On en a beaucoup entendu parler il y a 2 ans déjà, et on y a peut être même participé, sans forcément en avoir compris tous les enjeux ni son fonctionnement. L’affaire du Siècle porte avec elle beaucoup d’espoirs, en tant que fleuron de la lutte contre la crise écologique en France. Une lutte qui nous concerne tous, au delà de tout clivage politique. Une lutte qui a du retard, et qui a du mal à s’imposer dans les choix des politiques internationales malgré l’urgence de la situation. 

Comment fonctionne cette initiative ? A quoi sert-elle ? Que peut-on en espérer ? Et surtout, où en est-on à l’heure actuelle ?

Les origines

Tout à commencé en 2015 aux pays bas, lorsque l’association Urgenda remporte une victoire importante face au gouvernement. Grâce à un recours devant la justice, la partie plaignante a pu faire valoir la responsabilité de l’Etat dans le dérèglement climatique, et mettre en lumière ses efforts jugés insuffisants pour le combattre malgré le danger qu’il représente pour nous à l’avenir. C’est la première fois qu’un gouvernement est ordonné de relever ses ambitions climatiques par un tribunal, une date historique dans la construction d’une justice climatique.

On a définit que l’état aurait réduit de 17% ses émissions de CO2 d’ici à 2020 (par rapport à 1990) au regard de sa politique actuelle. Les magistrats ont considéré cet effort comme insuffisant vis à vis des données du GIEC, et a décidé d’imposer une réduction de ces émissions à 25% dans le même délais. Après 2 appels fait par le gouvernement hollandais, la décision est passée. En plus de faire du bien, ce succès montre l’exemple. 

En France

Importante cette victoire donc, mais inspirante aussi. Dès 2015, Notre Affaire à Tous voit le jour en France, une association créée par un groupe de juristes pour déposer un recours contraignant à l’Etat Français. Le but est le même : mettre le gouvernement face à ses responsabilités, lui qui comme beaucoup d’autres ne respecte pour l’instant pas ses engagements pris lors de la COP 21 pour réduire ses émissions de GES*. C’est donc une bataille juridique féroce qui est engagée depuis, appuyée par une pétition signée par plus de 2 000 000 de personnes en 3 semaines, ce qui en fait la mobilisation la plus massive jamais vue en France ! Une démarche d’ampleur qui a beaucoup rassemblé, et dont on a beaucoup entendu parler grâce notamment aux personnalités qui l’ont porté. 

*Gaz à effets de serre

Comment ça fonctionne ?

La démarche sollicite d’abord une réparation des préjudices causés par l’inaction climatique de l’Etat, mais aussi qu’il rattrape son retard et ses carences en matière de lutte contre le dérèglement climatique. L’Affaire du Siècle a d’abord demandé des comptes directement au gouvernement, en mettant en lumière de nombreuses données qui justifient leur démarche. Au hasard : La directive énergies renouvelables 2020 définie en 2009 prévoyait 23% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale pour 2020. Elle n’était que de 16,3% en 2017, alors qu’elle aurait dû atteindre au moins les 19,5%. 

Les gouvernements successifs voient encore surtout – et à tort – l’écologie comme un frein au développement du pays, pendant que celle-ci aurait besoin d’être bien mieux prise en compte dans les politiques internationales pour espérer un monde viable dans la futur. On sait via de nombreuses sources (ex : rapport Stern) qu’investir suffisamment dans la transition écologique maintenant coûterait bien moins cher à terme que des investissements trop tardifs et trop peu conséquents, comme ceux réalisés à l’heure actuelle. Et pourtant…

Même si le gouvernement n’a pas nié la réalité du changement climatique et son rôle à jouer dans celui-ci, il a cependant réfuté la responsabilité de l’Etat et rejeté la faute sur les gouvernements précédents. Faute de bonne volonté de sa part, Notre Affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et La Fondation pour La Nature et l’Homme (organismes signataires de ce mouvement) ont déposé une demande préalable devant la justice. 

En cas de Victoire

On peut alors se demander en quoi cette initiative peut avoir de l’impact même en cas de victoire. Tout d’abord, il faut savoir que la justice a une certaine emprise sur l’Etat quand il s’agit de punir certains de ses manquements et peut lui imposer des garanties. C’était le cas pour l’affaire de l’amiante en 2004, celle du sang contaminé en 1993 ou encore celle de la pollution par les nitrates en 2009. Une victoire rendrait d’abord beaucoup plus compliquée à l’avenir la proposition de projets de loi dits climaticides. La justice climatique commence seulement à se développer, et reste un champs juridique complètement nouveau qui a besoin de moments forts comme ceux-là pour accélérer et renforcer son pouvoir. Cela servirait d’abord d’exemple, mais aussi de jurisprudence à part entière pour de futurs cas où sont mis en cause responsabilité étatique et dérèglement climatique.

Une victoire forcerait aussi l’Etat à rendre des comptes (notamment financiers) mais aussi à revoir certains des objectifs qu’il s’était fixé à la hausse. En effet, même si la COP 21 avait pour tâche importante d’harmoniser les efforts internationaux en matière de lutte environnementale, aucune réelle sanction n’est délivrée à ceux qui ne respectent pas leurs objectifs et comme on pouvait s’y attendre, ceux-ci ne sont pas respectés. L’affaire du siècle pourrait changer les choses en redéfinissant ces objectifs comme cela a été fait aux Pays Bas, mais aussi permettre le développement d’un système de sanctions (plus ou moins contraignantes) pour les faire mieux respecter. 

L’Affaire du siècle en ce moment

De nombreuses données entrent en compte dans le dossier préparé par Notre Affaire à Tous pour gagner en justice. Calculs à l’appui pour montrer le retard de la France sur la question climatique, utilisation du droit de l’Union Européenne pour définir la responsabilité essentielle de l’Etat dans la lutte environnementale… Vous pouvez en savoir plus en visitant leur site internet ICI.

Cette mobilisation citoyenne si importante va connaître son dénouement bientôt : l’Etat a quelques semaines pour ajouter quelques arguments à son dossier avant que l’on décide de clôturer l’instruction. Une date d’audience sera alors fixée, et nous devrions connaître la partie gagnante avant la fin de l’année.

Vous devriez ces prochaines semaines entendre parler à nouveau de cette mobilisation historique dans les médias, engagée dans un bras de fer qui aura duré 2 ans. Ce moment est important pour la justice climatique et notre avenir, et il a encore besoin de soutien pour avoir plus de garanties sur sa réussite encore. Si vous n’avez pas encore signé la pétition, ça se passe par ici. Si vous souhaitez aider financièrement cette action (qui coûte très cher), ça se passe

Romain Bouvier.