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Immédiatement nous parlons de littérature. Sans préambule. Les textes de son albums sont frappants. Ses meilleurs je crois. Il dit dans l’interview qu’il a attaché une hygiène particulière aux textes de cet Midlife. Pas de demis mots. Que des mesures complètes et des rythmes qui enlacent les textes, comme les lumières dans la ville, en contrebas.

Nous sommes chez son label, Vietnam. Juste à côté d’une rédaction en open space. Nous descendons, je crois que plus de la moitié des interviews musicales que je fais se font sous le niveau de la terre. Dans des studios sous des hôtels, dans des abysses dont sortent les jolis poissons finalement si colorés que sont les albums.

H-Burns est libre. Sûrement aussi grâce à un tel album. Il parle, il raconte. Pas n’importe lequel, cet album. Midlife. Pas n’importe quel titre. Il sort demain vendredi 29 mars.

Le reste est dans l’interview.


Arthur : H-Burns, bonjour, on est à quelques jours de la sortie de cet album Midlife, qui sort le 29 mars prochain. Dans quelle humeur tu es à quelques jours de la sortie de ce 7ème album ? 

H-Burns : C’est ça, 7ème album, c’est marrant parce qu’on s’habitue et puis jamais vraiment. 

Arthur : Il y en a un à peu près tous les deux ans maintenant

H-Burns : C’est marrant parce que moi je vis pas à Paris. Donc je reviens toujours de façon intense à Paris pour les sorties d’albums. J’ai toujours un peu l’impression de sortir de ma grotte. C’est une sensation pas désagréable. ça me fait un choc des cultures qui est toujours bien. Je me remets petit à petit dans le tempo. Là on enchaîne les repets, la résidence et puis les dates qui arrivent aussi. C’est un joli mois qui nous attend. 

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Photo : Louis Canadas

Arthur : Tu vis où quand tu ne fais pas de la promo ? 

H-Burns : Je vis sur les hauteurs de Grenoble. Le Mulholland drive des Alpes. La montagne et la proximité d’un ville moyenne plus on va dire. Ce qui est marrant c’est que de chez moi je vois toute la ville la nuit. À La fois d’un côté les montagne et de l’autre l’impression de surplomber.

Arthur : Est-ce que tu serais plutôt hébété avec un collier de fleurs autour du cou ou plutôt dans le mood du narrateur de la chanson Blue dog sur cet album, ou plutôt abimé physiquement comme dans le clip de Crazy Ones ? 

H-Burns : Oh je pense un fin mélange de tout ça. C’est l’idée, c’est qu’il y a plusieurs niveaux de lectures. Rien que dans la chanson Crazy Ones, qui est d’apparences très ensoleillée, si tu fais attention aux paroles, c’est le fond du trou. 

Arthur : ça arrive d’ailleurs souvent que la musique ne colle pas avec le texte, et qu’on se retrouve dans des décalages très subtils. 

H-Burns : Moi ça m’amuse, comme ça si on a envie de l’écouter le vendredi soir pour faire l’apéro, il s’est retrouvé dans une playlist apéro d’ailleurs le titre c’est assez marrant. Et puis en parralèle si tu prends les paroles tu dis « mais en fait pas du tout, pourquoi je remue la tête là-dessus ?! ». Décalage dans le décalage, j’avais jamais mis de second degré dans mes albums jusque-là. C’est une nouveauté. 

« Cet album est la première fois de l’humour et du cynisme »

Arthur : D’ailleurs de quoi cet album est-il la première fois ? 

H-Burns : De l’humour, ça c’est sur, du cynisme probablement aussi. C’est pas la première mais la deuxième fois que je l’incarne de façon aussi assumée. Sur le tout premier album j’étais sur la pochette, et je n’y étais plus depuis. Et puis là tout tourne autour de ça. J’apparais dans le premier clip, j’apparais sur la pochette, c’est une volonté d’être plus incarné aussi. 

Un album de destins et de personnages

Arthur : Midlife c’est un terme assez fort, qui est souvent associé à la « crise de la quarantaine », de quelle crise de la quarantaine est-il le résultat cet album ? De quelles questions intérieures ? 

