On est passé à Charleville-Mézières, pour la 23ème édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes. Sur la programmation foisonnante que propose le Festival dans son IN, on a vu 3 spectacles, dont on vous livre la critique ici.

Jean-Clone, de Julien Mellano

Cie Aïe Aïe Aïe

Cap sur une planète inconnue, où tout se forme devant nous. Une capsule débarque, au-dessus d’elle une lampe, qui danse. Puis de la capsule sort un corps, comme une première naissance. La lampe l’accueille, lui parle. Il s’agit de l’IA qui l’accompagne dans cet écosystème, lui donnant ses ordres de mission, sur fond de complot bactérien. L’homme doit accepter son destin, il ne lui reste qu’une heure de vie pour remplir ses tâches. Petit à petit, des clones le rejoignent, empruntant le même chemin depuis la capsule. Ces hommes, aux masques vieillissants et difformes, découvrent leur espace de jeu en même temps que nous, nous plongeant dans l’imaginaire instantanément. Tout, dans la forme, est réussi. On s’y voit, dans cette mission interplanétaire, on s’y attache et on s’émerveille. On croise les imaginaires de productions hollywoodiennes, de Interstellar à Mickey 17. On s’y sent bien. Le déploiement de clones face à une IA qui donne les ordres prend à parti notre futur, l’improbabilité de 2001, l’Odyssée de l’espace est devenu probable. Là où la technique impressionne, par les matières utilisées et la robotisation de corps qui réapprennent à marcher, le texte ne faiblit pas, et on on est naturellement embarqués dans cette aventure qui nous parait étrangement proche.

The Choice, de Gintarė Radvilavičiūtė 

Vilnius Theatre Lėlė, Lituanie

Directement inspirée du livre éponyme d’Edith Eger, ce spectacle lituanien impressionne par sa beauté plastique. Une femme nous conte l’histoire de sa soeur, de sa mère et d’elle-même, embarquées pendant la Seconde Guerre Mondiale et emprisonnées au camp d’extermination d’Auschwitz. Sur scène, la narratrice tire ses souvenirs des formes. Celles du corps, surtout, avec qui elle danse. Parfois sa jambe, parfois ses bras s’allongent, parfois elle valse avec un buste d’humain ou de cheval. C’est une danse protéiforme qui berce le plateau. Jusqu’à un mur final somptueux, qui applaudit le jeu de lumière produit tout du long. Si le beau nous emporte, les scènes tendent à devenir redondantes, et manque cruellement de vivant. On s’en sent détaché, extérieur à l’infini. Et ce qui marque l’absence de vie, c’est une voix robotique qui vient dire le récit, comme s’il était lu, comme s’il appartenait au passé. Si l’on comprend aisément le sens de cette forme, elle ne permet pas l’impact souhaité et nous laisse dans un suspens dérangeant, dans un endroit où nous ne sommes pas conviés.

Les nouvelles hallucinations de Lucas Cranach L’Ancien, de Patrick Bonté

Cie Mossoux-Bonté, Belgique

Voici un spectacle qui ne se range pas, et qu’il faudrait ranger. Lucas Cranach L’Ancien, peintre allemand du XVIe siècle, a peint un nombre incalculable de tableaux. Sur scène, derrière un mur-trompe l’oeil, ces figures qu’il a peintes prennent vie et ont enfin la chance de se déployer, de quitter leur position figée. Mais de ça, le spectacle n’en fait rien. On regarde pendant 50 minutes une succession de tableaux animés, en se demandant pourquoi on a été conviés à cette danse macabre. On est au niveau le plus bas de l’accessibilité. Il faudrait d’abord connaître Lucas Cranach L’Ancien, puis ses oeuvres, puis aimer les regarder s’animer sans autre nécessité que cette action. Rien ne se crée et tout se perd. C’est l’indéfinition d’un spectacle vivant, rien ne dépasse la scène et ne ravive la flamme qui nous permet de rester alerte. Ce grand tableau, musical et dansant, trouverait plutôt sa place en médiation culturelle dans un musée du peintre que sur une scène quelconque à travers le monde.

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Le Festival continue jusqu’au 28 septembre. On vous conseille ici les spectacles à ne pas y manquer.

Plus d’infos sur le Festival.

Joshua Thomassin et Mélissa Fernandez-Roth