
Camille Cottin adapte au théâtre le roman Jewish Cock de Katharina Volkmer. Texte queer puissamment radical, elle le porte seule au plateau avec l’aide de Jonathan Capdevielle à la mise en scène. Créé en septembre 2024, Le Rendez-vous est de passage au TnS du 11 au 22 mars. Obligé·es de passer le voir.

__
Le Rendez-vous revendique le droit d’aborder sa propre identité. On nous dévoile un personnage qui, pour se frayer une place dans la société, n’écrase pas les autres, ne dévie pas de chemin, mais marche droit. On expose toutes les pensées d’un homme coincé dans un corps de femme qui fantasme sur Hitler, danse dans tous les sens et se confie à n’importe qui. Cette forme d’affirmation comme un puits de liberté est portée par Camille Cottin, à l’initiative du projet, et Jonathan Capdevielle, dans une scénographie mouvante et une interprétation généreuse.
Derrière des rideaux violets, des pieds dépassent. On découvre plus tard qu’il s’agit de ceux d’un homme expatrié, rongé par la culpabilité du nazisme de ses aïeuls. Un homme qui a conscience de ses échecs autant que des déceptions qu’il cause. Jamais une crise identitaire n’aura paru si limpide. Chaque doute est assumé pleinement, non pas en rendant n’importe quoi acceptable, mais en légitimant le poids de la honte. Dans un texte féministe aux multiples remises en question, la conversation suit le courant de la conscience, une rivière agitée mais qui ne discontinue pas.
Pour nous figurer la sensation d’un tel bazar mental, Le Rendez-vous prend la forme d’une chorégraphie excentrique. La cadence ne cesse d’augmenter tandis que les costumes se multiplient. Mais si les thématiques vont dans tous les sens, c’est bien un unique talent qui transmet l’intensité de ces sujets : celui d’une actrice au seul-en-scène qu’il ne faut pas manquer.
Irène Feuvrier

__
Camille Cottin a trouvé un personnage à sa hauteur. En pleine opération pour changer de sexe, cette allemande expatriée à Londres a soudain le besoin de s’exprimer. De sa non-tendre enfance à ses traumas d’adolescence, de la Shoah au patriarcat, elle passe au scalpel son vécu. Son impertinence prend la forme d’une catharsis jubilatoire.
Elle est accompagné d’une scénographie signée Nadia Lauro, qui dévoile, après un début dans le noir complet, un assemblage de rideaux violets géants, qui semble former un tombeau, ou un sas vers une autre identité. Camille Cottin se débat avec les tissus, les assemblent à sa guise, comme un voyage dans les méandres du cerveau du personnage. L’actrice manie avec le brio d’une star son corps et son texte, en dissonance comme en harmonie.
Pourtant, malgré les tentatives qui l’accompagnent (changements de lumières et de costumes, voix modifiée, maniement d’objets, danse), le seul en scène tend à s’épuiser, et pêche d’une quinzaine de minutes de trop.
Rien qui suffit à entacher le bonheur de voir Camille Cottin sur scène, qui dompte le public par la nécessité de ce qu’elle a à nous dire, de ce qu’il nous faut entendre. Lisez Jewish Cock, allez voir Le Rendez-vous, ou les deux.
Joshua Thomassin

__
Interprétation Camille Cottin
Adaptation du roman Jewish Cock de Katharina Volckmer
Traduction Pierre Demarty
Mise en scène Jonathan Capdevielle
Assistant à la mise en scène Benjamin Gauthier
Scénographie Nadia Lauro
Costumes Lauriot Prevost
Création lumière Yves Godin
Création sonore et musicale Pierre Boscheron
Chorégraphie Marcella Santander
Le roman traduit en français est publié aux éditions Grasset & Fasquelle, 2021.
Production Les Visiteurs du Soir
Coproduction Théâtre du Jeu de Paume, MC2: Maison de la Culture de Grenoble – Scène nationale, Bonlieu – Scène nationale, Opéra de Vichy-Vichy Culture, Théâtre National de Strasbourg, Anthéa-Antipolis – Théâtre d’Antibes, Châteauvallon-Liberté – Scène nationale, TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers – Scène nationale
__
Irène Feuvrier et Joshua Thomassin
Photo à la Une de Aloïs Aurelle