H-Burns : Du fait que les angoisses vont pas en s’apaisant mais en s’augmentant parfois. C’est pas les mêmes en tous les cas, du moins quand on a 20 balais on a des angoisses mais on cherche pas forcément à savoir ce que c’est alors qu’à 40 ans on se dit « bien-sûr c’est ça, j’ai fait ce voyage intérieur en moi ». Il y a ça. Il y aussi le bilan, de se dire « d’où je viens ? » « Que sont devenus mes amis qui ont le même âge ? » Il y a une chanson sur ça. Beaucoup de portraits. Je me suis dit qu’il fallait faire un disque là-dessus, parce qu’il y a pas mal de destins un peu étonnants autour de moi, ou tristes, qui m’ont donné envie d’écrire là-dessus. De me retourner un peu sur les bonnes choses et les mauvaises choses de la vie. Il y a des bonnes aussi contrairement à ce qu’on pourrait croire. Il y a des morceaux de passion, des morceaux de recontres. Il y a des portraits de femmes. Il y a plein de choses. Les deux aspects toujours. 

Arthur : Cet album il semble encore une fois très lié à la ville, tu avais enregistré certain des précédents à tantôt à Chicago pour Off the Map, tantôt à Los Angeles avec Night Moves. Tu es d’accord avec cette impression que tes chansons, ton écriture sont très liées à la ville ? 

H-Burns : Ouais. Je suis très ancré à l’endroit où je vais enregistrer, l’endroit où je viens. Il y a toujours un endroit dans mes disques. C’est jamais complètement déconnecté de l’endroit. Même si là j’espère imaginer quand je parle d’une petite bourgade, je pense que ça peut s’appliquer à n’importe quelle petite ville, même si là je parle de la mienne, celle que je connais. Je pense que c’est transposable dans n’importe quelle ville moyenne de France et éventuellement à l’étranger. Rêver plus loin, partir, revenir, ne pas bouger, avoir eu envie de partir et ne pas y arriver, où la vie qui te ramène là. Je pense que ça c’est universel. Et moi-même ces thématiques là je le puisse aussi beaucoup chez Bruce Springsteen. Je voyais récemment son show sur Netflix, à Brodway, où il disait qu’il a passé toute sa carrière à parler de fuir, de Born To Run, et qu’aujourd’hui il vit à 10 minutes de sa ville de naissance, qu’il a toujours voulu fuir. 

Un questionnement permanent

Arthur : Tu as fait des retours, toi justement, pour ce Midlife, en te remplogeant dans ce qui avait pu être ton roman d’apprentissage du départ, est-ce que tu es revenu à Roman-Sur-Isère en essayant de comprendre des choses sur toi ? 

H-Burns : J’essaye toujours de comprendre des choses sur moi. Pour l’instant ça n’a pas donné grand chose 

Rires

Arthur : ça a donné quand-même quelques jolis albums

H-Burns : Oui mais c’est quand je me questionne quand j’en fais, peut-être que le jour où je me poserais plus de questions je ferais autre chose. C’est gentil en tout cas. Mais cette ville-là, je sais pas, à chaque fois qu’on se réunit avec les potes, on se dit « putain c’est quand-même fou le nombre de personnages qu’on connait dans cette ville », des destins un peu incroyables, j’ai un pote qui a disparu depuis 5 ou 6 ans, on sait pas si on le retrouvera, il y a une chanson là-dessus sur le disque. Donc les questionnements ils sont permanents. La relation amour/haine est permanente. Sur mes origines et sur ce rapport conflictuel que j’ai à la ville oui. 

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Photo : Louis Canadas

Arthur : Cet album forcément il nous fait penser à cette littérature américaine, à Charles Bukowski, à John Fante, qui sont les auteurs mythiques de Los Angeles, peut-être même à la route de Jack Kerouac, parce que la route est évoquée plusieurs fois. John Fante, dans un livre qui s’appelle Mon Chien Stupide, s’interroge lui aussi sur cette crise de la quanrantaine, est ce que tu es allée puiser chez ces auteurs ? Et quelles ont été tes influences littéraires ? Parce qu’encore une fois, c’est un album avec des très jolis textes. 

