< Tous les articles Théâtre Une Andromaque de la destruction à la Manufacture Par Joshua Thomassin 16 novembre 2022 La nouvelle création du théâtre de la Manufacture est sortie de ses murs. On avait hâte de découvrir comment Élodie Ségui s’était emparée d’Andromaque, tragédie écrite par Jean Racine au XVIIe. L’histoire se déroule à Épire (région de Grèce), après la guerre de Troie. Andromaque est la veuve d’Hector, héros troyen tué par Achille. Elle et son fils Astyanax sont offerts en butin de guerre à Pyrrhus, roi d’Épire et fils d’Achille. Il tombe amoureux d’Andromaque alors qu’il est déjà promis à Hermione. Intervient Oreste, ambassadeur des Grecs qui est lui depuis longtemps amoureux d’Hermione. En bref : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort. Élodie Ségui n’a pas monté Andromaque pour rendre hommage à la grandeur des tragédies grecques ou nous faire apprécier chaque alexandrin de Racine. Son but est de nous montrer la solitude des personnages face à leur détresse, tiraillés par leurs désirs. Le tout dans un grand chaos orchestré par une scénographie impressionnante. Le palais de Pyrrhus, décor de la pièce, est un grand dédale de plaques de plâtres. Elles se brisent petit à petit, accentuant la destruction intérieure des personnages. Le sol se dérobe sous leurs pieds, les repères se perdent, les rideaux tombent, les murs aussi. Comme si l’apocalypse les accompagnait. Les acteurs doivent s’y confronter et jouer avec ce décor en perdition, qui devient un personnage à part entière. L’idée trouve toute sa pertinence et on ressent sa force à plusieurs moments de l’histoire. Notamment lorsqu’Oreste furieux détruit à coups de poings les murs ou qu’Andromaque y tague le nom d’Hector. Un tag que Pyrrhus viendra recouvrir de sang. Ces moments où le décor est un véritable partenaire de jeu sont malheureusement trop peu présents. La pièce aurait encore plus gagné en puissance en accentuant cette proposition scénique. La metteuse en scène a également voulu mettre en avant le travail des corps, leur donnant une tonalité équivalente au texte. Chaque gestuelle est prononcée, vécue de l’intérieur et significative. Comme si les acteurs sortaient leurs tripes. On ressent l’amour profond et maladif d’Oreste pour Hermione lorsqu’il la porte dans ses bras. On est happés, on ne peut plus décrocher car tout fait sens même sans suivre le texte. Et chaque comédien et comédienne augmente les vers de Racine par son interprétation. Autre point très intéressant dans cette mise en scène : les intermèdes musicaux. Ils réussissent une triple fonction presque contradictoire. À la fois ils redonnent un rythme fou à la pièce tout en nous permettant de souffler car les vers s’absentent. De plus, ils nous font observer la dégradation de la scène et la destruction qui s’intensifie. Ils paraissent cependant trop courts, ils ne prennent pas assez le temps de transcrire sans texte ce qui se passe dans le texte. Élodie Ségui a réussi son pari de présenter une Andromaque du chaos, toutefois la mise en scène divise. Toutes les intentions font sens et donnent de la force à la tragédie, elles permettent aux acteurs de se dépasser. Peut-être ne sont-elles pas poussées assez loin. Même si certaines frustrations naissent de l’inconstance globale du rythme, on a apprécié découvrir le texte de Racine autrement, par une proposition innovante. On vous invite à venir plonger dans l’univers de destruction proposé par Élodie Ségui. Car c’est un Racine où l’on ne s’ennuie pas, comme elle le promet. Que ce soit par la scénographie atypique, par la puissance des acteurs ou par les vers tranchants qu’ils portent, vous serez forcément touchés par cette version d’Andromaque. __ Jeu : Jacinthe Cappello, Olivier Chantreau, Félicité Chaton, Bastien Chevrot, Jocelyn Lagarrigue, Emma MeunierMise en scène : Élodie SéguiAtelier de création L’Organisation (Hauts-de-France)Texte : Jean RacineScénographie : Karen Abd El Kader et Élodie SéguiLumière et direction technique : Yvan Labasse (en alternance avec Noémie Moal)Régisseur plateau : Aurélien Godinho Pires (en alternance avec Jeanne Dubos)Assistante mise en scène : Eléonore BarraultAssistante scénographie : Sabine RollandDurée : 1h40minÀ partir de 14 ans Au Théâtre de la Manufacture le :Mercredi 16 novembre à 19hJeudi 17 novembre à 14h30 & 20hVendredi 18 novembre à 20hSamedi 19 novembre à 19h Tarifs : Plein : 22€ / Groupe (8 personnes) : 17€ / Réduit (-28 ans) : 8€ / Mini (étudiant.es): 5€ Réservez vos places ici. Plus d’informations sur le spectacle ici. Photos de l’atelier de création L’Organisation. __ Josh À lire aussi critique Théâtre Le temps des fins de Guillaume Cayet — Critique 04 Déc 2024 Le temps des fins est une pièce qui ne traite pas de la fin des temps mais de la fin de l’infini. Jusqu’au 06 décembre au Théâtre de la Manufacture, puis en tournée, l’écrivain dramaturge livre une œuvre écologiquement engagée poignante. L’histoire se déroule en trois actes : Le deuil, Le monde impossible et La critique Théâtre Le Ring de Katharsy d’Alice Laloy — Critique 26 Nov 2024 On a découvert Le Ring de Katharsy au Théâtre national de Strasbourg. Métaphore sociale, dystopie ou simple fantaisie, Alice Laloy créé un spectacle dantesque, inédit en son genre. Le jeu vidéo rencontre la scène et s’impose au théâtre comme une évidence dramatique. La grille s’élève et le show commence. 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