À l’heure du rachat, par Hermès, de la plus grande ferme de crocodiles dont la peau servira à la production de ses sacs à main, la question de l’éthique dans la mode est on ne peut plus actuelle.

Lorsque l’on sait que la mode est une des industries les plus polluantes du monde et que la plupart des maisons de luxe délocalisent et embauchent de la main d’œuvre au plus bas coût, dans des conditions désastreuses, certains créateurs agissent en congruence avec les besoins écologiques et en conscience des éco-systèmes.

C’est le cas de Marine Serre, jeune créatrice représentant futurisme et engagement avec excellence.

Qu’est-ce que ce luxe éthique et engagé nous réserve ?

Marine Serre, en 2018. / Photo : Marine Rouge pour Libération.

Cette jeune étudiante en modélisme à l’école de la Cambre en Belgique a l’occasion de faire ses armes en tant que stagiaire chez Alexander McQueen, Dior, Margiela puis Balenciaga, avant d’être portée au-devant de la scène grâce au fameux prix LVMH, le 16 juin 2017.

C’est avec ce chèque de 300 000€ ainsi qu’une aide personnalisée au développement de son entreprise qu’elle prépare sa première Fashion Week parisienne en février 2018. Et dès lors les médias s’emparent de la singularité de Manic Soul Machine, sa nouvelle collection. Son style novateur et ravageur prend place devant les yeux ébahis du public.

On y observe des robes hybrides fabriquées à partir de foulards en soie formant un kaléidoscope, des chemises et tenues de bain pour concevoir une robe, des mannequins aux visages englobés dans une cagoule mais aussi ce fameux croissant de lune, qui nous laisse un tas d’interprétations possibles.

C’est ainsi que son futurewear naît ;
entre un upcycling activiste et un futurisme révoltant.

Pour la créatrice « Il ne suffit plus de rêver. » « L’idée, c’est de créer le design d’une nouvelle réalité. Une réalité qui ne fait pas de compromis mais qui travaille et réagit aux besoins réels, et contrecarre les situations et fantasmes qui entourent l’industrie de la mode aujourd’hui. ».

De ce fait, ses collections se basent essentiellement sur un processus d’upcycling : jeu de mots mêlant « amélioration » et « recyclage ». Ce concept inventé au milieu des années 1990 par Reiner Pilz est popularisé par William McDonough et Michael Braungart dans leur ouvrage Cradle to Cradle : Remaking the Way We Make Things paru en 2002.

Pour la créatrice « Il ne suffit plus de rêver. »

Toutefois, cette pratique ne date pas d’hier. Dès le début des années 1990, Martin Margiela s’emparait également de matériaux inhabituels pour en détourner le sens premier et en créer des vêtements, avec ses pulls faits à partir de chaussettes de l’armée américaine par exemple.

Aujourd’hui pour de nombreux créateurs et créatrices, l’upcycling se dévoile comme une solution à la surproduction. Notamment chez Balenciaga, Demna Gvasalia, directeur artistique de la maison, avec qui Marine Serre a travaillé avant de voler de ses propres ailes, a affirmé que sa dernière collection était composée en majeure partie de tissus upcyclés.

En apportant sa vision apocalyptique ou plutôt post-apocalyptique, Marine Serre ouvre une série pléthorique d’interrogations qui nous percutent bien plus aujourd’hui que deux ans auparavant.

Nous avons pu le constater récemment avec son court-métrage Amor Fati présentant sa collection Printemps Été 2021. Durant ces 13 minutes deux protagonistes, joués par Sevdaliza et Juliet Merie, vont évoluer parmi plusieurs civilisations qui font écho à notre monde actuel et aux enjeux auxquels nous faisons face.

À travers cet imaginaire de film de science-fiction Marine Serre propose un regard visionnaire. En effet, grâce à un vestiaire post-collapsing, elle implore des codes neufs et de nouvelles identités au-delà de la binarité du genre. Ses masques jadis jugés excentriques sont aujourd’hui bel et bien intégrés dans la mode.

D’un futurewear provocateur et terriblement engagé Marine Serre devient une créatrice avant-gardiste promise à un grand avenir.

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Laure Gaurois / Retrouvez-là sur insta.

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