H-Burns : Déjà je suis content, parce que les textes c’est pas forcément ce que les gens retiennent à la première lecture, qui est souvent plus pop. J’ai pas de problème avec ça mais j’ai attaché un soin particulier à ces textes. Et oui, j’essaye d’avoir un ton beaucoup plus Première Personne, beaucoup plus premier degré avec du cynisme et de l’ironie. Et ça effectivement c’est des choses que je prends de Fante, de Bukowski, des mecs qui m’ont marqué comme ça, à ne pas hésiter à se mettre en scène dans des situations un peu looses, des situations un peu de déprime. Ne pas avoir peur de parler des trucs moins glamours. C’est quelque chose qui me plaît. Donc forcément la littérature pour moi c’est indissociable. Au même titre que les films des frères Cohen, tous les trucs de perdants magnifiques, j’adore. Tout comme l’aspect plus positif du disque, l’aspect plus passionnel, plus sexy on va dire. Je vais toujours puiser dans d’autres formes d’arts que la musique. 

Arthur : Ce décalage qui d’ailleurs donne un peu l’impression d’une suite de nouvelles. 

H-Burns : En tout cas le tracklisting est pensé comme ça oui. 

Arthur : Tu peux nous parler de ta vision des Etats-Unis, parce qu’avec les influences, ce premier album en 2006 qui était dédié à Johnny Cash, la littérature, les albums enregistrés là-bas. Elle dit quoi cette double identité entre la France et les Etats-Unis ? 

H-Burns : Si tu veux, les Etats-Unis, il y a cette impression que le son que je cherche je le trouve là-bas, principalement, un savoir faire, une façon de faire, des oreilles, un son. Mais en même temps, je suis pas non plus dans la fascination. Il y a beaucoup de choses que je déteste aux Etats-Unis. Amour/Haine, comme j’ai avec ma ville, mais à l’échelle d’un grand pays. J’étais en train d’enregistrer et mixer Kid we own the summer, mon précédent, au moment où Trump arrivait. Personne n’y croyait trop et du coup je me rappelle que tout le monde regardait ça très effrayé sur les côtes East et West démocrates. Et moi je disais « nan mais attends c’est pas possible vous êtes fous les gars il passera jamais ». C’est vrai qu’ils étaient assez flippés et j’ai senti ça monter en direct chez les gens qui voulaient pas de ça et du coup c’est vrai que depuis il y a une grosse majorité probablement de l’Amérique que j’aime pas trop. Sans schématiser, il y les côtes et le milieu. 

Arthur : L’Amérique des grands espaces de Springsteen. 

H-Burns : Springsteen, qui s’est bien gardé de dire que tous les électeurs de Trump étaient des cons parce qu’il sait très bien que c’est 50% de son public, il a un public tellement large. Drôle d’époque. De passer d’Obama à cette époque, drôle de pays. Mais en même temps j’ai rencontré vraiment des gens formidables et les gens avec qui j’ai bossé là-bas ça a toujours été des magnifiques expériences et je pense en particulier à Rob Schnapf avec qui j’ai fait un disque, qui est quelqu’un qui compte pour moi. 

Arthur : L’art qui sauvera. Quelle ambiance tu peux conseiller pour écouter cet album ? Un moment de la journée pour l’écouter ? 

H-Burns : C’est marrant parce que moi j’enlèverai l’après-midi dans tous les cas. Moi c’est un moment où je suis moins réceptif à l’art et moins créatif. C’est soit un disque du matin quand on a rien à faire, quand on sait qu’on a une journée cool devant soit et qu’on a passé une bonne nuit de sommeil, c’est là où j’ai envie de te dire de se plonger dedans et de lire les paroles. Sinon, quand vient la nuit, je dis laisse tomber les paroles et mets du volume. 

Arthur : Tu travailles la nuit ?  

