Vous habitez quelque part, mais est-ce que vous connaissez vraiment les lieux, les talents, et les thématiques propres à ce quelque part ? Au coeur de l’été 2021, Théo Caviezel et Johann Legrand ont voulu répertorier les richesses du département 52. Alors ils ont grimpé sur des vélos et depuis ils alimentent leurs réseaux de découvertes locales. Discussion.

Comment l’idée de cette initiative s’est imposée à vous ?

L’emploi du verbe « imposer » est totalement approprié à ce sujet. C’est un projet qui est apparu comme une évidence, une nécessité. Sa genèse est assez singulière : en mars 2021 j’effectuais mon footing quotidien autour du village où je vis et, comme toujours, ce temps qui m’est donné me permettait de penser et réfléchir à de nombreux sujets. L’idée de réaliser un tour du monde de la Haute-Marne est apparue à la moitié de mon parcours, j’ai donc arrêté de courir et tout de suite appelé mon acolyte Johann. Le nom du projet était déjà tout trouvé, et le concept à coup sûr une bonne idée. Nous avons discuté une dizaine de minutes et dessiné les contours de ce qui n’était encore qu’une hypothèse pour lui, une certitude pour moi, mais pas à court terme puisque mon activité professionnelle me prenait déjà beaucoup de temps et que Johann n’était pas plus emballé que cela à première vue, compte tenu de nos agendas respectifs. Quatre mois plus tard, le sujet a été remis sur la table grâce à des agendas plus flexibles de part et d’autre, et nous avons en trois semaines tout organisé, puis sommes partis à l’aventure pour 1200 kilomètres en vélo !

Qu’est-ce qui vous a convaincu de vous intéresser à l’échelle locale ?

Johann et moi sommes des enfants du « pays » ! Notre village haut-marnais constitue la colonne vertébrale de notre vie. Nous nous en sommes véritablement aperçus, paradoxalement, quand nous étions à l’autre bout du monde, Johann en Amérique du Sud et moi en Asie. Orelsan a écrit dans une de ses chansons : « Au fond, je crois que la terre est ronde pour une seule bonne raison : après avoir fait le tour du monde, tout ce qu’on veut c’est être à la maison. » C’est si juste. Nos racines sont en Haute-Marne, nous en sommes fiers. Le patrimoine de notre département, son économie, sa vitalité, sa préservation, sont autant de sujets sur lesquels nous sommes attentifs et qui nous tiennent particulièrement à cœur.

Qu’est-ce que vous avez découvert sur le département en le sillonnant comme vous l’avez fait ?

Tellement de belles choses ! Quand nous partons à l’aventure, ce sont tous nos sens qui sont mobilisés de manière quasi permanente. Si je ferme les yeux et repense à ce projet, je redécouvre des sons, des images, des odeurs, tout un tas de sensations, d’émotions que nous ont fait ressentir les personnes rencontrées, les forêts traversées, les monuments visités… La Haute-Marne est riche d’un patrimoine exceptionnel, chaque chemin, chaque village nous mène vers l’extra-ordinaire. Et puis, nous avons aussi découvert des choses sur nous-même, comme dans tout véritable voyage.

L’aventure, la découverte, l’ailleurs, ça commence en bas de chez soi

Justement, qu’avez-vous appris sur vous durant ce projet ?

Vous savez, d’aucuns disent que les voyages sont avant tout intérieurs. C’est en partie pour cela que nous avons eu le culot d’appeler cette aventure le « Tour du monde de la Haute-Marne ». Le tour du monde de notre monde à nous en quelque sorte. Pas besoin de faire un aller-retour de quatre jours à Mykonos pour être dépaysé ! L’aventure, la découverte, l’ailleurs, ça commence en bas de chez soi et c’est ce changement de prisme que nous avons souhaité amener dans la réflexion des gens avec ce projet. Alors ce que nous avons appris sur nous-même… ? La capacité à s’émerveiller, à trouver la Beauté partout où elle est invisibilisée, certainement. Et bien d’autres choses qui ne sont pas perceptibles mais qui font assurément grandir un Homme.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

