti le 28/06 – 1h35 – avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando

Il faut un âge pour tout, moi cette année était mon âge pour découvrir le cinéma de Nanni Moretti. Je suis tombé follement amoureux de lui. Vers un avenir radieux est la face B de Journal Intime, sorti 30 ans plus tôt. Nanni est passé de jeune loup en quête d’expression à vieux con en quête d’expression, toujours. Que Nanni Moretti n’en finisse pas de s’exprimer car c’est trop jouissif de le voir lui-même répondre à ses propres névroses dans ses films.

5. Yannick – Quentin Dupieux

FRA – Sorti le 02/08 – 1h07 – avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin

Je veux plus de films comme ceux de Quentin Dupieux au cinéma. Problème, il n’y a que lui qui sait les faire. En attendant qu’il partage la recette de sa drogue, on se prend la claque Yannick, porté par l’immense Raphaël Quenard, révélation de l’année. Le scénario est génial, le huis-clos est trop bien géré, Quenard, Marmaï et Gardin s’amusent et nous on prend notre pied.

6. L’Enlèvement – Marco Bellocchio

ITA – Sorti le 01/11 – 2h15 – avec Enea Sala, Leonardo Maltese, Paolo Pierobon

Oui, j’ai apprécié le cinéma italien cette année. Il faut dire que le pays reste la terre d’art par excellence et le 7ème n’y échappe pas. Bellocchio a créé une nouvelle fresque. 4 ans après Le Traitre sur la Cosa Nostra, il s’attaque à la persécution de l’Eglise catholique sur la communauté juive au XIXe. L’Histoire se mêle à l’intimité d’une famille et à l’endoctrinement d’un jeune enfant. C’est trop beau et intense pour s’en lasser.

7. The Old Oak – Ken Loach & Paul Laverty

UK – Sorti le 25/10 – 1h53 – avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson

Ken Loach ne produit que des réussites, et, comme pour Scorsese et Moretti, l’âge ne remet pas en cause l’adage. Cette fois-ci, le maître anglais du drame social nous montre l’arrivée de réfugié·es syrien·nes dans un village minier anglais, en proie au chômage et à la pauvreté. Les deux mondes s’allient et se percutent et Loach évite, comme à son habitude, tous les clichés et les écueils. Notamment en faisant confiance à des acteurs amateurs, en particulier l’incroyable Dave Turner en premier rôle. Loach traite le racisme comme il faut le regarder et il nous donne à voir une dose d’espoir face aux fascismes montant, partout.

8. Le Ravissement – Iris Kaltenbäck

FRA – Sorti le 11/10 – 1h37 – avec Hafia Herzi, Alexis Manenti, Nina Meurisse

Pour un premier film, la justesse d’Iris Kaltenbäck est surprenante. Dans cette histoire d’une sage femme prise de trop d’affection pour le nouveau-né de son amie, elle laisse l’idée du ravissement se tarir et réapparaître, au rythme des névroses du personnage. Une poésie malsaine et touchante s’en détache. On traverse le film en tiraillement face à une Hafsia Herzi parfaite entre toutes ces contradictions.

9. Les feuilles mortes – Aki Kaurismäki

FIN – Sorti le 20/09 – 1h21 – avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen

J’avais rarement vu un film comme celui-là. Peut-être car je n’avais pas eu l’occasion de voir un Kaurismäki. Le finlandais touche les sensibilités profondes de l’amour de deux êtres sans jamais les faire se toucher. Un amour qui s’effleure sur le fil d’un rasoir, là où la pauvreté a pris la place de la jouissance. On a pas envie de vivre dans le monde de Kaurismäki, et en même temps on s’y sentirait vivre.

10. How to Have Sex – Molly Manning Walker

How to Have Sex - film 2023 - AlloCiné

UK – Sorti le 15/11 – 1h31 – avec Mia McKenna-Bruce, Lara Peake, Enva Lewis

J’ai quelque chose à régler avec ce film. J’en attendais beaucoup et j’ai été déçu pendant 1 heure. Puis Molly Manning Walker a touché une corde encore raide chez moi. Elle a réussi, d’un film trop démonstratif, où il ne se passe rien que le vide de jeunes anglais en vacances, à montrer sans le montrer toutes les limites du consentement, face aux injonctions et à la domination masculine, tous les drames qui se jouent derrière les sourires et les « oui » forcés. Les 30 dernières minutes m’ont serré la gorge et j’ai envie de comprendre si elle a fait exprès que la première heure soit aussi chiante. Voyez ce film, j’ai besoin d’avis.

__

Des mentions honorables sont à décerner à la puissance visuelle de Wes Anderson dans Asteroid City, à la performance de Vincent Lacoste et Anaïs Demoustier dans Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré, à qui il ne manquait pas grand chose pour être dans le top, à la meilleure actrice de notre génération, Virginie Efira, parfaite encore dans L’amour et les forêts de Valérie Donzelli et Rien à perdre de Delphine Deloget, à l’amour que je porte à Albert Dupontel même si son Second tour ne m’a pas tant touché, à la belle découverte Les filles vont bien de Itsaso Arana et la fraicheur étincelante d’Helena Ezquerro, à la performance, encore, de Raphaël Quenard dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand, à celle de Brad Pitt dans Babylon, mais pas à la branlette de Damien Chazelle qui aurait pu raconter la même chose en une heure trente, et à la belle surprise La Voie Royale de Frédéric Mermoud.

J’aurais voulu voir Le Procès Goldman de Cédric Kahn, Le Consentement de Vanessa Filho, Barbie de Greta Gerwig, La Passion de Dodin Bouffant de Trần Anh Hùng, Reality de Tina Satter, Sick of Myself de Kristoffer Borgli, Perfect Days de Wim Wenders, Aftersun de Charlotte Wells, The Whale de Darren Aronofsky, Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi et Mars Express de Jérémie Perin.

Je n’ai particulièrement pas aimé le virage réac pris par Eric Toledano et Olivier Nakache avec Une année difficile et je crache sur Ridley Scott et son Napoléon.

__

Josh