Mercredi 20 septembre, au soir, le roi Charles III et sa clique était reçus à Versailles par Emmanuel Macron et sa troupe. L’occasion d’un petit dîner en toute simplicité, hors du temps et des préoccupations de l’époque. Un moment inutile et d’une rare violence. 

Pour commencer, n’en déplaise aux éternels valets de cour et aux arrivistes qui n’en finissent plus d’arriver : non il n’existe pas un seul début d’argument valable pour défendre cette pompeuse réception. Ni la France, ni aucun pays du monde ne devrait avoir à se tordre le dos en cérémonial devant un monarque. Qu’il ou elle soit reçu·es comme un·e chef·fe d’état. Grand maximum. 

Le banquet organisé hier soir à Versailles, dans la galerie des Glaces aurait été une super idée et même une bonne nouvelle genre à la fin de la guerre de Cent Ans. Bref, une super cousinade dans une époque insouciante, où la galerie des Glaces n’existait même pas et où nous n’avions pas encore coupé la tête d’un monarque. De nos jours, quelle tartufferie. Cet entre-soi imposé aux yeux du monde, aux regards médusés est une imposture.

Et oubliez tout de suite l’alibi écologique. Les convives s’en tapent tous, les Mick Jagger, les Yann Arthus-Bertrand, qui se drapent derrière des façades écolos pour coller un peu à l’époque et faire oublier à quel point leurs trains de vie polluent. Pas besoin de “l’entente cordiale”  sur le climat que le roi vient de proposer, ce jeudi, au Sénat. La lutte contre le réchauffement climatique n’a rien de cordial. Et à quel moment tu viens bouffer du homard bleu pour en parler. Dommage que Pierre Hermé ne sache pas cuisiner la cohérence parce que tout le monde était en carence. 

Il y a une semaine, Olivia Grégoire, ministre en charge des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Territoire soumettait l’idée de réintroduire des cours de cuisine à l’école pour lutter contre l’inflation, quand le Président de la République évoquait il y a un an “la fin de l’insouciance et de l’abondance”. C’est dans ce contexte que s’inscrit ce dîner totalement inutile mais qui plus est violent. Dans un pays où Les Restos du Cœur appellent à l’aide face à l’augmentation de la demande et où les étudiant·es doivent compter sur les banques alimentaires, on ne peut pas faire ça. Et pas avec 160 convives inutiles venu·es regarder le creux de leur vacuité dans l’unique but de pouvoir le raconter ensuite à leur journal intime. 

Chaque invité·e du dîner est reparti avec une bouteille de Château Mouton Rothschild 2004, d’une valeur de 2 772€. Si vous faites le calcul, puisqu’un repas servi aux Restos du Cœur coûte 1€, ça fait 443 000 repas qui auraient pu être servis rien qu’en se débarrassant de l’opération “bouteille de vin offerte aux frais du contribuable à des gens qui ont les moyens de se les payer”. En fait vous savez quoi, je m’en fous que des vieux démiurges de Wish partouzent en se bâfrant, mais seulement dans un monde où personne ne crève de faim, ce qui est loin d’être le cas. 

En plus de regarder béatement la planète brûler depuis le confort insolent de leurs dîners d’un autre temps, cette cour prépare aussi le terrain pour un populisme qui monte suffisamment pour qu’on prenne le soin d’éviter de l’entretenir aussi allègrement. Les convives de ce dîner, monarques, politiques, sportif·ves, stars, en acceptant l’invitation sont tous·tes devenu·es complices d’un manège dont le monde se passerait bien. 

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Arthur Guillaumot / Photo de une : Daniel Leal, AFP & Pool