La Manufacture met à l’affiche C’est comme ça (si vous voulez), la pièce de Luigi Pirandello, Così è (se vi pare), écrite en 1917, adaptée ici par Guillaume Cayet et mise en scène par Julia Vidit. Une pièce qui interroge nos subjectivités, pendant près de 2h15. 

La pièce de Pirandello est rythmée par une dramaturgie haletante. Le prix Nobel de Littérature 1934, proche du fascisme et de Mussolini dès 1924, ne cessa jamais de réinventer son rapport à l’écriture. Dans C’est comme ça (si vous voulez), d’abord connue en France sous le titre Chacun sa vérité, Luigi Pirandello imagine une petite préfecture italienne bouleversée par l’arrivée d’un fonctionnaire, Monsieur Ponza, qui semble retenir sa femme comme prisonnière et empêcher sa belle-mère, Mme Frola, de la rencontrer. 

Les voisins sont alors saisis d’une envie irrépressible de connaître la vérité. Ils oscillent entre deux versions des faits, une vraie et une fausse, ou deux vraies, ou deux fausses, qui sait, et existe-il une réponse ? C’est la question posée tout au long de la pièce.

Si les personnages hauts en couleur et le comique de situation nous esquissent des sourires et nous dessinent des rires, la pièce prend une dimension philosophique à mesure qu’elle avance, représentée par la pensée de Laudisi, l’oncle sceptique de la famille de voisins qui mène l’enquête. Il leur (et nous) fait comprendre qu’il n’y a pas à chercher une réponse à leurs interrogations et qu’on ne peut pas déterminer une seule vérité sur cette situation : tout dépend du point de vue, une personne peut être vue de 3 manières différentes par 3 personnes différentes. Cette comédie nous propose une réflexion sur la pensée humaine alors que tout s’envenime dans l’histoire et devient de plus en plus (op)pressant jusqu’à un frappant final. Le dernier acte est d’ailleurs fraîchement inventé par Guillaume Cayet et Julia Vidit pour s’ajouter au travail de Pirandello et comme le dit la metteuse en scène : “faire passerelle entre 1917 et aujourd’hui”, tant le jeu de l’information s’est transformé depuis.

Justement, la mise en scène de Julia Vidit sied parfaitement aux antagonismes présentés. Le décor, inspiré de l’escalier infini, est aussi inhabituel que somptueux et permet aux scènes d’être efficaces tout en nous plongeant dans cet univers de la recherche d’une réponse introuvable, quels que soient les escaliers empruntés. 

Et une telle pièce ne pouvait être réussie sans un jeu sans faiblesse. Et c’est le cas, les actrices et acteurs sont exceptionnels et chacune et chacun donne l’impression d’avoir le rôle qui lui était destiné (genre depuis la naissance). On reste admiratif de leurs performances du début à maintenant.

La Manufacture propose donc une passerelle dans le temps pour interroger notre rapport à la vérité. Ça gratte et ça vibre, l’ensemble est porté par le génie lucide et comique de Luigi Pirandello, par l’adaptation moderne de Guillaume Cayet et la mise en scène profonde de Julia Vidit, avec un décor de rêve. Vous êtes obligé.es d’y aller. C’est comme ça. Così è.

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Un spectacle de Julia Vidit, nouvelle traduction d’Emanuela Pace, adaptation et écriture de Guillaume Cayet
Jeu : Marie-Sohna Condé, Erwan Daouphars, Philippe Frécon, Étienne Guillot, Adil Laboudi, Olivia Mabounga, Véronique Mangenot, Barthélémy Meridjen & Lisa Pajon
Durée : estimée 2h15 / À partir de 15 ans

Tarifs : Plein : 22€ / Groupe (8 personnes) : 17€ / Réduit (- 28 ans, demandeurs d’emploi, intermittents, artistes affiliés à la maison des artistes) : 8€ / Mini (Étudiants, bénéficiaires du RSA, ASPA, ASS, allocation AH) : 5€.

+ La représentation du 3 mars à 14h30 est au tarif spécial de 1€ pour les étudiant.es.

Le 1er mars à 20h, le 2 mars à 19h, le 3 mars à 14h30 et 20h, le 4 mars à 20h, le 5 mars à 19h, le 6 mars à 14h30.

Puis en tournée : Thionville le 9 et 10 mars, Mâcon le 15 mars, Oullins du 17 au 19 mars, Le Creusot le 25 mars, Châtenay Malabry le 5 et 6 avril, Paris du 9 au 24 avril, Cherbourg le 28 et 29 avril et Epernay le 3 mai.

Toutes les informations dont vous pourriez avoir besoin sont ici.

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Josh / Arth