< Tous les articles Éditos Soir hagard Par Arthur Guillaumot 27 mai 2019 Les jours d’élections ont une tension particulière, une électricité qui a le goût de la poudre, une moiteur qui ne se calme qu’à 20h. Tout retombe avec les résultats. En politique, il y a des grands soirs, des soirs historiques, des soirs de joies, des soirs de surprises. Hier soir était un soir hagard, comme on commence à avoir l’habitude d’en vivre. Il y a énormément d’enseignements à tirer d’une telle soirée et de tels résultats. Indignité football club Des vieux monsieurs sur les plateaux se battent le droit d’être celui qui a le mieux perdu. Leur métier, perdre, ils l’aiment, alors on retrouve leur face à chaque soirée électorale, à chaque débat télé, à chaque émission spéciale. Hors de question pour eux de se remettre en question, de prendre leur responsabilité, d’assumer leur culpabilité. Ils sont indignes. Ces élections européennes ne parlèrent pas d’Europe. Parfois de comment en fermer les frontières, parfois de comment être un rempart à ceux qui ferment les frontières en enfermant d’autres. L’Union Européenne est un enjeu majeur. Ceux qui occultent cet enjeu sont des dangereux. Bon nombre de partis politiques ont publié très tard des programmes bricolés sur des sondages et des tendances. C’est grave. D’autres ont instrumentalisé l’élection pour gifler le parti du gouvernement. C’est grave aussi. Juste histoire de le redire. Le Rassemblement National, est le premier parti de France. Ce n’est pas la première fois qu’une telle chose se produit. Mais on ne peut jamais s’habituer à voir en tête un parti raciste. La France n’est pas ce pays moisi. Dites-le. La France c’est Romain Gary, c’est Samuel Umtiti, c’est des kebabs, des drapeaux de toutes les couleurs, des odeurs et des langues du monde entier. La France est sans limite, elle est le refuge des opprimés, leur rêve. La France est le pays carrefour, un idéal qu’on ne peut pas laisser devenir ce qu’il devient les soirs d’élection. “Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.” Antoine de Saint-Exupéry Presque tous sont d’accord : notre avenir est européen. Donc en ne prenant pas cette élection au sérieux, les principaux partis se sont moqués de vous. De vous qui êtes l’avenir. Si vous avez regardé les débats vous êtes conscient de cela. Il y a eu des confrontations de personnalités, pas de débat d’idées. Les 2 principaux partis par exemple, ont une pensée européenne, qui se résume à un pour/contre, constant. Une Europe économique, du marché, et une Europe vue comme une prison. Hop, 2 mois de campagnes résumés. Lors des débats, lors des meetings, La République En Marche a beaucoup plus parlé de battre le Rassemblement National et de voter contre eux que des idées du parti. La candidate, Nathalie Loiseau s’est par ailleurs illustrée par de nombreuses sorties « L »Europe il faut y avoir été invité ». Le programme s’est élaboré tard, mais il existait, personne n’en a parlé. Emmanuel Macron s’est engagé personnellement dans cette campagne, s’affichant sur les affiches de son parti, ce qui est interdit. Le Rassemblement National quant à lui était encore plus clair dans son jeu : « votez pour nous, vous votez contre Macron ». Oui, mais pour quoi vote-on, quand on vote Rassemblement National ? Plus pour une sortie de l’Union, mais alors pour quoi ? Ce n’est pas cette campagne entre personnalités qui y aura répondu. Cette élection, peu importe qui l’a volé à qui entre les gros poissons, la maternelle de science-po ça va 5 minutes. Qu’on soit clair, notre génération ne se reconnaît pas dans ce duel imposé, dans ces fronts républicains insoutenables où il faudrait valider un sort inventé. Jouer avec la place du Rassemblement National, instrumentaliser le fait d’être un bouclier face à ce parti est d’une gravité sans nom. Se féliciter d’une deuxième place derrière un parti d’extrême droite est indigne. Celui qui a choisi, sciemment, de faire de cette élection un référendum gaullien autour de sa personne, a perdu. Le goût de la poussière, est je l’espère, amer. Une seule bonne nouvelle Europe Ecologie Les Verts réalise un score aussi inattendu que réjouissant. Parce que c’est vous, les jeunes, qui êtes allés faire mentir les sondages. Ce parti réalise toujours de bons scores aux élections européennes, cette fois-ci, en France, c’est historique. Parce que l’écologie est votre préoccupation majeure, vous qui descendez dans la rue les vendredis. Vous que la vieille garde politique, coupable depuis des décennies de négliger l’environnement, entend moquer, vous êtes allés signer leur fin de règne. Europe Ecologie Les Verts est le premier parti de France chez les moins de 34 ans. C’est encourageant. L’écologie est notre préoccupation majeure, espérons qu’elle pèse plus dans le débat, et dans les mesures adoptées, à l’échelle nationale et européenne. Surtout que les écologistes sont de très bons députés européens, très actifs, à qui l’on doit notamment la fin