Pour la première fois depuis sa création en 1999 et pour la première fois depuis que la manifestation se dote de parrains ou de marraines, Le Printemps des Poètes a fait appel à un écrivain pour parrainer son édition 2024. Habituellement, le Printemps s’entoure plutôt d’acteurs ou d’actrices. L’événement porté par le ministère de la Culture a choisi l’écrivain aventurier Sylvain Tesson. Et depuis, la polémique ne retombe pas. 

Le choix de l’écrivain réactionnaire a suscité une vive émotion dans le monde de la Littérature et de la Poésie. Il y a le camp de celles et ceux qui ne décolèrent pas de voir l’écrivain endosser cette distinction honorifique. Et le camp de celles et ceux qui s’attachent à prendre la défense de l’auteur de Dans les forêts de Sibérie ou de Sur les chemins noirs. Une bataille d’Hernani, entre les modernes, qui demandent des comptes aux institutions quand elles font des choix qui les fourvoient, et les anciens, qui espèrent voir perdurer un monde où les artistes et leurs œuvres sont dissociés. 

Après l’annonce de l’identité du parrain de l’édition 2024 du Printemps des poètes, qui aura lieu du 9 au 25 mars prochain, une tribune signée par 1200 actrices et acteurs du monde de la poésie paraissait dans Libération, demandant de revoir le choix. Personne n’a demandé de censurer Sylvain Tesson. Les exemplaires de ses livres ne sont pas menacés dans les librairies. Il a voix au chapitre, est invité partout, ses livres se vendent très bien, qui va le plaindre ? Est-il vraiment la victime de censure que la droite présente depuis quelques jours ? Est-il nécessaire que se ruent pour le défendre ministres et milices ? La fragilité du camp des anciens se lit aussi dans les colonnes du Figaro, du Point, ou de Valeurs Actuelles, où les signataires de la tribune parue dans Libération sont traités de médiocres ou de cafards. 

Peut-être que les ineptes, les paresseux, les médiocres, ne sont pas là où le pensent les adorateurs et adoratrices des pamphlétaires vichystes, ou alors espèrent-ils du fond de leurs tripes que l’extrême droite arrive au pouvoir en France ? Quand une institution publique fait pour la représenter le choix profondément politique d’un écrivain qui a trop frayé avec les fascistes pour qu’on ose faire semblant de ne pas en comprendre la gravité, il est juste qu’on lui demande des comptes. Celles et ceux qui font business des passions tristes savent ce qu’ils font. Chaque jour l’extrême-droite et ses idées sont banalisées un peu plus, au sommet de l’État et sous les plumes. Avec Sylvian Tesson, Sophie Nauleau – elle-même bien illégitime à la tête du Printemps des Poètes – a choisi le camps de l’obscurité, des haleines qui pourrissent de ce qu’elles crachent comme idées acres. Complices, celles et ceux qui ne comprennent ou ne font pas l’effort de comprendre ce qui se joue avec le choix de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des Poètes. 

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Pour aller plus loin : cet article des Inrocks paru en juin 2023 intitulé “Sylvain Tesson ou les liaisons dangereuses avec l’extrême-droite” cet article de Médiapart paru le 22 janvier 2024 intitulé “Sylvain Tesson, nouveau révélateur de la banalisation de l’extrême-droite

Arthur Guillaumot / Photo de Une Joël Saget / AFP