À chaque fois que les pions bougent dans la région, les Kurdes s’attendent au pire. Ainsi, si la chute de Bachar El-Assad semble être une bonne nouvelle, c’est surtout une occasion comme une autre pour les forces turques de les persécuter. 

Comme toujours, l’hiver s’annonce intense dans la région kurde de Kobané. Le 08 décembre 2024, le dictateur syrien Bachar El-Assad est tombé et avec lui 50 ans d’une dynastie familiale qui avait fini par faire régner la terreur en Syrie. En 2011, le fils du dictateur Hafez El-Assad avait réprimé dans le sang les manifestations du Printemps arabe et déclenché une guerre civile aux conséquences monstrueuses qui l’avait conduit à utiliser les pires armes contre sa population, qui s’était largement exilée. 

Il y a 10 ans, une partie importante du pays était tombée aux mains de Daesh qui formait alors un état totalitaire en Irak et en Syrie. Les armées irakiennes, syriennes, turques, les milices chiites, les groupes rebelles syriens et les groupes kurdes, aidés par une coalition internationale, avaient mis près de quatre ans à reprendre le contrôle. Des gens qui n’avaient rien à faire ensemble avaient trouvé une cause commune : vaincre Daesh. 

En 2018, une fois le groupe terroriste chassé de la zone, les haines historiques peuvent reprendre leur cours habituel* et personne ne vole au secours des Kurdes lorsque les forces turques décident de les chasser du nord et de l’est de la Syrie — aussi appelé Rojava. En chassant les Kurdes de leurs positions syriennes, les forces turques fracassent aussi le nouveau modèle de société installé sur place une politique laïque et démocratique, fondée sur l’écologie et l’égalité entre les sexes. Quelques villes demeurent sous contrôle kurde, notamment Raqqa, Manbij et Kobané. 

Dès la chute du dictateur syrien, des groupes rebelles affiliés à la Turquie s’en sont pris à l’enclave kurde de la province d’Alep. Depuis, des dizaines de milliers de familles fuient vers le nord-est du pays, où les Kurdes ont pu garder le contrôle — pour le moment puisque les villes de Raqqa et Kobané sont menacées par des offensives de grande ampleur. Depuis vendredi 03 janvier, les combats font rage entre l’Armée Nationale Syrienne, soutenue par la Turquie et les Forces Démocratiques Syriennes, largement kurdes, autour de la ville de Manbij et une centaine de combattant·es* ont été tué·es*

La situation dans le nord de la Syrie sera l’un des grands enjeux du début de l’année, la situation humanitaire est critique au cœur de l’hiver, avec les dizaines de milliers de déplacé·es. Soutenu par la Turquie, Ahmed al-Charaa, désormais à la tête de la Syrie a prévu d’intégrer à l’armée syrienne les Kurdes, dont la situation est l’autre drame perpétuel du Moyen-Orient. 

__

* Un conflit importé de Turquie, où la minorité kurde qui représente 20% de la population est persécutée depuis la chute de l’Empire Ottoman. Les Kurdes, un peuple dit “iranien”, majoritairement de confession musulmane chiite, et réparti entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie, qui prétend à la création d’un nouvel état, le Kurdistan. 

* Nom que les Kurdes donnent à leurs combattants. 

* 85 victimes pour les pro-turques, 16 pour les forces kurdes.

Texte : Arthur Guillaumot — Photo de Une : Elke Scholiers / Getty Images / AFP