Nous avons été surpris par l’accueil de toutes les personnes que nous avons croisées. Nous espérions que tout se passe bien, et savions que des territoires ruraux comme la Haute-Marne fonctionnent encore beaucoup avec l’entraide et la bienveillance envers son prochain. Mais je dois dire que tout a été au-delà de nos espérances. Ce projet a vraiment fédéré et rendu fiers tous ceux qui ont une attache avec la Haute-Marne. C’était assez incroyable de recevoir tant de messages de remerciements, comme si mettre en lumière notre département, c’était aussi rendre hommage à tous ses habitants et leur prouver qu’ils ne sont pas « rien », noyés ou invisibilisés par la société. Nous avons une histoire commune, un héritage dont nous devons être fiers, et qui nous oblige aussi.

Est-ce que c’était aussi l’occasion, en pleine période estivale, de prendre le temps de profiter ou c’était trop intense ?

Pour faire le lien avec la précédente question et cette notion d’obligation liée à notre histoire commune, je dirais tout d’abord que nous ne nous considérions pas en vacances mais bien en mission pour notre département, cela a occupé tout notre temps durant un mois, sans aucune pause, avec la logistique à anticiper, les articles à rédiger, nos plateformes numériques à mettre à jour et, le plus important, la découverte des merveilles haut-marnaises.

On nous avait prévenu avant même le départ : « votre tour ne vous amènera que de frustration en frustration. » L’image, bien qu’exagérée, reflète assez bien la réalité. Il y a tant à voir et à faire en Haute-Marne qu’il était impossible de passer partout et de mettre en avant tout le monde, tout en respectant notre planning fixé à un mois d’aventure. Le but était de cartographier notre département et montrer que partout se développent des projets formidables, que dans chaque village se trouve un patrimoine inestimable… Nous sommes passés dans plus de la moitié des villages de la Haute-Marne, avons rencontré plusieurs centaines de personnes… Nous aurions souhaité en faire encore plus, mais nous avons dû trancher et je pense que cela est positif. Nous prouvons qu’il y a une grande richesse ici et qu’il nous faudra toute une vie pour la découvrir. Pour conclure et répondre à ta question : oui nous avons profité, puisque ce qui importe n’est pas tant la destination que le chemin, mais oui c’était très intense !

Est-ce que vous avez rencontré des difficultés ?

Comme dans tout voyage, nous avons en effet eu quelques galères. Et heureusement ! Du vélo qui déraille à notre GPS qui nous perd en pleine forêt, ce fut une véritable aventure, comme j’avais pu la vivre quand j’étais en Asie, à 10 000 kilomètres de chez moi. La météo n’a pas non plus été très clémente, ce qui a rajouté une difficulté que nous avions minimisée. Pour le reste, je vous invite à vous plonger dans nos récits quotidiens sur le site www.tourhautemarne.fr pour lire et découvrir, à chaud, toutes les difficultés que nous avons pu traverser !

Comment comptez-vous continuer de faire vivre la réflexion entamée cet été avec Le Tour du Monde de la Haute-Marne ?

C’est une question que nous nous posons tous les jours et qui amène pour le moment plus d’interrogations que de réponses. Comment être utiles à notre territoire ? Dans quel projet investir tout notre temps et notre énergie ? Est-ce que cela passe par la création d’une entreprise dédiée à l’attractivité du département, au tourisme, à l’accompagnement des porteurs de projets, à la sauvegarde de notre patrimoine ? Est-ce que cela passe par le salariat, auprès de projets déjà existants, privés ou publics ? Est-ce que cela passe par une candidature pour briguer un mandat local ? Aucune réponse à cela, ce qui sûr en tout cas, c’est que nous ne nous interdisons rien. Je crois en quelque chose de l’ordre du destin – là où d’autres y voient le hasard ou la chance ; ils ont certainement raison – et sais que les opportunités arriveront au bon moment, et nous feront prendre le bon chemin. Pour le moment, nous restons à ce carrefour aux multiples routes qui se dessinent devant nous, et analysons toutes ces possibilités. Notre souhait le plus cher est de rester en Haute-Marne et de mettre à profit nos compétences ici, mais cela ne se fera pas à tout prix.

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Arthur Guillaumot / Photos fournies par Théo Caviezel et Johann Legrand