H-Burns : Un peu les deux, le matin et la nuit, l’après-midi je suis pas en phase avec cette période de la journée. Mais le matin j’ai l’impression que c’est pour les mots et l’esprit et que le soir c’est pour les sens. C’est deux écoutes différents du disques pour moi. Voilà deux niveaux de lecture. 

Le matin pour les paroles et l’esprit, la nuit pour le volume 

Arthur : Comment tu as géré la production musicale de cet album ? 

H-Burns : J’ai vraiment fait toutes mes maquettes tout seul à la maison et puis après j’ai recontré Stuart Staples qui est le chanteur de Tindersticks, qui est un groupe que j’affectionne. Il m’a proposé de venir passer 5 jours chez lui pour m’aider un peu sur les pré-productions du disque et puis pour y voir un peu plus clair là où je voulais aller, peut-être un peu éventuellement on avait pensé à travailler ensemble sur le disque et tout. On a passé 5 jours super et il m’a dit « Tu sais où tu veux aller donc tu n’as pas besoin de moi mais il faut que tu ailles enregistrer chez BlackBox en FRance parce qu’ils sont supers biens en termes de matos analogiques et le gars derrières la manette Peter est un ingé-son ++. Et puis il m’a dit « Il faut que tu bosses avec mon  batteur parce que je pense qu’il te faut un batteur qui groove là-dessus ». Et c’est ce qu’on a fait. On a été à BlackBox et on a repris les démos et les a rejoué sur bandes configurations lives et on a fait le disque en 8-9 jours. 

Arthur : C’est la question que j’allais poser, parce qu’un certain nombre de tes albums s’enregistrent très vite, à l’américaine. 

H-Burns : Sur Night Moves et Kid we own the summer on a passé beaucoup plus de temps notamment sur la pré-production et la post-production. La période de recording est jamais très longue. Mais en tout cas sur les 2 albums West Coast on a vraiment passé du temps au mixage du temps de pré-prod, des process beaucoup plus longs. Là je suis revenu à un processus qui est beaucoup plus proche de celui de Off the Map pour le coup mais en intégrant le passage du milieu. Ce qui fait que l’album peut sonner comme une espèce de synthèse. 

Arthur : ça sera donc l’album du Midlife, de la crise de la quarantaine. Un résultat pas dégueulasse. Tu vas en sortir ça va ? 

H-Burns : Ecoute on verra si je passe les 50, si c’était le Midlife ou pas du tout. 

Rires 

La figure de Leonard Cohen

Arthur : Si tu devais le dédier à une de tes influences cet album, comme c’était le cas pour ton premier album, ça serait qui ? 

H-Burns : Leonard Cohen pour moi sans hésiter. J’ai été très affecté par sa mort. Et puis il se trouve qu’il y a quelques années j’étais à Montréal et j’avais fait tout un petit parcours initiatique, devant sa maison, devant les endroits où il allait prendre ses cafés. Enfin on parlait de Springsteen mais Leonard Cohen pour moi ça va au delà de la musique. Une espèce de figure poétique intemporelle qui coule partout en moi. 

Arthur : Tu vas faire une tournée pour cet album ? 

H-Burns : Bien-sûr, on a une Maroquinerie le 14 mai et puis après Caen, Angers, Clermont, ça y est on repart sur les routes. Je pense qu’on va aller voir aussi un petit peu du côté de l’Allemagne et puis peut-être pour la première fois depuis bien longtemps aler jouer outre-Atlantique. C’est en train de se décider. 

Arthur : Midlife va avoir une jolie vie. On lui souhaite, il sort donc le vendredi 29 mars. On a une question rituelle pour terminer nos interviews : Qu’est ce que t’évoque la Première Pluie ? 

H-Burns : La Première Pluie, je peux dire ce que je veux ? 

Arthur : Bien sûr. 

H-Burns : La Première Pluie pour moi c’est l’odeur de la rosée du matin en Ardèche dans la maison de mes parents où je vais l’été. ça sent un truc particulier. 


Midlife sort vendredi 29 mars. Il sera disponible partout. 


Arthur Guillaumot