Présenté en coréalisation entre le Théâtre de la Manufacture et l’Opéra national de Lorraine, Sans Tambour est une fresque, à la fois artistique, intime et inattendue. En puisant dans l’œuvre de Robert Schumann, Samuel Achache et son équipe cherchaient à capter ce que cette musique évoque au plus profond de nous. Pari réussi. 

Sans Tambour est une création de 2022 de la compagnie La Sourde, créée par Samuel Achache. Elle s’attache à forger des liens entre théâtre et musique. Et ici, on est en plein dans ce que la pluridisciplinarité peut apporter de mieux. Musicien/nes, chanteur/euses et comédien/nes s’emboîtent et endossent plusieurs casquettes. Et tout se fait en même temps, on ne va pas du concert au théâtre en passant par l’opéra, on vit les 3 en harmonie. C’est une symphonie gigantesque. Presque trop grande pour vos yeux et oreilles. Pourtant tout part des lieder de Robert Schumann, compositeur romantique allemand du XIXe. Un lied, c’est un poème germanique, une forme musicale courte, un fragment.

Jean Louis Fernandez

L’histoire ? C’est une rupture, un déchirement interne. Parfois explicite : un couple qui se sépare, deux visions du monde contraire, une tromperie. Parfois implicite : la fin du désir, la persistance du manque, l’échec. Scénique aussi avec un décor qui se détruit continuellement. Le but est de voir ce qui se projette derrière cet effondrement, à quoi s’ouvre-t-on après la ruine et le désespoir ?

Une question qui nous fait voyager entre de multiples tableaux, d’une cuisine à un hôpital psychiatrique. À l’intérieur, la traversée de Tristan et Yseult, mythe médiéval d’un amour adultère. Un sans dessus-dessous, à première vue. Mais l’important n’est pas de comprendre tout le fil, c’est d’être captivé par tout ce qui se produit. Car Sans Tambour est une œuvre scénique qui touche intimement, qui parle à chaque personne un langage différent. Comme l’histoire de Tristan et Yseult est l’image du désespoir amoureux nécessaire aux personnages, on fabrique nos propres images de la musique, du jeu et des mots provenant de la scène. 

Jean Louis Fernandez

Le rythme est affolant de justesse, et cela pendant 1h40. Tout a une musique particulière, tout est millimétré, c’est un travail d’orfèvre. Les instruments accompagnent les voix et vice-versa, cela crée des moments de grâce sur scène. La voix de la chanteuse qui se superpose à celle de l’actrice ou les instruments qui prennent le rythme de la dispute – ou est-ce la dispute qui prend le rythme de la musique ? Et à tout cela s’ajoute l’humour, maîtrisé dans l’écriture comme sur une partition et porté par des acteur/trices grandioses dans le burlesque. 

Jean Louis Fernandez

C’est un spectacle tonitruant de bout en bout. Non pas pour le bruit dans la salle mais pour ce qu’il fait résonner en nous. On ne se perd pas une seconde, il y a toujours quelque chose à voir ou à entendre. Des moments pour nous prendre au cœur, d’autres pour nous faire rire, des fois les deux dans le même tempo. 

Sans Tambour réussit à toucher l’infiniment grand et l’intime. Il provoque des sensations différentes chez chacun/e d’entre nous, on a envie de revenir pour en trouver d’autres. Il doit en tout cas être vu, pour l’expérience unique qu’il propose. Un immense bravo à Samuel Achache et sa compagnie, toute l’équipe de l’ombre et celles et ceux sur scène qui donnent leur âme et leur souffle dans cette tornade. 

Jean Louis Fernandez

Foncez voir Sans Tambour, c’est la meilleure résolution du début d’année. Dehors il pleut. À l’intérieur, on vit une séance de stimulation unique. Le spectacle est représenté à la Manufacture, ce mercredi soir à 19h et jeudi à 14h30.

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Avec (tous les musiciens sont aussi acteurs) : Samuel Achache (trompette), Gulrim Choi (violoncelle), Lionel Dray (acteur), Anne-Lise Heimburger (actrice), Antonin-Tri Hoang (clarinette, saxophone alto), Florent Hubert (saxophone, clarinettes), Sébastien Innocenti (accordéon), Léo-Antonin Lutinier (acteur et chanteur), Agathe Peyrat (chant), Sarah Le Picard (actrice), Eve Risser (piano et piano préparé, flûte)
Mise en scène : Samuel Achache
Compagnie La Sourde (Île-de-France)
Direction musicale : Florent Hubert
D’après les Lieder de Robert Schumann
Scénographie : Lisa Navarro
Costumes : Pauline Kieffer
Lumière : César Godefroy
Collaboration à la dramaturgie : Sarah Le Picard et Lucile Rose
Arrangements collectifs à partir de lieder de Schumann tirés de Liederkreiss op.39, Frauenliebe und Leben op.42, Myrthen op.25, Dichterliebe op.48, Liederkreiss op.24
Durée : 1h40min
À partir de 15 ans

Au Théâtre de la Manufacture le :
Mercredi 11 janvier à 19h
Jeudi 12 janvier à 14h30

Tarifs : Plein : 22€ / Groupe (8 personnes) : 17€ / Réduit (-28 ans/étudiant.es) : 8€ 

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Plus d’informations sur le spectacle ici.

Photos de Jean Louis Fernandez

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Josh