Contexte et bilan provisoire

Le 7 octobre dernier le Hamas, groupe terroriste palestinien, lançait une série d’attaques d’une violence innommable sur Israël. 1400 personnes au moins sont mortes lors de cette journée de massacres. La plupart étaient des civils. 200 000 civils sont déplacés. 240 personnes sont par ailleurs retenues en otages par le Hamas.

Quasi immédiatement, Israël a engagé sa réplique avec des bombardements massifs, un blocus de la bande de Gaza et des attaques au sol. Les attaques menées par Tsahal, la puissante armée israélienne, ont fait 10 000 morts au moins côté palestinien, au moins 24 000 blessés, plus de 1000 personnes sont portées disparues et 1 500 000 civils sont déplacés. L’enclave palestinienne que constitue la bande de Gaza est assiégée. Israël ne s’interdit rien, frappant les hôpitaux, les journalistes ou utilisant des armes interdites, comme le phosphore blanc. 

La barbarie comme réponse à la barbarie

À la barbarie sanguinaire du 7 octobre, un État soutenu par les principales puissances occidentales se livre à une barbarie systémique encore bien plus sanguinaire. Les images, que nous avons tous vues, sont insoutenables. Des crimes de guerre sont en cours. Et à l’émotion, la douleur et l’indignation provoquées par les attaques du 7 octobre, Israël a choisi de répondre par une épuration ethnique dans la bande de Gaza. Ce qui se passe à Gaza n’a rien d’une guerre, car même dans une guerre, il y a des règles. La situation humanitaire est critique et rien ne laisse présager d’un apaisement ou d’un cessez-le-feu. 

Un État soutenu par tous les pays occidentaux ne devrait pas faire ça. Ou alors les pays occidentaux ne devraient pas soutenir un pays qui agit comme ça. Dans tous les cas, l’Histoire se rappellera de ce qui se déroule sous nos yeux. De ce qui en fait, se déploie depuis si longtemps. Israël est un état colon, qui grignote impunément sur les territoires palestiniens depuis des décennies. Benyamin Netanyahou est un gouvernant d’extrême droite, qui crache la mort. 

Cartographie du Monde Diplomatique, sur la colonisation par Israël de larges zones palestiniennes / Cécile Marin.

Indignation sélective 

Ce qui est insoutenable aussi, c’est le soutien immédiat de tout le monde occidental au moment de l’attaque du Hamas contre Israël. Et le silence coupable qui plâne quand il s’agit de condamner les crimes de guerre qui sont commis aux yeux du monde par Tsahal. Où sont les mapping qui projetaient le drapeau d’Israël quand il s’agirait désormais d’afficher celui de la Palestine ? Comme s’il fallait ne s’indigner que de l’attaque du 7 octobre et de la prise d’otages. La classe politique et médiatique française dans sa quasi intégralité nous donne une leçon répugnante d’indignation sélective et d’hypocrisie raciste. Certains vont même jusqu’à graduer la valeur des vies sur des plateaux télés, ou le buzz prime largement sur la vérité. 

Depuis le 7 octobre, tout a été entendu. Et aucune occasion n’a été manquée d’instrumentaliser le conflit pour accentuer encore le degré d’islamophobie qui plâne déjà en France. Ainsi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a accusé le footballeur Karim Benzema d’avoir des liens avec les Frères musulmans, parce que ce dernier envoyait “ses prières toutes (ses) prières pour les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes, ni enfants”. Un climat glaçant de suspicion qui pèse toujours sur les mêmes franges de la population, dans un pays où il devient de plus en plus difficile pour les Institutions de nier leur racisme systémique. 

L’indignation sélective, c’est aussi la LICRA, la Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme, qui comme toujours choisit son camp, en instrumentalisant le conflit pour dénoncer uniquement une montée de l’antisémitisme. Des journaux, des éditorialistes, des journalistes, qui choisissent leurs prismes pour raconter l’horeur du 7 octobre mais rien de l’après. Heureusement que sur le terrain, les Palestiniens filment et documentent au péril de leur vie la situation. Il y a 20 ans, sans les réseaux sociaux, nous n’aurions, de son et d’image, sur les canaux traditionnels, que ce que la propagande de Tsahal fournirait à l’Occident.

La foire de l’abjecte 

Au rayon des actions aberrantes, la présidente de l’Assemblée Nationale, Yael Braun-Pivet s’est rendue sur place après avoir assuré l’État hébreu de son soutien inconditionnel. Soutien sans faille à un État qui est en train de se rendre coupable de crimes contre l’humanité. D’accord. Et les manifestations de soutien à la Palestine interdites et violentées en France. Et les guignols de la politique spectacle de défiler en Israël. Du tourisme de guerre, où un seul camp existe, où une seule cause est juste, celle d’Israël. Le procès en antismétisme fait à celles et ceux qui élèvent la voix pour appeler à la nuance de ce soutien inconditionnel à l’État sioniste est indécent. Des responsables politiques ne devraient pas refuser de le comprendre. Surtout pas en France. 

Sur les plateaux télé aussi, c’est la foire de l’abject. Comme toujours, c’est à qui ira le plus loin dans l’ignoble, l’indécent. On a ainsi entendu dire que les vies palestiniennes fauchées valaient moins que celles des Israéliens, puisque les bombes tuent aléatoirement. On voudrait nous faire croire qu’il y aurait d’un côté les terroristes du Hamas, de l’autre des victimes qui se défendent et qui ont pour le faire un permis de raser Gaza. C’est la narration israélienne auquel une large partie de la classe politique et médiatique française a adhéré béatement, accusant d’antisémitisme quiquonque y dérogerait. 

Au grand soleil de l’horreur, notez aussi que des français sont partis rejoindre les rangs de Tsahal. Ils reviendront en France impunément. Ils auront tué. Mais toutes les vies ne se valent pas ? Toutes les errances guerrières ne se jugent-elles pas sous les mêmes cieux ? Ce djihad là est légitime ? 

Que faut-il dire, un mois après ? 

Qu’un mois plus tard, Tsahal vient de pénétrer dans la ville de Gaza. Qu’il faut stopper le génocide en cours. Que le cessez-le-feu doit être immédiat. Que les otages doivent être libérés. Que les crimes de guerre commis doivent être jugés. Que l’aveuglement occidental et l’hypocrisie de la classe politique française feront date. 

Que l’emploi du terme terroriste, qui a été largement instrumentalisé dans le débat public, est un terme utilisé par les pays européens pour qualifier le Hamas, ce qui n’est pas le cas de nombre de pays dans le monde, notamment dans les pays de l’hémisphère sud. 

Que la responsabilité de nombreux médias est aberrante, journaux, radios, télés, se sont rendus coupables d’une complicité totale avec la narration israélienne. Tout comme une grande partie de la classe politique, qui s’est empressée d’hystériser un sujet aussi douloureux. 

Qu’il faut lire cette grande interview de Rima Hassan dans l’Humanité, fondatrice de l’Observatoire des camps de réfugiés, franco-palestinienne, elle est née dans le camp de Neirab, en Syrie, en 1992. Sa famille avait été forcée à l’exil après la création de l’État d’Israël. Elle propose la création d’un État binational démocratique et laïc. (Notez que des soldats francophones de l’armée de Tsahal ont écrit son nom sur des missiles avant de poster la photo sur les réseaux sociaux).

Pour aller plus loin : Voilà pourquoi on peut utiliser le terme génocide.

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Pour Première Pluie, Arthur Guillaumot / Photo à la une de Mohammed Al-Masri (Reuters)