Magda Wiet-Hénin a commencé le taekwondo à 6 ans, au Punch Nancy, l’emblématique club de sports de combat de la ville. On l’y retrouve, 22 ans plus tard, au milieu des décorations à son effigie. Championne du monde en titre dans sa catégorie des -67 kg, elle est la favorite pour prendre l’or aux JO de Paris. Si près du rêve, cette médaille se conjugue avec la pression, les doutes et la réalité derrière la vie de sportive de haut niveau.

Entre les posters grandeur nature, son armoire à trophées, et les coupures de journaux qui parlent de ses exploits, Magda Wiet-Hénin a détrôné Mohammed Ali comme égérie du Punch Nancy. “Ça fait toujours plaisir de revenir, je m’y sens comme à la maison”. Son grand-père, Alain Hénin, fonde la salle en 1986 et sa mère, Valérie Hénin, championne du monde de kick-boxing, y a fait ses bases. Aujourd’hui, elle dirige le club et entraîne la relève.

Le sport de combat est donc un langage familial pour Magda, dans lequel elle baigne depuis toute petite, presque prédestinée à fouler les rings et les tatamis. “Inconsciemment, bien sûr que j’étais conditionnée. Je sortais du collège et je venais faire mes devoirs au Punch”, se remémore-t-elle en souriant. “Même si on me l’a un peu soufflé, tant que je suis heureuse dans ce que je fais, ça me convient. Par contre, j’avais cette pression de devoir devenir une championne. Avec ce titre mondial, je me sens enfin légitime d’appartenir à une famille de sportifs.” 

Une armoire à trophées pas trop mal remplie. (PHOTO : DIEGO ZÉBINA)

Déjà dans les meilleures de sa catégorie, Magda Wiet-Hénin a changé de statut après les derniers Championnats du monde, remportés en juin 2023 à Bakou. Elle est devenue la favorite désignée pour les prochains Jeux. “On sait que les adversaires vont m’étudier et tout le monde pense que ce sera plus facile pour moi à domicile. Donc avec les coachs, on développe de nouvelles stratégies et techniques pour les surprendre.

“Je ne croyais pas en moi au début, je n’avais aucun talent, mais avec du travail, on peut arriver jusqu’à cette médaille.

Les athlètes françai·ses et la première place ont une relation toxique, notamment lorsque la victoire est attendue à domicile. Pour ces JO de Paris, elle le sait, il faudra transformer la pression du public en avantage, ce qui est loin d’être simple. “Quand je combats en France, je croise des collègues ou des vieux amis qui me disent : ‘T’as vu, j’ai fait l’effort de venir !’. C’est cool mais moi je me dis surtout : ‘Ok, je dois surtout pas perdre parce qu’il a fait l’effort de venir.’” Mais à la rentrée 2023, portée par le soutien des fans, elle bat sa bête noire* et remporte le bronze au Grand Prix de Paris. Une expérience nécessaire dans la préparation de la plus importante des compétitions, où la médaille d’or serait le fruit d’un long cheminement. “J’ai envie de me sentir légitime pour parler ensuite devant les jeunes, leur montrer qu’on peut se remotiver après des échecs. Je ne croyais pas en moi au début, je n’avais aucun talent, mais je veux leur dire qu’avec du travail, on peut arriver jusqu’à cette médaille.

Cette volonté à toute épreuve résulte de sa pratique sportive omniprésente. Coup de pied retourné dans la fourmilière, la taekwondoïste assume : “En ce moment c’est la mode d’être plus qu’un athlète : athlète et artiste, athlète qui aime la mode, qui peint, qui fait de la cuisine etc. Mais moi, j’ai pas d’autres passions, et le sport prend tout mon temps.” 

Bague de championne du monde des -67kg, obtenue en juin 2023 à Bakou. (PHOTO : DIEGO ZÉBINA)

Pourtant, contrairement aux athlètes starifé·es, la majorité des sportif·ves de haut niveau ne reçoivent de la lumière qu’une fois tous les 4 ans, et doivent donc suivre d’autres voies en parallèle. Les taekwondoïstes français·es, par exemple, ne sont pas professionnel·les, ce sont les sponsors qui les financent. Magda a fait le choix d’aller au bout de ses études, en calant ses cours à distance entre ses entraînements. Titulaire d’un master à 27 ans, elle possède aussi un Contrat d’Insertion Pro (CIP) avec le Crédit Mutuel, qui lui permet de travailler un jour par semaine et d’être détachée le reste du temps. L’après-carrière se prépare tôt et elle sait déjà que son avenir se fera loin des plastrons. “J’ai un esprit de compétition. Donc, après ma retraite, quand je n’aurai plus ce challenge, je ne ferai plus de taekwondo. Je me projette sur 2028, maximum.” 

En ce moment c’est la mode d’être plus qu’un athlète. Mais moi, j’ai pas d’autres passions, et le sport prend tout mon temps.”

Il faudra donc profiter de ces JO pour regarder la championne nancéienne tenter de se hisser sur la plus haute marche. La pression est à son maximum, mais elle est confiante. Elle a affronté assez d’épreuves pour ne pas se laisser dépasser par l’enjeu à quelques pas de son rêve. “Ne vous inquiétez pas, j’emporte tous mes petits rituels pour les Jeux : la culotte fétiche et toute la panoplie de grigris.” 

Rendez-vous le 07 août pour le début des épreuves de taekwondo, le 09 pour le premier combat de Magda Wiet-Hénin.

*Cecilia Castro Burgos, taekwondoïste espagnole qu’elle n’avait jamais battue avant le Grand Prix de Paris 2023.

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Entretien réalisé en décembre 2023 au Punch Nancy / À retrouver dans le n°10 de Première Pluie magazine

Propos recueillis par Joshua Thomassin

Photos de Diego Zébina