de la pêche électrique en zone UE d’ici 2021. Choisir de faire de l’écologie le troisième parti du pays, et le premier chez les jeunes, hier soir, est un signe d’espoir. Des adieux Les ringards qui ne jurent que par l’austérité des budgets, et liberté de l’argent de poches des élus pourris sont tombés. La droite va creuver, elle étouffe de sa droiture et de droitisation, de ses raideurs, de son manque de modernité, de ses concessions. De ses concessions à l’extrème droite et aux électeurs qu’elles entendaient reconquérir en marchant sur les bandes de la xénophobie. Adieu la droite. En mai 2017, François Fillon clôturait une campagne émaillées d’affaires par un 20% honorable, lui, qui était le représentant de la droite dans une élection imperdable pour elle. François-Xavier Bellamy, choisi par la droite dure incarnée par Laurent Wauquiez à la tête du parti vient de subir un revers lourd et historique en n’obtenant que 8.5% des voix. Il y aussi les adieux qu’on voudrait adresser. Des adieux que j’envoie ici à Daniel Cohn-Bendit, présent sur les plateaux que parce qu’il a su regarder le vent tourner. Des adieux à Gilbert Collard, qui s’est illustré avec celui que je viens de citer, par sa vulgarité et son indignité. Des adieux à Bernard Tapie, qui n’a rien à dire sur aucun sujet. Nous sommes l’avenir de ce pays, ces gens sont le passé. Ce sont eux qui parlent. Il faut qu’on les dégage. Ils parlent pour rien dire, rien comprendre, au mieux, et au pire, ils disent des choses graves. A des Jean-Pierre Raffarin, à des Ségolène Royal, à des Jean-Cristophe Cambadélis, à tous ces ratés, ces échecs incarnés par des corps vieux et des idées datées. La prochaine fois, allez voter pour dire à ces ringards que vous croyez à des demains où ils ne sont que des mauvais souvenirs. Des demains où vos idées sont des projets, et où vos projets parlent d’espoir. La gauche est éclatée mais ses idées ne sont pas en déroute La gauche est une grande famille, pleine de bannières, des branches, dont les seigneurs ont du mal à se parler sans sortir leurs épées. La gauche est une série politique où tous rêvent de monter sur le trône de fer. La gauche est le lieu des projets, des idées, des avenirs, des demains, des générations d’après, des rêves. C’est aussi ces mots là qui tombent à des scores si bas. Mais pas sans raison. Une grande union est possible, là où les idées et les espoirs sont parfois proches, très proches. Vous êtes allés voter pour une écologie, une vraie écologie. En comptant tous les partis, à gauche, qui font de l’écologie une priorité (La République En Marche est exclue de cette comptabilité, vous vous en doutez bien), on obtient plus de 30%. Additionner est trop facile, et évidemment que ce n’est pas raison. Mais 1 électeur sur 3 a choisi le bulletin d’un parti conscient de l’urgence écologique. Ces grands seigneurs de la gauche des élections européennes faisaient bataille commune en 2017. Glucksmann, Jadot, Faure, et Hamon étaient alliés hier, et pourraient trouver, après ces élections, le courage de poser leurs épées pour parler, enfin, en invitant à leur table un Ian Brossat, porteur de projet lui aussi, et auteur d’une belle campagne. Il y a matière à discuter à gauche, parce que l’heure est grave et que personne, n’y eux, ni nous, ne peut se réjouir d’un paysage politique avec une gauche aussi éparse. Abstention et conclusion Le score de participation pour ces élections européennes est historiquement haut. Commençons par là. La moitié des électeurs du pays a tout de même décidé de ne pas prendre part au scrutin. Il y a ceux que les européennes préoccupent moins, parce que, précisément, on ne parle pas des idées et des conséquences. Vous êtes nombreux, ces derniers jours à nous avoir demandé des explications, nous avons essayé de répondre au mieux en expliquant dans un article le mode de fonctionnement et les enjeux du scrutin. C’est que vous n’avez pas trouvé de réponses ailleurs. Normal de ne pas être passioné par une élection dans ce cas. Il y aussi les déçus de la politique, les fatigués du bruit, ceux qui n’y croient pas. Ceux et celles parmi les abstentionnistes qui ne sentent pas représentés par une clique de mâles aux visages pâles, froids et lointains Les abstentionnistes ont leur raison. Mais ne pas voter, c’est, vous connaissez la formule, laisser d’autres décider pour vous. 60% des moins de 35 ans ne se sont pas déplacés, là où seulement 38% des 60-69 ans et 35% des plus de 70 ans ont choisi de pas prendre part au scrutin (chiffres Ipsos). On ne peut pas laisser la main à cette génération pour décider de notre avenir. Il faut voter plus, vous trouverez toujours des idées chères à vos coeurs défendues par des partis. Allez voter ! Allez vous dire, allez vous exprimer, allez vous faire entendre la prochaine fois. Allez mettre une gifle à la France moisie. Allez voter pour vos rêves, vos espoirs, vos avenirs, vos lendemains. 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